Les jeunes, qui ne faisaient visiblement pas confiance aux affirmations des émissaires du gouvernement sur la nature des forages en cours, se sont visiblement résignés à donner du crédit à la parole de l’adjoint du commandant du groupement territorial de Gendarmerie nationale accompagné d’officiers de l’Armée nationale populaire qui ont mené le dernier round des pourparlers avec les représentants de la population, en présence du président et d’un membre de l’APC de Debdeb. Les négociateurs ont mis l’accent sur leur position quant au forage de puits de gaz de schiste dans les environs de la ville et auraient reçu des garanties et un engagement de la gendarmerie et de l’armée à faire cesser toute exploration s’il s’avérait que Sonatrach recherche effectivement du gaz de schiste et non pas un gaz conventionnel, comme elle le prétend depuis le début du mouvement.
C’est un va-et-vient incessant de camions citernes de grande capacité – une vingtaine par jour selon les estimations d’un témoin oculaire – qui ont éveillé les soupçons des jeunes de la région. « Deux appareils de forage ont été plantés à 40 km de la ville (une vingtaine à vol d’oiseau) et le chantier était régulièrement alimenté en eau et par camions frigo pour les besoins de ouvriers, mais c’est la fréquence et le nombre de rotation des citernes qui nous inquiète », confie Ghali, un des jeunes protestataires qui a suivi les péripéties de l’affaire depuis le début. Une délégation de la population s’est alors rendue sur les lieux, traversant des kilomètres d’incertitude, une déviation et un nuage opaque de poussière menant vers l’arsenal de forage de l’ENTP et de l’Enafor. Le premier opérateur est censé préparer le terrain au second, nécessitant de plus en plus d’eau transportée par camions pour les besoins d’un forage qui explorerait la roche-mère, selon les affirmations des ouvriers sur place.
Désarroi
« Une nouvelle qui a terrassé le groupe », explique Mohamed, qui raconte le désarroi de jeunes qui voyaient ainsi s’effondrer leurs espoirs.« Nous n’avons rien et nous n’avons rien demandé même pas du travail ni des logements à l’Etat, nous voulons juste el afia (la paix). » Le 18 juin dernier, une quarantaine d’entre eux ont organisé un sit-in de protestation au niveau de la déviation qui mène vers les puits, espérant ainsi dissuader Sonatrach de ses desseins et l’obliger à s’expliquer. Ces jeunes revendiquaient l’arrêt immédiat des travaux sous peine de bloquer l’accès au chantier sous 24 heures, les ouvriers se sont engagés à transmettre le message à qui de droit.
Laid Madoui, député de la wilaya d’Illizi, qui a voulu s’enquérir lui-même de la nature des forages, a informé la population de la réponse du ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, qui aurait « catégoriquement infirmé » l’information selon laquelle l’exploration du gaz de schiste s’effectuait à travers la wilaya d’Illizi. Laid Madoui a également affirmé que M. Arkab a soutenu que son ministère ne compte pas exploiter le gaz de schiste et qu’il assumait sa responsabilité à ce propos, ajoutant qu’il comptait bien répondre à cette requête par écrit si le député voulait bien le questionner lors de la prochaine session de l’APN. Ces affirmations n’ont pas eu raison de la suspicion des jeunes, qui ont maintenu leur sit-in en plein air, sous la canicule, protégés par une tente plantée dans le désert.
Ces protestataires ne permettant plus l’accès au chantier, les travaux ont dû être suspendus et un compromis a été trouvé pour ravitailler le chantier en eau et de nourriture, en attendant la réponse de Sonatrach qui a fini par décider de l’arrêt des travaux et du départ des ouvriers du chantier. Le chef de la daïra d’In Amenas, dont dépend la commune de Debdeb, avait entre-temps réquisitionné la force publique pour lever le siège et rouvrir la route menant au chantier, invitant les protestataires à s’assurer de l’arrêt des forages.
Revendications
Le sit-in a donc été transféré à l’entrée de la ville pour signifier aux autorités la persistance de la revendication et l’exigence de la venue de responsables crédibles. Et c’est finalement le directeur de l’énergie de la wilaya d’Illizi, accompagné d’un cadre de Sonatrach, qui a présidé la réunion tenue avant-hier à l’APC de Debdeb pour expliquer la nature inoffensive des forages qui « n’ont rien à voir avec le gaz de schiste » selon la délégation dépêchée en catastrophe pour convaincre la population d’accepter la poursuite des forages limitrophes sans aucune crainte pour leur santé ou la pollution des nappes phréatiques, souci majeur des populations du Sud.
Ce nouveau round de négociation a eu l’effet inverse, puisque l’arrêt des travaux n’a fait que raviver les suspicions. Ghali, qui a assisté à la réunion à l’APC, affirme que « les discours tenus par le directeur de l’énergie et le superviseur de Sonatrach n’ont pas convaincu l’assistance ». Les jeunes ont même exigé en retour « la présence du wali d’Illizi et celle du PDG de Sonatrach en signe d’engagement officiel de la non-exploitation d’énergies non conventionnelles sur le territoire de la commune de Debdeb ». Le lendemain, l’adjoint du commandant du groupement de gendarmerie d’Illizi et des officiers de l’armée ont persuadé les protestataires de mettre fin à leur mouvement, mis en confiance par l’engagement de l’armée dont les représentants ont assuré qu’elle interviendrait pour faire cesser tout forage impliquant l’exploration ou l’exploitation de gaz de schiste.
Houria Alioua