Quatre ans après la sortie de son premier film Ixcanul qui raconte la condition des femmes au Guatemala, Jayro Bustamante se penche sur l’homosexualité dans son pays, légale mais encore largement taboue. Il centre à nouveau son récit sur un personnage fort, Pablo (Juan Pablo Olyslager), la quarantaine, qui se décide à faire son coming out auprès d’une famille bourgeoise et, surtout, très intégrée dans la communauté évangéliste.
Dès l’annonce de la nouvelle, la terre tremble. Une métaphore, souligne La Jornada, “de la manière dont l’être humain doit être capable de se ‘secouer’ pour s’affranchir de ce qui l’emprisonne dans une société pleine de tabous”.
L’homosexualité traitée comme une maladie
Ce qui suit “doit sembler absolument surréaliste au spectateur européen”, estime le quotidien mexicain qui a couvert le film lors de sa projection à la Berlinale en février dernier. S’il commence à essayer de vivre pleinement son homosexualité avec l’homme qu’il aime, Pablo se retrouve vite pris au piège. Il perd son emploi et on lui interdit de voir ses enfants en raison de soupçons de tendances pédophiles. Face à la pression insupportable, il rentre chez lui et “l’Église chrétienne de la famille élabore un programme de ‘guérison’ qui comprend des rituels pour aider la ‘maladie’ à quitter le corps de Pablo”.
Traitement pseudo-médicamenteux, injections dans les organes génitaux, coaching pour être plus “masculin”, la cure de conversion imaginée par la paroisse est censée rendre Pablo “normal”, soit hétérosexuel. À El País, Bustamente explique avoir enquêté sur ces “thérapies réparatrices” que certains de ses amis avaient mentionnées. Il a alors “découvert ‘de nombreux Pablo’ dans la société guatémaltèque” et a souhaité rendre le mieux possible à l’écran les scènes de ces programmes. Ainsi :
“Quand j’ai assisté à ce type de thérapies et découvert leur fonctionnement, j’ai eu l’impression de vivre il y a soixante-dix ans. L’idée était d’essayer de reconstituer les traitements afin qu’ils ne semblent pas trop irréels, car certaines choses que j’ai vues dans mes recherches ne semblaient vraiment pas réelles.”
La répression sociale de la communauté gay
Le regard du réalisateur guatémaltèque sur les conditions de vie de la communauté gay est à la fois “émouvant et révélateur d’une société aveuglée par la foi”,estimeCrónica qui souligne “l’atmosphère triste” dans laquelle se déroule la vie de Pablo “qui aide non seulement le spectateur à comprendre la tension sociale, mais aussi la tension sexuelle de l’interdit”.
Pour le quotidien mexicain, le ton ambigu du film “qui amène le spectateur à se faire son propre avis sur la situation” est en outre “un autre moyen de représenter la répression interne du personnage”. Enfin, Crónica s’enthousiasme pour la métaphore visuelle des tremblements de la terre, “qui laisse espérer que les fondements de la perception de l’homosexualité comme une maladie sont tellement faibles, qu’ils peuvent bientôt enfin s’effondrer”.
Courrier International
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