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Sauf retournement de dernière minute, les AG devraient toutes reconduire la grève jusqu’au vendredi, et sans doute aussi pour les jours qui suivront. Pour la suite, ce qui sera déterminant, c’est ce qui se passe ailleurs. Il y a une attente forte vis-à-vis des autres secteurs. Par exemple, les cheminots discutent entre eux des écoles qui seront fermées le 5 et au-delà, de ce qui se passe dans les facs. Les retours des distributions de tracts aux usagers sont bons, ça encourage. Si la grève prend dans le privé, les raffineries, les établissements scolaires, à Air France, dans la santé, etc. alors cela donnera l’envie de continuer, c’est clair.
Mais cette attente – juste en soi – pourraient aussi être utilisée en négatif si la grève tardait à s’étendre. Notamment par les directions syndicales et les franges les moins consciente, sur un discours du type : « puisque les autres ne s’y mettent pas, on ne va pas faire grève pour eux. Donc on négocie pour nous ». D’ailleurs, l’idée qu’ « on ne fera pas grève pour les autres », peut aussi parfois être entendue de la part de collègues combatifs.
Le préavis unitaire laisse cette « porte de sortie » : il fait trois pages et c’est un vrai catalogue. En soi il n’y a rien de mauvais dedans mais il pourrait permettre une soi-disant « sortie par le haut » au cas où, en laissant de côté la question centrale des retraites. Y compris en disant que la bataille décisive pourrait avoir lieu plus tard.
À chaque « bataille centrale » s’agrègent souvent d’autres revendications : en 1995, le Contrat de Plan à la SNCF (suppression de milliers de kilomètres de ligne). En 2010, encore sur les retraites, un des succès de la mobilisation dans les raffineries était lié à une attaque sur leur convention collective, etc.
Il est vrai que la réforme des retraites intervient exactement au même moment que l’éclatement de la SNCF en 5 sociétés anonymes en décembre, en conséquences de la réforme contre laquelle nous avons fait grève en 2018. Donc, retraites et réforme de la SNCF se mélangent dans les raisons de la colère. Et cela peut se décliner à la Santé avec la pénurie, l’éducation et tous les services publics attaqués actuellement, dans le privé, etc.
Nous devons mettre la priorité sur la question des retraites – condition pour un mouvement d’ensemble – sans opposer conditions de travail aujourd’hui et retraites pour demain. En effet, pour de nombreux salariés, la retraite apparait lointaine alors que le quotidien est déjà invivable. En tous cas, il faut se garder de plaquer des schémas sur la situation : certains critiquaient les mobilisations sectorielles qui se déroulaient avant le 5 sous prétexte que cela allait détourner les travailleurs de « la bataille centrale des retraites », d’autres expliquaient que le 5, trop lointain, était une manœuvre bureaucratique pour empêcher les luttes...
Au final, tous les mouvements depuis le 13 septembre (grève 24 septembre, droit de retrait, grèves dans les ateliers, grèves locales, etc…) renforcent la préparation du 5 décembre et vice versa.
Il faut donc faire le lien entre la dégradation des conditions de travail aujourd’hui et le fait qu’on vourait nous les imposer plus longtemps, jusqu’à 64 ans.
TouTEs ensemble pour gagner
Ce qui changera la donne, c’est aussi le nombre de cheminots dans les Assemblées générales. On table sur un trafic restreint et donc parfois des AG décentralisées en Ile-de-France pour permettre à tous de s’y rendre. Jeudi 5 décembre, beaucoup ne pourront pas venir jusqu’à Paris. C’est le cas aussi à la RATP. Des rencontres ont lieu entre les équipes RATP et SNCF. Si la grève est forte sur les deux réseaux, l’Ile-de-France, voir le pays, peuvent être bloqués. En 1995, le gouvernement, la SNCF et la RATP, par risque d’accident grave sur les quais, avaient anticipé la fermeture du réseau (déjà quasi à l’arrêt quand même). Mais avec Macron et sa façon de « gérer » les conflits, rien ne dit qu’il fasse le même calcul…
En tous cas, on doit partir sur l’idée qu’un secteur seul en grève, celui des transports, a peu de chances d’empêcher lui tout seul la réforme des rertaites. Une bonne partie de l’issue de la lutte dépendra donc de ce qui se passera ailleurs.
L’ambiance est bonne. Le dernier sondage annonce 64% en faveur de la grève. Si on rapporte ça au matraquage antigrève, c’est plutôt pas mal ! Mais comme pour les Gilets jaunes qui ont bénéficié d’un réel courant de sympathie, ça ne suffit pas. Face à la méthode Macron, l’objectif est avant tout un mouvement de masse, comparable à celui de 1995 ou 2010… mais avec la radicalité de la période. Et avec la nécessité pour celles et ceux qui seront en grève de s’adresser aux autres travailleurs en permanence.
Ali Jonas