Le 25 avril 2005, une terrible catastrophe ferroviaire se produisait à Amagasaki (banlieue d’Osaka) au Japon entraînant une centaine de morts et près de 300 blessés La compagnie ferroviaire concernée était la West Japan Railway (JR West), l’une des 8 compagnies qui se sont partagé le chemin de fer après sa privatisation à march forcée en 1987 (1). La question du lien entre privatisation et sécurité a été soulevée en cette occasion par ceux et celles qui se sont opposés à cette privatisation et aux licenciements qui ont eu lieu.
Un an après ce terrible accident, l’association Tosodan (2) a organisé du 21 au 25 avril 2006 une série d’initiatives afin de :
– dénoncer la privatisation du chemin de fer qui sacrifie la sécurité sur l’autel de la rentabilité et du profit,
– réaffirmer son opposition aux recettes libérales visant les services publics.
Pour donner plus d’ampleur à ces initiatives, Tosodan a invité des représentants d’organisations syndicales opposées à la privatisation du service public ferroviaire de leur pays et luttant contre les conséquences avérées ou à venir en matière de sécurité : Sud Rail pour la France, RMT pour la Grande-Bretagne et KCTU pour la Corée du Sud.
Ces cinq jours furent ponctués par différentes initiatives :
– Des réunions publiques sur le thème de la privatisation et de la sécurité à Amagasaki avec 200 personnes et à Tokyo avec plus de 300 personnes, public essentiellement composé de militants associatifs et syndicaux.
– Un rassemblement à Amagasaki et une manifestation (où les familles des victimes étaient présentes) de plus d’un millier de personnes jusqu’au lieu de l’accident de 2005, avec des prises de paroles des représentants des familles des victimes, des cheminots licenciés, des invités étrangers, des organisateurs.
– Des rencontres avec Attac-Japon (3) pour un débat consacré à la privatisation des services publics avec la participation de militants de base du syndicat de cheminots Kokuro (voir Syndicats au Japon). Le point de la situation dans les chemins de fer a montré qu’en matière de sécurité la dégradation continue (par exemple des rails cassés, fissurés non remplacés, ou pour un même agent trois ans comme conducteur, puis trois ans dans un poste en gare, le tout avec une formation réduite) et que la répression s’accentue contre ceux qui dénoncent publiquement cette situation. Il a été question des évolutions en cours au sein de la direction du syndicat Kokuro qui avait en 1987 accepté de fait la privatisation et les licenciements.
– Une démarche en direction du ministère des Transports pour remettre une motion exigeant une autre politique, la réintégration des licenciés, l’arrêt des sanctions qui frappent les militants syndicaux qui dénoncent l’insécurité grandissante des transports ferroviaires.
– Des échanges informels mais importants avec des militants et responsables d’organisations invités aux repas du soir.
Globalement, ce séjour au Japon aura permis, une fois de plus, de constater qu’en tout lieu des oppositions s’organisent et luttent contre le libéralisme à l’œuvre, les privatisations des services publics et ses conséquences pour les usagers et les salariés. Sur ce constat partagé, des contacts ont été noués que nous devons maintenant renforcer et rendre permanents tant avec les camarades japonais de Kokuro et de Tosodan qu’avec les camarades coréens du syndicat KCTU qui ont demandé notre accord pour accueillir un de leurs représentants en France et l’un des nôtres en Corée dans le but d’échanger des expériences et de concrétiser des contacts.
Après l’Europe, l’Afrique, c’est avec l’Asie un pas supplémentaire pour Sud Rail dans la construction d’un réseau d’échanges, de coordination et d’initiatives communes face à la mondialisation, aux politiques libérales mises en place partout sur la planète, notamment concernant les transports et plus précisément le secteur du ferroviaire, dans une période où l’énergie, l’environnement deviennent des enjeux importants.
Michel (Sud Rail)
Notes
1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Japan_Railways
2. Tosodan regroupe des collectifs de militants issus de divers horizons dont des militants du syndicat Kokuro des chemins de fer. Ces collectifs se sont créés en 1987 pour lutter contre la privatisation et défendre les cheminots licenciés, lâchés par les fédérations syndicales. Ils sont implantés dans de nombreuses villes et des avocats les aident dans leurs démarches.
3. Attac-Japon développe une activité autour du thème de la mondialisation, s’implique dans des luttes concernant celle-ci, comme avec Tosodan sur la privatisation du chemin de fer. À Tokyo, par exemple, chaque semaine le groupe se réunit pour débattre, échanger sur différents sujets.
Encart
Syndicats cheminots
Kokuro :
Fédération syndicale de cheminots adhérente à la confédération Zen Roko. Lors de la privatisation, Kokuro n’a pas pris une position claire et a lâché les licenciés.
Doro :
Syndicat de conducteurs qui avait été le seul syndicat à être contre la privatisation. Ce syndicat n’existe plus aujourd’hui, il a éclaté en trois organisations : Doro Tsiba (300 adhérents) proche de l’extrême droite japonaise, JR Soren adhérent à la confédération Rengo, Zen Doro affilié à la confédération proche du Parti communiste.