Ce serait le “pire scénario pour Hong Kong” : une intervention de l’armée chinoise dans la crise qui oppose depuis neuf semaines le gouvernement aux manifestants prodémocratie. Si cette perspective reste peu probable, elle n’est désormais plus impossible, estime dans le South China Morning Post l’éditorialiste Alex Lo, qui considère l’absence de réponse politique au conflit comme “une invitation directe à une intervention de Pékin”.
Une opération de maintien de l’ordre menée par l’rmée populaire de libération (APL, le nom de l’armée chinoise) “signerait l’arrêt de mort de cette ville. Pourquoi Pékin ferait-il une chose pareille ?”, s’interrogeait dimanche 4 août le journaliste, au terme d’un nouveau week-end d’affrontements entre policiers et manifestants prodémocratie. Avant d’ajouter :
“Cela [une intervention de l’armée], je ne peux toujours pas l’imaginer. Mais le risque n’est pas nul.”
Des fonctionnaires se joignent à la contestation
Comme le résume Alex Lo, “tout le monde a toujours pensé que Pékin, bien que privé de la confiance de la population, pourrait toujours compter sur un gouvernement hongkongais loyal, et en état de marche”. Or, avant même la grève qui a paralysé lundi 5 août pendant plusieurs heures les transports en commun du territoire, “des milliers de fonctionnaires et d’employés des services de santé, pour la plupart salariés de l’Hospital Authority, une agence publique”, avaient manifesté vendredi 2 août dans les rues de Hong Kong. Un signe, pour Alex Lo, de la fragilisation de l’exécutif dirigé par Carrie Lam, alors que fin juillet, déjà, des officiers avaient adressé aux autorités une lettre ouverte dénonçant des ordres “illogiques” de leur hiérarchie.
Combien de fonctionnaires sont entrés rébellion contre les autorités ? Sont-ils représentatifs d’une opinion majoritaire dans leurs rangs ? Impossible de le dire selon Alex Lo. Mais une chose est certaine :
“Avec le temps qui passe et en l’absence de solution politique, la situation ne peut qu’empirer. […] La police ne peut pas faire face indéfiniment, et l’attaque menée par les triades à Yuen Long [une ville située dans les Nouveaux Territoires nés de la planification des années 1970] aura été la première mise en garde. Sur plus de 32 000 agents de police, seule une poignée est formée à la lutte antiémeute.”
Vidéo de propagande de l’armée populaire
Si Pékin vient un jour à estimer que la police ne peut plus faire face aux manifestants, “l’armée sera la seule solution”, prévient le journaliste. Plus précisément : le gouvernement de Hong Kong pourrait demander l’assistance de la garnison de l’APL stationnée sur le territoire depuis le retrait de l’armée britannique en 1997. Cette perspective n’a pas été évoquée par Carrie Lam dans la conférence de presse qu’elle a donnée lundi 5 août, mais certains voient dans la récente mise en ligne d’une vidéo de propagande de l’armée chinoise un signe de pression accrue de la part de Pékin.
Mettant en scène de spectaculaires opérations de maintien de l’ordre, ce film de trois minutes a été dévoilé la semaine dernière à l’occasion de la célébration du 92e anniversaire de la création de l’APL (ancienne Armée rouge chinoise). Interrogé par le The Guardian, le chercheur Andreas Fulda, spécialiste de la Chine à l’université de Nottingham (Royaume-Uni), l’avait analysée comme “un instrument de la guerre psychologique menée [par Pékin] aux Hongkongais”, tout en soulignant que l’armée chinoise n’a aucun intérêt à se lancer dans “une guerre urbaine prolongée”.
Alex Lo
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