« Nous savons ce qu’est le démon communiste »
Des militants qui dénoncent un gouvernement pro-Pékin ont investi ce lundi soir le LegCo, le parlement local.
Nouvelle illustration de la radicalisation et du ras-le-bol d’une partie de la jeunesse.
Et la traditionnelle manifestation pacifique n’est plus. A Hongkong, la nuit tombée, les manifestants ont réussi à entrer dans le LegCo, le parlement local, où se trouvent les bureaux du gouvernement, après des heures à fracasser les portes à coups de barrière et de barres de fer.
Toutes ont cédé presque en même temps : celles des côtés comme celles de la façade. Depuis environ 21h30, heure locale, des centaines de manifestants, équipés de casques et de lunettes de piscine, ont envahi les locaux, fracassant les écrans, lançant des fruits sur les symboles du LegCo.
Les murs sont tagués. Les meubles, imprimantes et bureaux, symbole du régime pro-Pékin, vandalisés. Les insurgés essaient de régler la sono pour faire un discours, malgré l’alarme qui sonne sans interruption. Certains installent des barricades pour y passer la nuit.
A l’extérieur, des dizaines de milliers de personnes attendent, massées sur les esplanades et les rues alentour. Et toujours pas de trace des forces de l’ordre.
La journée a pourtant commencé autrement. Leur petit ventilateur rose à piles à la main, vers 18h30, une famille fait une halte à l’ombre d’un building. La manif a débuté depuis plus de trois heures, mais la foule est dense et ils ont surtout fait du surplace. « C’est la troisième fois qu’on vient manifester, explique la mère, qui tend de l’eau à ses fillettes de 6 et 13 ans. On est très choqués par le suicide d’une jeune fille, samedi. On est en colère contre le gouvernement qui ne donne aucune réponse à nos demandes. C’est un manque de respect total. A cause d’eux, ce mouvement est sans fin. »
Cette infirmière et son mari, un commerçant, sont nés en 1971 à Hongkong et participent, comme des centaines de milliers de leurs concitoyens, au mouvement populaire qui s’est monté contre un projet de loi d’extradition en Chine continentale. Ce texte mettrait fin aux libertés dont jouissent les habitants du territoire chinois semi-autonome de 7,4 millions d’habitants. Le projet de loi a été suspendu, mais non retiré. Et malgré les assurances du gouvernement qui assure qu’il sera dans tous les cas abandonné, la mobilisation ne faiblit pas.
Peuple et élite
Comme tous les 1er juillet, jour anniversaire de la rétrocession en 1997 de l’ancienne colonie britannique, ce lundi était férié. Le matin, à 8 heures, quelque 200 happy few et le gouvernement local ont procédé à la cérémonie du lever des drapeaux chinois et hongkongais.
De crainte que les opposants dérangent la cérémonie, les autorités ont prétexté une pluie inexistante pour tenir les festivités à l’intérieur, trinquant devant un écran où était projeté le lever des couleurs. « Une des preuves supplémentaires, s’il en fallait une, de la rupture entre les élites et le peuple », commente, mi-amère, mi-moqueuse, Kelly, une jeune Hongkongaise.
Dans la matinée, les jeunes les plus motivés commençaient à s’attaquer au LegCo, le parlement local, but initial de la manif. Des vitres ont été brisées, des bouteilles d’eau lancées sur les CRS. A la demande des autorités, le cortège a été dérouté vers Central. Mais arrivé à hauteur du LegCo, des dizaines de milliers de personnes ont tourné vers le Parlement, emplissant les rues autour d’une foule vêtue de noir, le dress code local. Parmi eux, des poussettes, des jeunes, des couples âgés.
Tous chantent des slogans : « Carrie Lam, démission », du nom de la cheffe de l’exécutif pro-Pékin. « Honte à la police », laquelle s’est montrée particulièrement discrète sur tout le parcours.
Un couple d’ingénieurs, venus avec leur fille étudiante en biochimie, est déterminé : « On est très insatisfaits de notre gouvernement et de notre police. On est venus en soutien des jeunes. Nous sommes nés en Chine continentale. Nous savons ce qu’est le démon communiste. Ces dernières années, nous le voyons étendre son influence ici. Le peuple est en colère, car bientôt, il n’aura plus de futur ici. »
Vers 19 heures, la manifestation, estimée à 550 000 personnes par les organisateurs – soit moins que les deux précédentes, qui avaient réuni un million de personnes le 9 juin et 2 millions le 16 – se dispersait dans le calme.
Une responsable du Front civil pour les droits de l’homme, croisée à l’arrivée du cortège, disait « déplorer les incidents au LegCo , alors que le mouvement s’est jusque-là tenu à l’écart de la violence ».
Un peu plus tard, les organisateurs disaient renoncer à leur conférence de presse « en raison des événements du LegCo ».
Laurence Defranoux envoyée spéciale à Hong Kong
01.07.19 15:41
Les manifestants hostiles au gouvernement pro-Pékin de Hongkong sont entrés de force lundi soir dans le siège du Parlement en brisant des baies vitrées, selon des images de télévision. Des dizaines de manifestants masqués, pour beaucoup brandissant des boucliers de fortune, ont pénétré dans le Conseil législatif (LegCo) dont ils tentaient de forcer l’entrée depuis des heures, selon les images de la chaîne i-Cable News. Les forces de l’ordre se trouvant à l’intérieur, qui avaient auparavant fait usage de gaz poivre pour les repousser, s’étaient apparemment repliés à l’intérieur du bâtiment.
01.07.19 17:29
le gouvernement dénonce l’« extrême violence » de l’entrée des manifestants dans le parlement, la police s’apprêt à les déloger
Ultimatum.
Le gouvernement pro-Pékin de Hongkong a dénoncé lundi soir l’« extrême violence » de l’intrusion de manifestants dans le parlement de ce territoire semi-autonome (lire notre reportage).
« Les protestataires radicaux sont entrés en force avec une extrême violence dans le complexe du Conseil législatif », a estimé le gouvernement local dans un communiqué, qualifiant de « tels actes de violence » d’« inacceptables pour la société ».
La police de Hongkong a adressé un ultimatum aux manifestants, menaçant de les en déloger par la force le cas échéant. « Dans peu de temps, la police se rendra sur le site du Conseil législatif pour le faire évacuer. En cas d’obstruction ou si une résistance lui est opposée, la police fera usage de la force nécessaire », a déclaré un porte-parole dans une vidéo diffusée sur la page Facebook des forces de l’ordre.