La région de Mopti, traversée par le fleuve Niger, est très fertile et densément peuplée. Parmi les nombreuses communautés qui y vivent, on trouve notamment les Peuls, les Dogons, les Bambaras, mais aussi des Arabes ou des Touaregs.
Agriculteurs contre pasteurs
En 2012, les Peuls ont été victimes de razzias des Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui s’étaient fait évincer du nord du pays par les combattants islamistes. En l’absence de protection de l’État, une partie des Peuls a rejoint des groupes djihadistes pour assurer leur protection et celle de leur bétail.
Depuis longtemps, les périodes de transhumance sont sources de tensions. Les troupeaux traversent les champs, occasionnant des dégâts, et utilisent les points d’eau. Traditionnellement des médiations permettaient, via des dédommagements, de trouver des solutions pacifiques. Le réchauffement climatique a changé la donne, en contribuant à la raréfaction des ressources. Les dédommagements exigés deviennent plus nombreux et plus chers, les médiations entreprises par les anciens ont moins de légitimité et les conflits violents augmentent entre les Dogons ou Bambaras, majoritairement agriculteurs, et les éleveurs Peuls. Les conséquences de ces conflits sont plus coûteuses en vies humaines du fait de la circulation grandissante d’armes de guerre.
Djihadisme et stigmatisation des Peuls
Dans le même temps, l’émergence d’une mouvance armée djihadiste, la Katiba de Macina, dirigée par le prédicateur Amadou Koufa, a contribué à augmenter l’insécurité dans la région.
Koufa est un prédicateur célèbre pour ses dons oratoires et sa connaissance du Coran. Ses prêches dénoncent, pêle-mêle, la corruption de l’État, la dissolution des mœurs, mais aussi l’ordre social injuste, et il prône un égalitarisme qui trouve écho parmi les Peuls situés au bas de l’échelle de leur communauté, très hiérarchisée. La dimension sociale de l’engagement prévaut sur les autres motivations, notamment religieuses.
Les meurtres ciblés contre les agents de l’État – militaires, policiers, instituteurs – mais aussi les notables et les religieux, vont créer un vide permettant au groupe djihadiste d’asseoir son pouvoir sur de larges zones de la région du centre du Mali. Comme cette Katiba est composée majoritairement de Peuls, l’amalgame entre cette communauté et les islamistes est facilité.
Ni milice ni impunité
En réponse aux attaques des djihadistes, la communauté Dogon s’est dotée de milices structurées par les Dozos – les chasseurs traditionnels – dont le but est la protection des villages dogons. La plus connue est Dan Nan Ambassagou, qui serait impliquée dans le massacre.
Le gouvernement a laissé faire, sans toutefois soutenir ouvertement ce groupe armé. Mais sur le terrain une alliance de fait s’est créée entre l’armée malienne et Dan Nan Ambassagou, qui joue le rôle de supplétif. Dans la lutte contre le terrorisme dans la région de Mopti – où l’armée française est impliquée – les Peuls ont été victimes de nombreuses exactions en toute impunité.
Ainsi les auteurs, issus de la communauté Bambara, du massacre de 29 Peuls à Nampala en 2016 ont été relâchés ou ont écopé d’une peine de prison avec sursis. Une clémence justifiée par Bamako par une avancée vers la réconciliation, mais surtout interprétée par les Peuls comme un permis de tuer….
L’armée française pratique la même stratégie d’alliances et de soutien à certaines milices. Ce fut le cas en 2012 avec l’opération Serval, en coopération avec le MNLA, et ça l’est encore dans le cadre de l’opération Barkhane. La France collabore avec des milices communautaires pour « sécuriser » la frontière entre le Mali et le Niger. Cette politique ne fait qu’aggraver la situation. En effet l’ensemble des communautés sont associées à tel ou tel camp et, à l’arrivée, ce sont les populations civiles qui subissent les actes de représailles des milices, comme cela vient de se produire avec le terrible massacre de Ogossagou et Welingara.
Paul Martial