Cet article s’adressait surtout à un auditoire du Reste du Canada et explique qu’il n’y a pas consensus au Québec. Il a pour but également de démontrer les effets négatifs au Québec des interventions des conseils municipaux des grandes villes canadiennes sur cette question, il appelle au respect et à la compréhension mutuelle.
Les récentes interventions d’Yves-François Blanchet et de François Legault contre la subvention accordée à la Commission scolaire English-Montréal approfondissent quant à eux, le fossé qui sépare la population du Reste du Canada de celle du Québec et alimente les préjugés contre le nationalisme québécois en défendant une loi discriminatoire contre des minorités ethnoculturelles.
La poursuite de la CSEM devant la Cour supérieure du Québec demande au tribunal d’invalider des articles de la Loi sur la laïcité de l’État, qui interdit notamment le port de symboles religieux pour le personnel enseignant et les directeurs d’école.
De surcroit le programme qui a permis un octroi de 125 000 $ à la CSEM sert à financer les contestations des lois pour des groupes minoritaires et souvent contre des politiques, des organismes ou des lois fédérales. Au final elle a renoncé à cet octroi.
Lors de la session du 6 février, Québec solidaire a refusé de donner son consentement à une motion sans préavis lorsque Pascal Bérubé, chef du troisième groupe d’opposition, conjointement avec Simon Jolin-Barrette, ministre responsable de la Laïcité et de la Réforme parlementaire, Guy Ouellette (Député indépendant, Chomedey) et Catherine Fournier (Députée indépendante, Marie-Victorin), ont présenté une motion concernant le Programme de contestation judiciaire ; « Que l’Assemblée nationale dénonce le financement fédéral octroyé par le biais du Programme de contestation judiciaire, du recours devant les tribunaux pour invalider la loi sur la Laïcité de l’État, adoptée légitimement par ses membres. » cette motion n’a pu être débattue faute de consentement.
La loi 21 doit être combattue au Québec
Lors des élections fédérales, Yves-François Blanchet s’est présenté comme le représentant du Québec, défenseur des décisions de l’assemblée nationale du gouvernement Legault majoritaire. Il enfourchait ainsi le cheval de bataille de la CAQ qu’a été la loi 21 sur la fausse laïcité, affirmant que c’est la volonté de 70% de la population du Québec.
Mais il y a des raisons de contester l’interprétation de Blanchet, comme l’a démontré le chercheur Nikolas Barry-Shaw, l’opposition à la loi 21 au Québec est plus grande que le suggère une lecture superficielle du sondage ; tout dépend de comment la question est posée.
Dans les faits le gouvernement de la CAQ s’est retrouvé avec 74 des 125 sièges à l’Assemblée avec l’appui de seulement 37,4% des voix. Un tiers des 6,2 millions d’électeurs et électrices sont restés à la maison le 1er octobre, faisant en sorte que François Legault et la CAQ n’ont eu besoin que de 1,5 million de votes — ce qui représente moins d’un quart (24,5%) de l’électorat inscrit — pour s’assurer d’une majorité parlementaire.
Comme l’affirmait Gabriel Nadeau-Dubois dans son récent livre [1] ce sont les circonscriptions les plus culturellement homogènes qui ont choisi la CAQ. Seulement 8 des 74 circonscriptions caquistes ont plus de 10% d’immigrants et aucune d’entre elles n’a plus de 22% de nouveaux venus.
Il est donc faux d’affirmer comme le fait le leader du Bloc Québécois Yves-François Blanchet que le Québec a appuyé massivement cette loi rétrograde.
Legault a en effet réussi à utiliser la loi et ses campagnes anti-immigration pour consolider sa propre base électorale. Mais la partie n’a pas été si simple, son ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette a dû reculer devant la grogne populaire, en ce qui a trait à la réforme du Programme d’expérience québécoise (qui permet d’obtenir un Certificat de sélection du Québec en vue de la résidence permanente) qui visait à exclure des étudiants et étudiantes étrangers de ce programme dont plusieurs sont déjà en sol québécois.
Québec Solidaire, qui a élu 10 députés lors des dernières élections, s’est clairement prononcé contre la réforme, Nadeau-Dubois accusant la CAQ d’une vision impitoyable et bornée de l’immigration. Et QS a également pris une position ferme contre le projet de loi 21.
L’évolution de la pensée des membres de QS reflète celle qui a eu lieu dans la société civile dans son ensemble, car divers groupes et organisations sont venus rejeter l’approche de la laïcité derrière le projet de loi 21 - une approche qui porte atteinte aux droits de de la personne et marginalise les groupes vulnérables.
La montée de la droite et de l’islamophobie, à la fois au Québec , où elle a donné lieu il y a trois ans à la tragique fusillade de la mosquée de Québec, mais aussi au niveau international, dont les tirs de mosquées à Christ Church, en Nouvelle-Zélande en mars dernier sont une expression effrayante, nous montre que l’exclusion ne sert qu’à alimenter la haine. Québec solidaire a, dans ce contexte, fait le choix de l’inclusion et du rapprochement contre la stigmatisation. Et il n’est pas le seul.
L’interdiction des symboles religieux a été publiquement contestée entre autres, par des syndicats, comme la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et le Conseil régional FTQ Montréal-métropolitain et la FNEEQ, par des groupes confessionnels comme le Centre Justice et Foi, par des organisations de défense des droits des femmes comme la Fédération des femmes du Québec, par des groupes de défense des droits humains comme la Ligue des droits et libertés et la Commission des droits de la personne, ainsi que par le conseil municipal de Montréal, entre autres. Des contestations judiciaires du projet de loi 21 ont également été lancées au sein de la société québécoise par le groupe interconfessionnel Coalition Inclusion Québec et la Commission scolaire English-Montréal.
Pour la grande majorité des Québécois francophones, une intervention extérieure dans ce dossier n’est ni bienvenue ni utile. Les condamnations du projet de loi 21 émises par les conseils municipaux de Calgary, Winnipeg et Toronto, entre autres - une initiative approuvée par le chef du NPD Jagmeet Singh - n’ont aucun effet dissuasif sur les nationalistes ethniques qui soutiennent l’interdiction des symboles religieux, et encore moins sur les partis politiques comme le CAQ, PQ ou Bloc. Au contraire, il alimente un certain sentiment de cohésion pour la défense de la nation québécoise et contre les ingérences étrangères. Il est également perçu comme une intrusion ou même un affront par ceux qui ne sont pas nécessairement en faveur du projet de loi 21. Pour beaucoup de gens, cela fait partie intégrante d’une tendance au Canada anglais à dénigrer le Québec. L’opposition au projet de loi 21 et le sentiment anti-musulman doivent continuer de venir des forces progressistes du Québec.
Et il y a beaucoup de travail à faire pour affronter et combattre l’islamophobie au Canada anglais aussi, comme en témoigne un sondage CROP de 2017 commandé par Radio-Canada qui a montré que si 32% des Québécois sont majoritairement ou totalement en faveur d’une interdiction des musulmans à l’immigration, près du quart des Canadiens (23%) à l’extérieur du Québec appuient également une telle interdiction.
Si la solidarité doit dépasser les frontières nationales, puisqu’il en existe une sans contredit, elle ne peut se faire sans qu’elle soit sollicitée et qu’elle se réalise dans une compréhension mutuelle des problèmes et de la réalité de chacun. Les différences sont trop grandes et les préjugés malheureusement encore trop enracinés.
Traduit en anglais et édité avec collaboration au contenu par Andrea Levy
André Frappier est un collaborateur régulier de Canadian Dimension
https://canadiandimension.com/articles/view/fighting-bill-21-in-quebec
André Frappier
Andrea Levy
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