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« La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail ne le serait-il pas ? » Voilà comment Laurence Parisot, la présidente du Medef, exprimait, en septembre 2005, avec le cynisme et la bêtise de l’arrogance sociale, le désir du patronat. Le contrat idéal, pour elle, c’est celui qui n’obéirait à aucune règle prédéfinie, qui ne serait contraint par aucune loi, un contrat de gré à gré en somme, entre l’employeur et le salarié. C’est ce que les patrons appellent la liberté, une situation où le salarié n’a pas d’autre choix, puisque lui n’a que sa force de travail à vendre, que d’en passer par la volonté du patron et d’en subir l’arbitraire.
Le Medef considère tout le reste, le code du travail, les droits gagnés par les luttes ouvrières, comme un « carcan », et il salue tout ce qui contribue à desserrer celui-ci. C’est ainsi qu’il avait approuvé, lors de sa création, le contrat nouvelles embauches (CNE) - qui permet aux patrons des entreprises de moins de vingt salariés d’embaucher un travailleur avec une période d’essai de deux ans, et donc de pouvoir le licencier sans motif pendant cette période -, tout en regrettant qu’il ne soit pas étendu à toutes les entreprises. Dans son livre programme, « Besoin d’air », il souhaite une « séparabilité à l’amiable » entre l’employeur et le salarié, que Parisot a comparée au « divorce par consentement mutuel ». Comme s’il s’agissait de relations entre deux partenaires égaux alors qu’en réalité, bien évidemment, c’est la liberté de licencier sans motif qui serait ainsi offerte aux patrons.
Obligé de tenir compte des contraintes juridiques existantes et du rapport de force qui ne lui permet pas encore de donner entièrement satisfaction aux désirs du patronat, Sarkozy s’est prononcé pour une réforme du contrat de travail qu’il verrait bien aboutir à la mise en place d’un contrat unique ayant comme modèle le CPE. Dans son « pacte présidentiel », Ségolène Royal s’engage, si elle est élue, à « supprimer le CNE pour faire du CDI la règle », un engagement que le PS avait pris alors que le mouvement de la jeunesse, au printemps 2006, avait mis en cause, au-delà du seul CPE, le CNE et, plus généralement, le chômage et la précarité. Mais que vaut cet engagement sans plus de précision ? Les 500 000 emplois tremplins que promet de créer Ségolène Royal, en généralisant une mesure des présidences de régions socialistes, seront juridiquement des CDI, mais il s’agit en même temps d’emplois aidés par des subventions, et très fortement, puisque seuls 10 % du salaire sont tenus de rester à la charge de l’employeur.
Ce n’est pas seulement le CNE qu’il faut supprimer, mais bien tous les contrats aidés que les gouvernements n’ont cessé d’inventer sous le prétexte de lutter contre le chômage. Ces contrats, tels les Civis, CAE, CES ou CEC n’ont servi qu’à renforcer la précarité existant au sein même de la fonction publique et à faire faire, pour un salaire scandaleusement bas, le même travail que celui de titulaires. Tous les travailleurs employés sous cette forme doivent être titularisés et ce sont des postes de fonctionnaires qu’il faut créer dans les hôpitaux, les établissements scolaires, à La Poste, et des emplois jouissant des mêmes garanties dans les transports comme dans tous les services publics. Il y a la possibilité d’embaucher des centaines de milliers de travailleurs au chômage avec les 59 milliards d’euros versés l’an dernier par l’État à fonds perdus en subventions au patronat. Ségolène Royal parle aussi d’un « droit au premier emploi des jeunes ». Mais que sera ce premier emploi, quand on sait qu’elle ne dissocie jamais les « droits »... des « devoirs », et pourquoi envisager, quand il s’agit de l’emploi des jeunes, de mesures spécifiques ?
Dans le privé, il faut à toutes et à tous un véritable contrat à durée indéterminée, avec au minimum les garanties attachées au CDI actuel. C’est bien l’objectif que nous entendons populariser dans cette campagne, un objectif indissociable de la lutte pour une autre répartition des richesses, pour l’augmentation générale des salaires et la réduction du temps de travail accompagnée d’embauches massives.