Le procédé imaginé par trois géophysiciens de l’Institut de technologie de Bandung (Indonésie) viendra-t-il à bout des émissions du volcan de boue de Sidoarjo, sur l’île de Java, qui est entré en éruption le 29 mai 2006 ? On peut l’espérer car la boue, qui sort à un rythme soutenu (Le Monde du 21 décembre 2006), a déjà entraîné la fermeture de 20 usines, jeté à la rue 10 000 habitants et recouvert d’une boue noirâtre, brûlante et nauséabonde épaisse de 10 mètres une surface de 4 km2.
Le projet indonésien, récemment présenté dans Nature, consiste à introduire mille grosses chaînes de fer dotées de boules de pierre dans la bouche du volcan pour tenter de calmer sa colère. Chaque chaîne est longue de 1,5 m et comporte quatre boules : deux d’un diamètre de 40 cm et deux autres de 20 cm, ce qui fait un poids total de 300 kg par chaîne.
« Nous espérons plonger les boules jusqu’à une profondeur de 100 m, explique Umar Fauzi, un des trois géophysiciens, rétrécir la zone d’émission et diminuer les coulées de boue de trois quarts. » Pour cela, il faudra construire un pont destiné à surplomber la zone. Selon le responsable de l’équipe qui gère le désastre, l’ensemble du projet coûterait 440 000 dollars et serait payé par PT Lapindo Brantas, la société de forage accusée d’avoir provoqué la catastrophe.
Un tel projet, jamais tenté auparavant, suscite des réserves de la part de certains spécialistes. Richard Swarbrick, responsable de la société GeoPressure Technology à Durham (Grande-Bretagne), craint que la réduction de taille de la bouche éruptive ne force la boue à prendre d’autres chemins. « On ne fera que transférer le problème à un autre endroit », explique-t-il.
UN PHÉNOMÈNE RARISSIME
Richard Swarbrick vient aussi de signer, avec trois autres chercheurs britanniques, un article sur le volcan de boue de Java publié dans la revue géologique GSA Today de février. Très pessimistes, ils estiment que l’éruption pourrait continuer à émettre chaque jour entre 7 000 et 150 000 m3 de boue pendant des mois, voire des années. Ce qui entraînera un affaissement de la zone concernée sur une surface de quelque 10 km2.
Selon ces chercheurs, l’éruption est « presque certainement d’origine humaine » car elle a eu lieu lors d’un forage exploratoire profond de 2 834 m, destiné à rechercher du gaz. A cette occasion, « une roche sédimentaire contenant de l’eau sous pression a été perforée, alors que la partie inférieure du forage n’était pas protégée ». Les roches ont alors été fracturées et un mélange de boue et d’eau s’est frayé un chemin jusqu’à la surface. Le séisme qui avait frappé la région deux jours avant a aussi pu fragiliser la zone forée.
Y a-t-il d’autres moyens de juguler le volcan ? La réponse est difficile à donner car un tel phénomène provoqué par l’homme est rarissime. Habituellement, quand on perd le contrôle d’un puits de pétrole sous-marin, « on fore un deuxième puits, non loin du précédent, et on injecte du ciment pour boucher les pores de la roche contenant le pétrole », explique Claude Mabile, directeur adjoint à l’Institut français du pétrole. « A Java, si le puits a résisté, on peut essayer d’y injecter un liquide visqueux », estime-t-il.