L’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium cultural, avec le soutien de nombreuses associations, organisations et partis, participeront le 16 mars à Madrid à un rassemblement pour exiger la liberté des prisonniers politiques et des indépendantistes exilés, afin de rappeler que « L’autodétermination n’est pas un crime », le droit de décider fait partie des libertés démocratiques, que le procès qui se déroule au Tribunal suprême est un procès contre la démocratie et un autre exemple de la dérive de l’État espagnol vers l’autoritarisme. et la restriction des libertés.
De Catalogne, sont organisés de nombreux autocars et de nombreuses personnes ont déjà réservé des billets de train et d’avion ou ont décidé de voyager en voiture. La participation de représentations d’autres villes de l’État espagnol et, en particulier, de la ville de Madrid est attendue. La manifestation débutera à 18h00 à la Gare d’Atocha et se terminera à 20h à la place Cibeles.
C’est la première fois que les organisations indépendantistes organisent une manifestation à Madrid. De plus, elles le font conjointement avec différentes organisations sociales et politiques de la Communauté de Madrid. Le 7 décembre 2018, pour les mêmes raisons, une marche à Bruxelles a rassemblé entre 45 000 et 60 000 personnes selon les chiffres de la police municipale et fédérale. La marche du 16 mars a été initialement accueillie avec certaines réticences par certains secteurs indépendantistes, mais celles-ci ont diminué au fil du temps et ces derniers jours, une forte volonté de participation s’ est confirmée. Même dans ce cas, il est difficile de prévoir le nombre de participants au-delà du fait que la manifestation sera importante.
Cet article veut souligner l’importance de cette initiative, tant du point de vue de la Catalogne que de l’ensemble de l’ Etat espagnol.
Porter la lutte catalane à Madrid
Au Tribunal Suprême de Madrid, 12 détenus et condamnés sont en train d’être jugés, pour la plupart inculpés de rébellion, avec une demande fiscale de 177 ans de prison pour avoir organisé le référendum du 1er octobre 2017 et d’avoir fait une déclaration politique d’indépendance le 27 octobre de la même année. En ces temps difficiles, il est nécessaire que les prisonnières et les prisonniers puissent constater que les citoyens sont avec eux, comme ils ont pu le constater lors des concentrations citoyennes devant les prisons, ou comme l’ont vérifié les exilés à Bruxelles le 7 décembre 2018.
Madrid est la capitale de l’État, où se trouvent également le roi, le parlement, le siège des principaux moyens de diffusion ... Pour eux, il est également nécessaire de leur faire voir la force et la détermination du mouvement de solidarité avec les prisonniers et pour la lutte en défense de la démocratie.
Le 16-M peut jouer un rôle important en favorisant la rencontre et la convergence avec des associations, des organisations et des personnes solidaires de la Catalogne, luttant contre l’involution répressive de l’État et partageant le point de vue selon lequel nous devons unifier les luttes pour la démocratie, les droits sociaux face au régime monarchique. On dit parfois que ces secteurs, en dehors du Pays Basque (Euskal Herria) et de la Galice (Galiza), n’existent pas. Mais ce n’est pas vrai : ils sont là, ils travaillent, ils se mobilisent et il existe des possibilités qu’ils se renforcent. Des moments de convergence comme le 16-M peuvent aider à se renforcer mutuellement.
La manifestation est une occasion de montrer aux habitants de Madrid comment est le mouvement souverain catalan : populaire, transversal, pacifique et attaché à la démocratie. L’Etat et les médias ont réussi à imposer à l’opinion publique hors de Catalogne l’image déformée d’un mouvement manipulé par la bourgeoisie, ethnisciste, qui veut marginaliser le castillan et qui n’est pas solidaire avec les autres peuples de l’État. Il faut rendre visible l’ affirmation de Jordi Cuixart face à ses accusateurs : nous sommes des peuples frères et ils ne réussiront pas à nous opposer.
Au cours des intenses dernières années, un secteur du peuple catalan s’est vu tellement attaqué par l’État qu’il se sent totalement étranger à cela. Il considère que sa lutte n’a reçu que très peu d’appui de la part des partis, des associations et des personnes qui se déclarent démocrates. et que cela ne changera pas et a finalement décidé de se déconnecter ce qui se passe en Espagne. Mais cela consiste à jeter des pierres sur notre propre toit. Parce que l’État non seulement ne se déconnecte pas de nous, mais veut nous écraser et gagner le référendum que nous réclamons ; nous devons trouver des alliés parmi les autres peuples de l’État, ce qui est parfaitement possible. C’est pourquoi nous devons nouer des liens avec eux, les séduire dans l’objectif de la construction de luttes communes pour la défense de la démocratie et des droits sociaux.
Converger avec les autres peuples de l’Etat
De nombreuses associations, organisations et personnes dans toute l’Espagne partagent une analyse similaire et travaillent pour cette convergence.
Un bon exemple en sont ces paragraphes du « Manifeste du syndicalisme alternatif et de classe » qui appelle à la manifestation du 16 mars à Madrid : « la lutte pour le droit à l’autodétermination en Catalogne a constitué non seulement l’un des principaux facteurs politiques de déstabilisation du régime de 78 (année du vote de la Constitution de la Monarchie espagnole), mais est également devenu un nouveau champ de bataille pour mettre à l’essai et mettre en place « l’agenda caché » de l’État espagnol, c’est-à-dire tout l’arsenal d’exceptionnalité répressive du pouvoir législatif, médiatique et politique judiciaire ou de police qui ensuite, avec des intensités différentes, s’applique à l’ensemble de la population, aux mouvements et aux classes travailleuses ».
C’est dans le même sens qu’ont travaillé, les signataires du Manifeste « Il n’ y a pas de justice » (No hay Justicia) qui ont appelé à une manifestation à Madrid le 15 décembre : « Nous voulons mettre en évidence que la judiciarisation de la vie politique est un mécanisme systématiquement appliqué contre toute forme de divergence politique qui se veut transformatrice et qui tente d’agir pour dépasser le régime de 1978 ».
Si, comme le Roi l’a dit, seul est démocratie ce qui est légal, si ce qui n’est pas légal est un délit, si les lois et leur interprétation chaque fois plus restrictive des libertés, si les manifestations pacifiques sont des tumultes et si la désobéissance est rébellion, alors tous les mouvements sociaux transformateurs sont sérieusement menacés.
Pour s’opposer à cette dérive réactionnaire de l’État, il faut plus que des résolutions de congrès, des déclarations et des interventions parlementaires. Il faut de l’ action dans la rue. Cela, Podemos devrait le comprendre qui est au niveau de l’ Etat une organisation de gauche forte, qui partage théoriquement une bonne partie de ces arguments, mais qui, jusqu’à présent, est absente de la mobilisation dans la rue.
Le Manifeste du syndicalisme alternatif et de classe ne s’arrête pas à des déclarations : « Face aux atteintes à la souveraineté populaire, face à l’involution démocratique, aux coupes budgétaires, à la répression, aux privatisations et à la précarité, nous avons besoin de travailler pour unifier les luttes et construire ensemble un calendrier commun des mouvements sociaux et du syndicalisme combatif afin de porter les revendications de la rue à tous les centres de travail et aux institutions »... et appelle à remplir les rues de Madrid le samedi 16 Mars.
Si nous ne nous mobilisons pas ensemble, nous serons écrasés séparément, en première ou en seconde instance. Le résultat de l’ appel en justice des jeunes d’Altsasu devant le Tribunal National en est un bon exemple : certes la bagarre de bar n’est plus qualifiée de terrorisme, mais des peines de 2 à 13 ans sont maintenues parce que le Tribunal ratifie que ce fut une agression pour des raisons idéologiques, pour le fait d’avoir blessé des gardes civils . Par contre, on ne considère pas que les policiers et les gardes civils qui ont matraqué les gens lors du référendum du 1er Octobre 2017, pour le simple fait qu’ils voulaient voter, l’aient fait pour des raisons idéologiques - malgré la campagne menée sur le mot d’ordre « En finir avec eux ! » - non, ils l’ont fait « en défense de la démocratie ».
Le 16-M est une bonne occasion d’essayer d’ arrêter cette dynamique perverse, pour dénoncer que la justice est utilisée pour réprimer les libertés et droits fondamentaux, pour accuser l’État et sa dérive autoritaire.
Martì Caussa