Le gouvernement de Hong Kong a tenté de faire adopter à la hâte un projet de loi limitant gravement les libertés civiles. Il n’a en final réussi qu’à déclencher la plus importante vague de manifestations de toute l’histoire de Hong Kong.
A Hong Kong, depuis l’échec du « mouvement des parapluies » de 2014, le renforcement de la mainmise du régime de Pékin pouvait pourtant sembler inexorable. Entre octobre et décembre 2015, cinq résidents de Hong Kong ont par exemple été enlevés par des agents chinois, puis transférés et emprisonnés sur le continent. Leur seul « crime » serait d’avoir publié des livres sur la vie privée du président chinois Xi Jinping.
Le militant hongkongais Au Loong Yu explique : « Peu après la fin du »mouvement des parapluies", une vague de démoralisation a déferlé parmi les jeunes qui avaient rendu possible l’occupation du centre de Hong Kong.
La plupart des organisations non structurées créées par des jeunes au cours des années précédentes se sont effondrées. Le syndicat étudiant HKFS a subi d’importantes attaques. Il a ensuite été pris en main par des courants localistes xénophobes, et s’est finalement disloqué.
Le gouvernement de Hong Kong a ensuite commencé à se venger et à emprisonner beaucoup de militant.es, ce qui a exacerbé la démoralisation.
Grâce à l’action de ce gouvernement, un nouveau cycle de résistance a été relancé par une génération encore plus jeune. Pendant une semaine, même des collégien.nes se sont mobilisé.es par centaines pour s’opposer au projet de loi sur l’extradition. Je me souviens que le dernier jour du « mouvement des parapluies », une énorme banderole avait été accrochée qui disait : « Nous reviendrons. » Et cette prophétie s’est réalisée." (1)
Dimanche 9 juin en effet, un million de hongkongais.es ont défilé dans les rues pour s’opposer aux attaques contre les libertés. Les manifestant.es exigeaient le retrait d’un projet de loi permettant au pouvoir chinois d’extrader vers le continent, puis de trainer devant des tribunaux à ses ordres toute personne présente à Hong Kong, quelle que soit sa nationalité.
Simultanément, les manifestant.es exigeaient la démission de Carrie Lam, la Cheffe de l’Exécutif de Hong Kong aux ordres du régime de Pékin.
Toute la semaine, la mobilisation a continué de plus belle : mercredi 12, ce sont par exemple des dizaines de milliers de manifestant.es qui ont bloqué l’accès à l’Assemblée législative ou était initialement prévue la discussion de cette loi.
La présidente de l’Exécutif n’a pas hésité à réprimer les manifestant.es avec un niveau de violence auquel les hongkongais.es ne sont pas habitué.es. Finalement, à la veille de la nouvelle manifestation annoncée pour le lendemain, Carrie Lam a annoncé piteusement la suspension du projet.
Mais la mobilisation a néanmoins continué de plus belle : dimanche 16 juin, ce sont près de deux millions de personnes qui ont déferlé à nouveau dans les rues de l’ancienne colonie britannique. Celle-ci ne comptant que 7 millions d’habitant.es, un même pourcentage de manifestant.es en France équivaudrait à 19 millions de personnes dans la rue !
En effet, explique Au Loong Yu, "Carrie Lam n’a fait que suspendre le projet de loi. Elle ne l’a pas retiré, comme l’exigeaient les manifestant.es. Si ce n’est donc pas une victoire complète, c’est tout de même une victoire partielle.
La suspension temporaire du projet de loi constitue une grande défaite pour Carrie Lam, et cela donne aussi à l’opposition plus de temps pour construire le mouvement.
Et comme elle a ajouté qu’il n’existait pas de calendrier concernant une reprise du débat sur ce texte, la suspension de ce projet de loi pourrait durer un certain temps.
Qui plus est, cette année et l’année prochaine sont toutes deux des années électorales. Il est pour cette raison improbable qu’elle laisse les partis pro-Pékin prendre le risque de perdre les élections en présentant de nouveau le projet de loi au cours de ces deux années. Et l’année suivante n’est pas idéale non plus, parce que c’est la dernière année de son mandat.
Si la décision est prise de présenter à nouveau le projet de loi, cette tâche incombera probablement au/à la prochain.e cheff.e de l’Exécutif ".
Note : Propos recueillis pour le site Jacobin, dont une traduction en français est accessible sur ESSF http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article49395 en compagnie de nombreux autres textes.