Les 20 et 21 janvier, les représentants de 300 collectifs, ou parties de collectifs, réunis à Montreuil, manifestaient
solennellement leur refus de la division de la gauche antilibérale à l’élection présidentielle.
La déclaration adoptée à l’issue des travaux soulignait qu’une candidature unitaire était toujours possible. Prenant en compte
le succès de l’appel en faveur d’une candidature de José Bové, elle proposait que ce dernier devienne le candidat du
rassemblement. Elle avançait l’objectif que toutes les forces ayant été engagées dans la campagne du « non » de gauche
se retrouvent. Elle lançait en ce sens un appel à la LCR comme au PCF, afin qu’ils renoncent à des candidatures séparées,
et qu’Olivier Besancenot autant que Marie-George Buffet prennent toute leur place dans une campagne collective. Pour faire
grandir l’exigence d’unité et d’alternative au libéralisme, elle décidait l’organisation d’une série de grands meetings, cette
bataille devant être collective et organisée autour de porte-parole représentatifs de toutes les sensibilités du rassemblement.
Elle réaffirmait la règle du consensus, seule à même de garantir l’unité et la diversité du mouvement des collectifs, et elle
tenait à préciser que, durant toute la campagne, chaque collectif et chaque militant décideraient de son engagement. Elle
préconisait en ce sens la formation, en lien avec la coordination issue de la réunion des 20 et 21 janvier, d’un collectif de
campagne chargé spécifiquement de la prise en charge des tâches de la campagne présidentielle. Elle fixait enfin aux
collectifs un nouveau rendez-vous, début mars.
Nous arrivons précisément à ce moment, où il s’agit, selon les termes de la déclaration de Montreuil, de « faire le
point de l’action engagée et de décider des suites à lui donner ».
Plusieurs constats nous paraissent, à cet égard, devoir être formulés.
Premier constat. La volonté unitaire des collectifs et l’aspiration unitaire pourtant profonde au rassemblement des
diverses composantes de la gauche antilibérale n’ont pas été en mesure de surmonter l’échec enregistré en 2006, avec les
proclamations successives des candidatures d’Olivier Besancenot et Marie-George Buffet. Dès le lendemain des assises de
Montreuil, les directions du PCF et de la LCR ont repoussé l’offre cette proposition et se sont un peu plus engagées dans
une dynamique délétère de concurrence. Force est aujourd’hui, même si c’est pour le regretter, d’en prendre acte.
Deuxième constat. Dans ce cadre, la proposition que José devienne le trait d’union possible entre toutes les
composantes de la bataille du 29 Mai a très vite cédé le pas à l’affirmation d’une candidature ayant vocation à aller jusqu’au
bout, donc à devenir une candidature supplémentaire face à celles d’Olivier Besancenot et de Marie-George Buffet. Que
la responsabilité de la division incombe en premier lieu à la direction de la LCR puis à celle du PCF ne change rien au fait
que, pour une grande majorité d’électrices et d’électeurs de gauche, la candidature de José est essentiellement apparue
comme le signe d’une impossibilité avérée d’affirmer une force rassemblée, à ce scrutin présidentiel, dans la défense d’une
alternative au dogme libéral dominant et au social-libéralisme qui caractérise plus que jamais la politique du Parti socialiste et
le programme de Ségolène Royal. Pour relatifs qu’ils puissent être, les sondages reflètent cette perception. Pour l’expliquer,
il n’est pas sans importance que, depuis la conférence de presse du 1er février, la bataille décidée à Montreuil en faveur de
l’unité ait été passablement relativisée et que l’accent ait été davantage mis sur la promotion du candidat Bové plutôt que sur
l’impérieuse nécessité d’une candidature de convergence.
Troisième constat. Si une incontestable dynamique militante s’est créée en plusieurs points du territoire en
faveur de la candidature de José, si celle-ci a bénéficié d’un véritable écho dans divers secteurs de l’opinion, si se retrouvent
derrière elle des militants issus d’horizons divers, force est en même temps de constater que les collectifs se sont révélés
très partagés sur le choix à retenir pour la présidentielle. C’est probablement une majorité d’entre eux qui a décidé de ne
s’engager dans aucune campagne. Ce souci de préserver le cadre pluraliste qu’ils représentent s’avère fondamentalement
juste. Il revient à présent à la coordination nationale et à la réunion nationale des 10 et 11 mars d’en prendre acte, d’en tirer
toutes les conséquences quant à son plan de travail des prochains mois.
Dernier constat, le plus important sans doute. La pré-campagne présidentielle administre, jour après jour et
sondage après sondage, la démonstration que le rassemblement antilibéral est la condition de l’émergence d’une alternative
crédible de rupture avec l’ordre libéral. En ne répondant pas aux attentes populaires, l’orientation de Ségolène Royal
laisse Sarkozy habiller son ultralibéralissme d’un discours prétendant réhabiliter la politique et s’adresser aux travailleurs.
Mais, emportés par la concurrence qui les opposent, les candidats issus de la gauche antilibérale ne bénéficient d’aucune
dynamique électorale. Résultat, c’est la gauche tout entière qui se retrouve à son niveau le plus bas… depuis 1969.
Ces constats appellent, nous semble-t-il, des conclusions qu’il appartient aux collectifs de tirer
ensemble les 10 et 11 mars.
1- Le combat pour la convergence pluraliste de la gauche de transformation doit plus que
jamais rester notre fil à plomb. Y renoncer, se résigner aux ruptures intervenues depuis le 29 Mai, réduire
son objectif à la structuration d’un espace politique entre le PCF et la LCR (voire se situant en opposition à ces
deux courants), ce ne serait pas seulement conforter les dérives boutiquières qui nous ont conduit à l’échec.
Cela reviendrait à abandonner l’ambition défini par les collectifs le 10 septembre 2006 : changer la donne à
gauche ; y battre le social-libéralisme ; y rendre majoritaire une politique de rupture ; affirmer une gauche de
gauche, apte à réaliser la synthèse entre le meilleur des acquis du mouvement ouvrier comme des combats
républicains et les apports des nouveaux mouvements sociaux (féminisme, écologie, altermondialisme…), à
inventer une nouvelle articulation entre le politique et le social. Ce défi stratégique se posera jusqu’au dernier jour
de la campagne présidentielle ; il se reposera, avec la même acuité, dès le lendemain de cette échéance…
2- C’est la raison pour laquelle, parce qu’il est le principal acquis d’un combat sans précédent
dans l’histoire de la gauche française, parce qu’il a su réunir des sensibilités représentatives
de traditions et de cultures longtemps antagonistes, le mouvement des collectifs doit à tout
prix préserver son existence autonome, sa diversité, sa capacité d’action. Confronté à l’échec de
la bataille pour le rassemblement, il ne peut donc s’engager comme tel dans le soutien à l’une des candidatures
déclarées au sein de l’espace antilibéral. S’il dispose du nombre de parrainages légalement nécessaires, il
reviendra à José Bové et à ses comités de campagne de décider s’ils entendent aller au terme de la compétition
présidentielle. Ils ne sauraient toutefois, dans la situation aujourd’hui créée, porter les couleurs du rassemblement
antilibéral. Chaque militante, chaque militant aura donc à décider pratiquement de son engagement, au sein
de structures clairement distinctes des collectifs unitaires, ces derniers demeurant un patrimoine commun,
le cadre d’échange et d’action où tous peuvent se retrouver, quels que soient les choix effectués pour cette
présidentielle. La réunion des 10 et 11 mars devra introduire cette clarification désormais indispensable, et la
coordination qu’elle mandatera devra être la garante de l’unité autant que de l’indépendance du mouvement
des collectifs. Ce qui implique qu’elle redéfinisse ses modalités de travail, afin de favoriser la participation pleine
et entière de tous les collectifs n’ayant pas renoncé à l’objectif du rassemblement de la gauche antilibérale,
dans la pluralité qui les caractérise.
3- C’est aux élections législatives que les collectifs ont l’occasion de renouer le fil du combat
pour le rassemblement. Il serait absurde d’accepter que se perpétue, à cette occasion, la concurrence
ayant prévalu pour la présidentielle. Il serait tout aussi irresponsable de s’engager, comme s’en manifeste
parfois la tentation, dans des situations de conflits systématiques avec les candidates et candidats désignés
par le PCF ou la LCR. Cela priverait en effet, une nouvelle fois, le mouvement antilibéral d’une expression
unifiée. L’objectif doit, au contraire, être la présentation de candidatures unitaires labellisées dans le plus grand
nombre possible de circonscriptions. La force que représentent les collectifs à l’échelon local ou départemental,
l’engagement loyal dans la démarche du rassemblement de nombre de sections ou fédérations de la LCR et du
PCF rendent parfaitement envisageables des accords politiques, sur la base des 125 propositions et d’un clair
engagement à l’indépendance envers un gouvernement et une majorité parlementaire qui seraient formés par
le Parti socialiste. Et là où l’unité n’aura pu se réaliser, il conviendra de rechercher des accords de répartition
des circonscriptions au niveau des départements. Cette bataille doit se déployer dès aujourd’hui, faute de quoi,
elle sera perdue…
4- Dans le prolongement de ces propositions, nous pensons que la future coordination issue
de la rencontre des 10 et 11 mars doit prendre toute sa place dans le processus tout juste initié
en vue de reconstituer une structure à même de permettre l’action conjointe des différentes
composantes de la gauche antilibérale dans les mobilisations autant que dans les échéances
politiques, à commencer par les législatives. Une telle structure n’existe plus depuis que la fonction du
Collectif d’initiative unitaire nationale a été rendue caduque par l’échec des assises de Saint-Ouen. Un nouveau
cadre souple de liaison doit par conséquent voir le jour, réunissant les forces politiques partie prenante de
l’appel du 10 mai 2006 à des candidatures unitaires (PCF, PRS, Alternatifs, CCAG, Mars, Gauche républicaine,
unitaires des différents partis), les collectifs dans leur diversité, les nouvelles structures militantes apparues ces
dernières semaines autour de la candidature de José Bové, les personnalités ayant participé à l’entreprise du
rassemblement depuis le début, et offrant à la LCR une nouvelle occasion de réintégrer le processus unitaire.
Telles sont les questions qu’il nous paraît urgent de discuter, si nous voulons, tous et toutes
ensemble, rebondir.