« Je voulais qu’on écoute Greta Thunberg, propose Pascal Praud lundi soir sur CNews. Elle a pris à partie les chefs d’État dans un discours furieux. Ça peut mettre mal à l’aise. » « Je suis très mal à l’aise, confirme Ivan Rioufol. C’est une icône qui fait froid dans le dos. » Une figure d’épouvante, pour un éditorialiste du Figaro. « On se demande qui est derrière cette jeune fille, qui la manipule, qui l’endoctrine. » Certainement pas le groupe Dassault. « On se souvient de l’embrigadement des jeunesses dans les régimes totalitaires, les jeunesses hitlériennes, les jeunesses maoïstes… » Et un point Godwin, un ! « Son fanatisme m’inquiète. » Moi, c’est plutôt celui d’Ivan Rioufol. « Ce que veulent les écologistes les plus radicaux, c’est un changement de société. » Un retour à l’ordre nazi, à n’en pas douter.
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« Je suis d’accord avec vous, mais j’enlèverais les comparaisons, nuance Pascal Praud. Cette jeune femme me met mal à l’aise. » « Elle me met mal à l’aise », complète Jérôme Béglé. Je n’ai jamais vu autant d’éditorialistes mal à l’aise sur un plateau. J’espère que CNews a prévu une cellule de soutien psychologique. L’éditorialiste du Point se targue de paraphraser une phrase de Cocteau : « Tous les enfants ont du génie sauf Greta Thunberg. Je la sens fanatisée. » Par les maoïstes ou par les nazis ? « À quoi ça sert d’aller chouiner devant les caméras du monde entier ? » Jérôme Béglé déplore qu’elle ait choisi de sécher l’école « en restant illettrée ou à peine lettrée ». Elle ne pourra jamais citer Cocteau. « C’est inepte, ce qu’elle fait. » Heureusement, Jérôme Béglé est là pour relever le niveau.
« Cette jeune femme est porteuse d’une idéologie universaliste, diagnostique Ivan Rioufol. Elle ne supporte pas la contradiction… Quand on se rappelle ce qu’a pu être le communisme ou le nazisme… » Le nazisme, voilà bien une idéologie universaliste. « Son idéologie est d’essence totalitaire. » « Ça peut s’entendre », convient Pascal Praud qui, en général, entend très bien les fachos. « Que madame Thunberg dise qu’une extinction de masse a commencé, c’est faux !, s’indigne Jérôme Béglé. En partant d’un postulat aussi ridicule… » « Il y a des espèces qui disparaissent », avance Pascal Praud. « Mais les dinosaures aussi ont disparu ! Des espèces ont toujours disparu. » Et l’espèce des éditocrates est toujours là.
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Pendant ce temps, sur LCI, Vincent Hervouët invite à un salutaire recul historique. « A l’ONU, il n’y a que les tyrans qui se font remarquer : Khrouchtchev, Castro, Kadhafi… Et là, on a un tyran de 16 ans. » Hitléro-maoïste, si j’ai bien suivi. « Ce qui est extraordinaire, c’est la prévalence de l’émotion, regrette François Lenglet. Le changement climatique, c’est un problème technique… » Si c’était un problème politique, ça se saurait. « … Avec des solutions techniques qu’une jeune fille de 16 ans ne peut pas avoir. » Tant qu’à sécher l’école, elle devrait prendre des leçons de technique avec François Lenglet. « Je trouve ça désolant de voir que les adultes participent à cette espèce de contrition qui ne débouche sur rien. » Les adultes n’ont pas la maturité de l’expert de LCI. « L’autoflagellation ne débouche sur rien, l’émotion ne débouche sur rien. » C’est pourquoi les éditorialistes n’y succombent jamais. Vincent Hervouët, jugeant son collègue trop magnanime, le reprend : « Non-non-non ! D’abord, elle a tort, la vestale fiévreuse ! » La vierge exaltée par son idéologie totalitaire. « Elle a tort de geindre. » Il faudrait savoir. Tout à l’heure, elle chouinait.
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Un peu plus tard dans la soirée, Bruce Toussaint juge opportun de demander sa réaction au bon « docteur Laurent Alexandre. Vous êtes médecin, chirurgien, créateur du site Doctissimo. On vous connaît aussi pour un activisme anti-Greta Thunberg ». Et pour avoir participé à la toute récente université d’été du Rassemblement national, mais pourquoi le préciser ? « Est-ce qu’aujourd’hui elle vous a un peu convaincu ? » « Elle m’a affolé. » Attention au malaise. « Son discours apocalyptique est de plus en plus larmoyant, elle est de plus en plus au bord de l’effondrement psychiatrique. Il faut qu’elle aille à l’école et qu’elle se soigne. » Il faudrait d’abord soigner le malaise des experts, ça paraît plus urgent. « Je ne comprends pas qu’elle soit écoutée par des adultes qu’elle sadise de cette façon. » Les adultes sont masochistes.
« Ce discours terrifiant panique les jeunes, poursuit l’expert psychiatrique. En tant que chirurgien, je vois des gamins qui me demandent comment se faire stériliser pour ne pas avoir d’enfants afin de diminuer son empreinte CO2. » Certains demandent même à se faire amputer d’un poumon pour réduire leurs rejets de CO2. « L’instrumentalisation des enfants pour faire de la politique, au XXe siècle, ça rappelle beaucoup de mauvais souvenirs, en Union soviétique par exemple. » Et en Chine maoïste, et en Allemagne nazie, et en Libye kadhafiste, entre autres.
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« Sa famille a fait de son dossier psychiatrique un bouclier. Personne n’ose attaquer Greta Thunberg. » Non, vraiment personne. Je l’aurais remarqué. « Tout ça est profondément malsain, c’est une manipulation marketing que je trouve assez dégueulasse. » Son sens de l’éthique honore ce médecin. « Elle s’attaque aux faibles, aux masochistes. » C’est trop facile. Laurent Alexandre, lui, ne s’attaque qu’aux forts, aux sadiques. « La France est le pays au monde qui émet le moins de CO2 par unité de richesse produite. La France est le meilleur élève mondial grâce au nucléaire. » Vive le nucléaire. « Le nucléaire est aujourd’hui la seule solution sur terre pour diminuer le CO2. » Il suffirait de construire quelques milliers de réacteurs tout autour de la terre, EDF sait très bien le faire. « Merci Laurent Alexandre », salue d’un air satisfait Bruce Toussaint.
Le lendemain matin, mardi, c’est au tour de Christophe Barbier de répondre à la question vitale : « Greta Thunberg en fait-elle trop ? » « Oui ! Il y a un malaise au bout d’un moment. » Ça y est, Christophe Barbier fait aussi un malaise. « Toute l’histoire de l’humanité est émaillée de ces personnalités qui ont surgi et qui ont poussé des cris. Mais quand le cri devient une sorte de récurrence, de style, de punchline, ça sent le préfabriqué, ça sent la démarche intéressée. » Intéressée à la renaissance du nazisme. « Et là, oui, on a franchement un malaise. » Y a-t-il quelqu’un pour réanimer Christophe Barbier ? « Elle n’apporte pas vraiment de solution concrète, elle est dans la revendication permanente, dans l’imprécation, ça ne fait pas avancer le débat. » Pour ça, je compte sur l’éditorialiste de BFMTV.
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La présentatrice évoque la plainte déposée contre la France. « Ce n’est ni habile ni justifié, assure Christophe Barbier. On se retrouve avec la Turquie et le Brésil. Pourquoi ne va-t-elle pas manifester en Chine ? » Ou en Pologne, ou nettoyer les plages corses, comme le préconise notre avisé président. « Il y a un deux poids, deux mesures qui est un peu louche. » Crypto-maoïste. « Si tout le monde se mettait comme elle à traverser l’Atlantique avec zéro trace carbone, il y a plus de tourisme, d’économie, de voyages, de biens, d’échanges… » Et tout le monde meurt. « On est dans une forme d’irréalisme. » Et de surréalisme, à la télé. « Les adultes doivent reprendre la main et arrêter d’être soumis à cette tyrannie de l’émotion. » Ça va être difficile, il paraît que les adultes sont masos.
« Elle se ridiculise », assène sur LCI un autre spécialiste du ridicule, Jean-Michel Aphatie. « Aller à pleurer à la tribune de l’ONU, c’est un peu stupide. » Puéril. « Porter plainte, c’est ridicule. La justice, il faut la laisser pour les vrais délinquants. » Par exemple, pour ceux qui décrochent les portraits de Macron, dont l’action s’apparente à des « appels au meurtre », expliquait Jean-Michel Aphatie la veille.
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Les bandeaux de LCI mettent en garde ses spectateurs contre le risque de malaise. « Thunberg : cause noble, discours navrants ? », « Climat : Greta Thunberg fait son cinéma ? » « On va se parler franchement, propose Olivier Galzi, mort de rire. Certains disent ce matin : “Elle commence à nous énerver, celle-là.” C’est votre cas. » « Moi, elle me fait peur », tremble Alexis Brézet. Il y au Figaro une épidémie de froid dans le dos. « On a connu, à l’époque de Mao, les Gardes rouges qui dénonçaient leurs parents. Là, on a une génération de Gardes verts. » Connus pour s’être alliés aux Khmers verts.
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Comme BFMTV, CNews pose dans son bandeau l’essentielle question : « Greta Thunberg en fait-elle trop ? » Depuis la veille, Pascal Praud est resté souffrant. « C’est vrai que sa déclaration met mal à l’aise. » « C’est malaisant, se plaint une autre victime, le politologue Benjamin Morel (celui qui défendait la légitimité des violences policières samedi dernier). Elle fait du mal à la cause écologiste. La force de l’écologie, c’est d’apporter un raisonnement rationnel, scientifique face à des croyances. Ça, ça ramène de la non-science, une sorte d’irrationnalité. » Si Greta Thunberg défendait mordicus les scientifiques du Giec, ça se saurait.
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Le sociologue Raphaël Liogier décrypte : « Elle est caractéristique de l’effondrement du sens métaphysique de l’existence. » Sans parler de son effondrement psychiatrique. « Quand on n’a plus de projet métaphysique, on a des affrontements superstitieux, religieux. » Maoïstes. « On a des gens qui sont dans le culte de la nature, avec cette opposition entre pureté et impureté. On oublie l’argumentation rationnelle. » Et les travaux du Giec. « Elle a tort quand elle condamne le progrès technique et la science, juge Gérard Leclerc. On s’en sortira que par le progrès technique et la science. » Par le nucléaire, précisément.
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« C’est terrifiant, se plaint Charlotte d’Ornellas, de Valeurs actuelles. C’est une gamine dont on se sert en instrumentalisant son autisme. » Pour que personne ne puisse la critiquer, je sais. « Quand j’entends Emmanuel Macron dire qu’il faut répondre à cette jeunesse qui a voté pour les Verts aux européennes, excusez-moi mais, pendant trente ans, le FN était le premier parti de la jeunesse… » Ah bon ? Première nouvelle. « … Et ça n’a jamais fait bouger l’ONU ! » Pour éviter les malaises d’éditorialistes, les Nations unies auraient dû inviter Marine Le Pen plutôt que Greta Thunberg. « C’est pas la même cause », observe Gérard Leclerc. « Justement, ça veut dire qu’il se sert de qui il veut quand il veut pour son projet politique, un projet mondialiste. » Je comprends mieux : Greta Thunberg est manipulée par Emmanuel Macron.
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« On est dans une forme de religion verte avec ses dogmes anti-humanistes, soutient Laurence Trochu, de Sens Commun. Ce que ça questionne, c’est la responsabilité de l’homme, or les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, il n’y a pas de consensus scientifique. » Des protestations se font entendre mais Pascal Praud les fait taire avec autorité, réclamant que l’experte en humanisme climatique puisse achever sa brillante démonstration technique, comme dirait François Lenget.
Pascal Praud se réjouit : « Je vais vous faire écouter Ivan Rioufol hier soir, ce qu’il dit est assez courageux. » Revoici « les jeunesses des régimes totalitaires, les jeunesses hitlériennes, les jeunesses maoïstes »… « Le seul acte qu’ait posé cette fille, réagit Charlotte d’Ornellas, pas moins courageuse, c’est de ne plus aller à l’école et d’encourager toute la jeunesse à faire pareil. La question de l’embrigadement se pose, comme avec les embrigadements d’autres totalitarismes. »
Gérard Leclerc ose une comparaison entre Greta Thunberg et Jeanne d’Arc, Charlotte d’Ornellas s’indigne : « La différence, c’est que Greta Thunberg est proclamée sainte avant même d’être sur le bûcher. » Qu’attend-on pour la brûler ? Ça dissiperait le malaise. « Il y a une différence entre Greta Thunberg et Jeanne d’Arc, ajoute Benjamin Morel, c’est que Greta Thunberg est envoyée dans un objectif de culpabilisation. Là, on retrouve la Florence de Savonarole, on l’envoie pour dire : “Vous avez péché, vous êtes le mal, nous sommes les enfants, nous sommes la pureté.” C’est ça qui fondamentalement est malaisant. » Vite, un bûcher !
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Le soir, sur BFMTV, Olivier Truchot s’étonne du « changement de ton observé chez Emmanuel Macron et ses ministres à propos de Greta Thunberg ». Et de poser la question qui figure sur le bandeau : « Finalement, Greta Thunberg, c’est un ange ou un démon ? » La photo géante affichée dans le studio fournit la réponse. « Est-ce qu’elle a choisi la bonne cible en attaquant des pays comme l’Allemagne, la France ?, s’interroge Eric Brunet. J’ai l’impression qu’elle a frappé par erreur, comme à la sortie d’un bistrot, quand on est un peu éméché et qu’on donne un coup de poing à son copain au lieu de taper le méchant. » Et moi, j’ai l’impression qu’Eric Brunet parle comme à la sortie d’un bistrot, quand on est un peu éméché et qu’on ne sait plus ce qu’on dit.
Certains invités ont réchappé à l’épidémie de malaise. Le publicitaire Frank Tapiro défend vigoureusement la « lanceuse d’alerte. Heureusement qu’elle est là ! La réponse politique d’aujourd’hui est complètement à côté de la plaque ». Ce n’est pas ce qui préoccupe Olivier Truchot. « Il y a un changement de ton incroyable. La secrétaire d’État Brune Poirson ne cessait de dire du bien de Greta Thunberg. Pourquoi ça a changé ? »
« Parce que Greta Thunberg a changé, explique Apolline de Malherbe. Elle était assez silencieuse, elle était une image dans le silence, l’appel quasi silencieux à se poser. » Elle était parfaite quand elle se taisait. « Elle a eu hier un visage extrêmement dur. » Malaisant. « Et des expressions très dures, elle disait : “Comment osez-vous ?” avec une virulence assez intense. » À la Goebbels. « Elle était un peu une figure de fée Clochette qui attire la sympathie et elle a changé de ton. Elle était dans une attitude plutôt pacifique, un peu à la Gandhi, et elle est devenue plus belliqueuse. » À la Rommel. « Elle passe à l’attaque donc c’est normal que le gouvernement se défende. » Et qu’Apolline de Malherbe défende le gouvernement, comme à son habitude.
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Un autre invité vacciné contre les malaises, Pierre Jacquemain, de Regards, salue « son engagement hyper sincère. Je ne vois pas en elle une fille manipulée… » « Certains disent qu’elle est manipulée », le coupe Olivier Truchot. « Certains disent aussi qu’elle serait mieux à l’école… », tente Pierre Jacquemain. « Juste une question… », le re-coupe Olivier Truchot. « Je finis juste là-dessus… » « Non-non, Pierre ! Une question, justement, c’est important, s’impose Olivier Truchot. Pourquoi elle s’attaque à la France, à l’Allemagne et pas à la Chine, la Russie ? » Et pourquoi elle ne va pas nettoyer les plages polonaises ?
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« Quand elle pointe la course effrénée à la croissance éternelle, soutient bientôt Pierre Jacquemain, c’est un discours politique… » Mais il est re-re-coupé par Olivier Truchot : « Elle en a profité, de la croissance. » L’hypocrite vestale consumériste. « Attention au discours qui consisterait à dire “c’est Mandela, c’est Gandhi”, avertit Éric Brunet. Je ne vais pas dire de mal d’une enfant, elle a 16 ans, donc… » « C’est tout le problème !, s’exclame Apolline de Malherbe. On ne peut pas la critiquer. » Si elle l’avait été, je m’en serais aperçu.
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« Mais elle dit des choses qui sont assez convenues, poursuit Éric Brunet. C’est comme si une adolescente en Inde ou en Argentine disait : “Stop ! Je tape du poing sur la table parce qu’il y a trop de cancers.” » Ou comme si un adolescent en Pologne ou en Somalie disait : “Stop ! Je veux une crème glacée en dessert.” « Il faut raisonner sur le plan rationnel, scientifiquement, il faut pas se laisser emporter dans des discours passionnels où on se roule par terre ! » Mieux vaut s’en remettre au rationalisme d’éditorialistes chevronnés. « Alerter les enfants du monde entier, c’est très bien… » Pas tant que ça, rappelle Olivier Truchot : « Génération déprimée, dit Blanquer. » « Oui, c’est une génération déprimée. » Au bord de l’effondrement psychiatrique. « Mais ce qu’elle dit est convenu, c’est une offuscation sociétale comme il pourrait y en avoir des dizaines d’autres. » Pour avoir du rab de dessert.
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Frank Tapiro désigne la photo de l’hideuse vestale. « Il y a quelque chose qui me choque derrière vous, je suis désolé. » « Qu’est-ce qui se passe derrière moi ? », se retourne Olivier Truchot. « Ce n’est pas la seule image fixe qu’on ait d’elle, note le communicant. On a l’impression que c’est un chien enragé, on en fait un démon ! Ce traitement est inadmissible » « Le problème, réplique Olivier Truchot, c’est que c’est une enfant donc inattaquable ; elle parle avec ses tripes, avec de l’émotion, donc c’est difficile de contrecarrer une émotion ; et elle parle d’écologie… Donc on ne peut rien dire ! » Et voilà, c’est toujours pareil, dans ce pays, on ne peut plus rien dire, même pas que Greta Thunberg est une vestale fascistoïde. « Y a un côté tyrannie de l’émotion », appuie Éric Brunet, incarnation de la scientificité.
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« À 16 ans, on est dans l’urgence », plaide Frank Tapiro. « Oui, répond Olivier Truchot, mais les réponses sont longues et complexes. » Raison pour laquelle on les repousse. Le présentateur craint que la génération déprimée diagnostiquée par Jean-Michel Blanquer empêche les jeunes de voter. « En tout cas, en France, certifie Apolline de Malhere, les jeunes votent premièrement écolo et deuxièmement pour le Rassemblement national. » « Majoritairement, ils s’abstiennent », remarque Olivier Truchot dans un éclair de lucidité sans aucun effet sur celle de sa collègue. « C’est ça, la jeunesse, aujourd’hui en France. Soit ils sont écolos, soit ils sont Front national, voilà ce que sont les jeunes. » On comprend qu’ils soient séduits par une vestale écolo-facho.
« Peut-être qu’Emmanuel Macron a tort de répondre à Greta Thunberg », suggère Olivier Truchot. « Emmanuel Macron, il est piqué, et on peut le comprendre, répond Apolline de Malherbe, très compréhensive. On peut bien imaginer que, hier, dans l’avion en route vers les Etats-Unis, Emmanuel Macron se dise “Bon, il y a un moment, ça suffit.” » Il faut mettre un terme à cette idéologie totalitaire. « Emmanuel Macron est parfaitement conscient que le problème auquel il fait face, c’est le timing. Les Gilets jaunes, c’est la même chose, si c’est dans cinq ans ou dans dix ans, c’est trop tard. » Autant ne rien faire et ratifier le Ceta. « Les gens, ils disent : “C’est demain que je veux que mon frigo se remplisse.” Le problème du timing, c’est une montagne ! Les changements, en particulier sur les questions d’écologie, on sait qu’en réalité ça met un temps fou. » Pas du tout : en quelques années, le gouvernement a réussi à faire chuter spectaculairement le nombre de fonctionnaires du ministère de l’Ecologie, rapporte Bastamag.
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« La révolution climatique, comme toutes révolutions, a besoin d’incarnation, prétend ce gauchiste de Pierre Jacquemain. Si c’est Greta Thunberg, c’est positif. » « Faut pas que ça se retourne contre elle, prévient Apolline de Malherbe. On sait que dans ce genre de combat, il y a un moment où on en fait trop. » Ça n’arriverait pas sur ce plateau. « Il faut pas que ça devienne tellement hargneux, jusqu’au-boutiste que l’opinion se détourne. » Trop tard, je crois que l’opinion des éditorialistes hargneux s’est détournée.
Samuel Gontier
• Télérama. Publié le 25/09/2019. Mis à jour le 25/09/2019 à 17h46 :
https://www.telerama.fr/television/haro-sur-greta-thunberg,-la-demoniaque-vestale-hitlero-maoiste,n6438895.php
Greta Thunberg, l’icône climatique qui déchaîne la vindicte
Le discours de la jeune Suédoise à l’ONU, où elle a tancé les dirigeants mondiaux, a suscité un flot de critiques en France. Pourtant, depuis ses premières interventions en 2018, son ton et sa ligne n’ont jamais évolué.
Avant, ce n’était qu’un bruit de fond. Dorénavant, cette musique lancinante s’est transformée en vociférations : haro sur Greta Thunberg ! Après son discours aux Nations unies, lundi 23 septembre à New York, où elle tançait les dirigeants mondiaux par un rageur « comment osez-vous dire que vous en faites assez ? », l’icône de la lutte contre le dérèglement climatique a suscité comme jamais un déluge d’accusations, d’insultes et de commentaires, au mieux ironiques et au pire injurieux.
La jeune Suédoise a piqué au vif jusqu’au plus haut niveau de l’Etat français lorsqu’elle a annoncé qu’elle mettait en cause la France ainsi que quatre autres pays devant le comité des droits de l’enfant de l’ONU. « Je ne suis pas sûr que ce soit la voie la plus efficace, a réagi Emmanuel Macron sur Europe 1 [1]. Il y a des tas d’actions citoyennes qui sont utiles. Là, des positions très radicales, c’est de nature à antagoniser nos sociétés. »
Des membres du gouvernement, qui vantaient ses mérites et son courage deux mois auparavant, croient bon de surenchérir. « Il ne faut pas non plus créer une génération de déprimés autour de ce sujet », a mis en garde le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, sur BFM-TV, tandis que la secrétaire d’Etat à la transition écologique, Brune Poirson, lançait sur France Inter : « Je ne crois pas qu’on puisse mobiliser la population avec du désespoir, avec presque de la haine et en montant les uns contre les autres. » « Il n’y a pas eu de confrontation ni de vexation, temporise-t-on du côté de l’Elysée. Le président a toujours dit que la jeunesse l’a poussé à aller plus vite et plus fort sur le sujet. »
Soupçons montés en épingle
La confrontation est pourtant bel et bien là sur les plateaux de télévision. Des éditorialistes la qualifient tour à tour de « sadique », « fanatisée », « irrationnelle », « illettrée », « ridicule », l’accusent d’être « manipulée, endoctrinée » à l’image « des jeunesses hitlériennes et maoïstes », ou d’être un « tyran de 16 ans » comparable à Khrouchtchev, Castro ou Kadhafi.
La charge n’est pas nouvelle, tant Greta Thunberg a maintes fois été ramenée à sa jeunesse et à son autisme. Mais jusqu’à présent, cette vindicte était surtout portée par l’extrême droite et la droite conservatrice. Dans une enquête, publiée en mai, l’ISD, un cercle de réflexion britannique qui se consacre à l’étude des extrémismes, montre comment les réseaux de l’AfD allemande, du Rassemblement national français, et plus largement de figures conservatrices ont fait d’elle la cible d’une campagne systématique de dénigrement, renforçant de fait les thèses climatosceptiques. A l’origine de leur charge : des soupçons de manipulation véhiculés par un journaliste suédois, Anders Henriksson, rapidement démentis, mais montés en épingle par ces réseaux.
« C’est une fille, elle est jeune et extrêmement conséquente dans son engagement, ce qui nous renvoie à notre propre mauvaise conscience », Marie Grusell, professeure
Son discours à l’ONU a suscité une haine nouvelle. C’est le message, d’abord, qui agace, quand il sous-entend que la France – et d’autres pays – ne serait pas à la hauteur. « Elle plaide pour une transformation disruptive dont le niveau d’ambition ne peut être égalé par les leaders, même les plus actifs, comme Emmanuel Macron », juge le Suédois Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact du changement climatique à Potsdam (Allemagne). D’où une « frustration face au manque de reconnaissance à leur égard ».
Ensuite, la messagère dérange. « Il y a une hostilité à l’égard de “ces pays du Nord protestants qui veulent nous donner des leçons”, et pire encore, une enfant », complète Daniel Boy, directeur de recherche au Centre de recherche politique de Sciences Po et spécialiste de l’écologie politique. Un petit bout d’adolescente à l’influence et l’exposition devenues considérables. Greta Thunberg, qui a entraîné dans son sillage 4 millions de personnes lors d’une manifestation historique le 20 septembre, a été proposée pour le prix Nobel de la paix, tandis que le mouvement qu’elle a lancé, Fridays for Future, s’est vu décerner par l’ONU le titre de « champion de la Terre ».
Marie Grusell, professeure à l’université de Göteborg et spécialiste des médias, le confirme, son activisme « casse les normes » : « C’est une fille, elle est jeune et extrêmement conséquente dans son engagement, ce qui nous renvoie à notre propre mauvaise conscience. Beaucoup d’entre nous partagent son désir de lutter pour la planète, mais peu ont l’énergie de s’engager aussi activement. »
Pas à l’aise dans le rôle de l’icône
Si cette fois, son message n’est pas passé, son discours et sa ligne, pourtant, n’ont jamais évolué. Le 20 août 2018, quand elle s’assoit pour la première fois devant le Parlement à Stockholm, alors que la Suède vient de subir un des étés les plus chauds de son histoire, elle se justifie sur les réseaux sociaux : « Nous, les enfants, nous ne faisons souvent pas ce que vous dites, mais ce que vous faites. Puisque vous vous foutez de mon futur, moi aussi. »
La condamnation de l’inaction des politiques, et des adultes en général, face à l’imminence de la catastrophe, figure dans chacune de ses interventions. A la tribune de la conférence climat (COP24) à Katowice (Pologne), en décembre 2018, elle fustige le manque de « maturité » des leaders politiques et prévient : « Le changement arrive, que cela vous plaise ou non. » Un mois plus tard, en janvier 2019, au Forum économique mondial à Davos, elle lance : « Je veux que vous paniquiez. Je veux que vous agissiez comme si votre maison était en feu parce qu’elle l’est. »
Chaque fois, elle rappelle qu’elle représente un mouvement plus large, formé de la mobilisation de jeunes partout dans le monde. Elle n’est pas à l’aise dans le rôle d’icône, qu’elle n’a jamais souhaité, assure Johan Rockström : « On en a fait la sauveuse du monde. Prendre un selfie avec elle est devenu un gage d’engagement, quand elle ne veut que réduire les émissions. »
« Elle a une connaissance des mécanismes en jeu dans la crise climatique bien supérieure à celles de la majorité des décideurs politiques et économiques », Jean-Pascal van Ypersele, climatologue
Dans un langage clair, percutant et surtout très documenté, la jeune militante s’appuie systématiquement sur la science et consulte d’ailleurs régulièrement des chercheurs, tels que Johan Rockström ou Jean-Pascal van Ypersele. Ce climatologue belge, ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en est persuadé, la Suédoise est « surdouée ». « Elle a une connaissance des mécanismes en jeu dans la crise climatique bien supérieure à celles de la majorité des décideurs politiques et économiques », assure-t-il. « Ce que le GIEC dit avec une froideur liée à un langage tout en probabilités, elle en ressort un message épuré : celui qu’on va dans le mur », résume-t-il.
Dans la conférence TED qu’elle a donnée à Stockholm [2], en novembre 2018, Greta Thunberg expliquait qu’être sur le spectre autistique signifiait « voir souvent les choses en noir et blanc ». Elle ajoutait : « Je pense qu’à bien des égards, nous, autistes, sommes normaux, et le reste des gens sont franchement étranges, surtout quand tout le monde répète que le changement climatique est le problème le plus important de tous, et pourtant continue de se comporter comme si de rien n’était. »
A ceux qui lui reprochent de s’en tenir au rôle de lanceuse d’alerte ou de ne pas suffisamment dénoncer le système capitaliste, elle répond qu’elle n’est « qu’une enfant » et que d’autres sont bien mieux placés pour formuler des politiques. Sur l’une de ses dernières photos Instagram, Greta Thunberg pose, un grand sourire aux lèvres, en réponse à ses « détracteurs ». Et de déclarer : « Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi les adultes choisissent de passer leur temps à se moquer et à menacer les adolescents et les enfants, alors qu’ils pourraient faire quelque chose de bien à la place. Je suppose qu’ils doivent se sentir si menacés par nous. »
Audrey Garric et Anne-Françoise Hivert (Malmö, Suède, correspondante régionale)
• Le Monde. Publié le 28/09/2019 à 03h17, mis à jour à 15h06 :
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