Amazon : la justice confirme en appel la nécessité d’une évaluation des risques
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Par AFP — 24 avril 2020 à 17:16 (mis à jour à 17:28)
La cour d’appel de Versailles a rendu vendredi un jugement de Salomon dans l’affaire Amazon, en donnant raison une nouvelle fois aux syndicats qui réclamaient une véritable évaluation des risques liés à l’épidémie de Covid-19, tout en assouplissant les restrictions de livraison imposées à l’entreprise.
La cour a confirmé l’ordonnance du 14 avril du tribunal de Nanterre qui imposait à Amazon de procéder à une évaluation des risques professionnels mais.
Dans le même temps, elle a précisé et élargi la liste des produits qu’Amazon peut continuer à livrer dans l’attente de cette évaluation et a limité l’astreinte à 100.000 euros par infraction au lieu d’un million d’euros.
Amazon avait fait appel de la décision initiale de Nanterre en jugeant impossible à appliquer la limitation de ses activités aux produits d’hygiène, produits médicaux et d’alimentation, faute de précision.
Dans son arrêt vendredi 24, la cour précise qu’Amazon devra s’en tenir sous 48 heures aux produits high-tech, informatique, bureau et « Tout pour les animaux », santé et soins du corps, homme, nutrition, parapharmacie, ainsi qu’à l’épicerie, boissons et entretien. Passé ce délai de 48 heures, chaque infraction sera pénalisée à hauteur de 100.000 euros pendant une durée maximale d’un mois.
La liste, plus large que dans la décision de Nanterre et assise sur la nomenclature de l’entreprise, enlève de fait à Amazon son principal argument pour la fermeture de ses entrepôts décidée jusqu’à samedi 25.
Son activité sera néanmoins réduite dans l’attente de l’évaluation des risques selon les syndicats d’environ 50%, puisque la liste ne mentionne ni livres ni musique, de gros postes pour Amazon.
L’entreprise s’est bornée à indiquer vendredi qu’elle allait « évaluer dans les meilleurs délais les conséquences » pour son activité.
Laurent Degousée de Sud-Commerce, membre d’Union Solidaires, à l’origine de la plainte, s’est félicité d’une décision en appel « extrêmement ferme sur les obligations de prévention de l’employeur », lors d’un point-presse téléphonique.
Il souligne qu’« en première instance, Sud était seul, mais qu’en appel Amazon se retrouve avec une coalition de syndicats (CGT, CFDT, FO) et de représentants du personnel ».
« Une Union sacrée » a renchéri Me Jonathan Cadot qui intervenait pour la CFDT.
« Cela vaut pour toutes les entreprises qui font fi de la sécurité de leurs salariés », a commenté Julien Vincent, délégué CFDT, qui « n’écarte aucune possibilité pour les prochains jours, y compris la négociation d’un plan de continuité de l’activité ».
Un comité social et économique central est convoqué lundi 27. - une référence pour le déconfinement -
Patrice Clos (FO Transport) espère que « ce jugement fera jurisprudence un peu partout », estimant à 5.150 le nombre de cas de Covid-19 et 31 décès dans la logistique de transport.
Amazon ne communique pas le nombre de cas - 16 selon Sud qui réclame un observatoire.
Amazon, dont les entrepôts tournaient à plein depuis la mise en œuvre du confinement le 17 mars, a fait l’objet de 6 mises en demeure de l’inspection du travail et tous ses sites français ont été contrôlés.
L’entreprise focalise l’attention par son rôle clé dans le commerce en ligne (36% de parts de marché en France) et sa gestion des salariés souvent jugée « déshumanisée ».
L’entreprise assure avoir mis en œuvre toutes les mesures de sécurité « dans le strict respect des directives des autorités françaises ».
L’arrêt de la cour d’appel de Versailles sera suivi de très près dans les entreprises qui préparent la sortie du déconfinement et craignent la multiplication des contentieux.
A La Poste
Le 9 avril, le tribunal judiciaire de Paris avait déjà ordonné à La Poste, assignée par SUD-PTT en référé, de produire « dans les meilleurs délais » un document détaillant l’évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie.
« On reproche à Amazon et à La Poste d’avoir fait mal, insuffisamment, et de n’avoir pas vérifié l’effectivité des mesures prises. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent tenir à jour leur Document unique d’évaluation professionnelle. Ne pas le faire est une faute inexcusable pour l’employeur », rappelle l’avocat spécialiste du droit du travail Eric Rocheblave.
« Les décisions de justice donnent un curseur, une référence pour les entreprises qui vont sortir du confinement », estime-t-il. « Elles sont justes, elles protègent non seulement les salariés mais aussi les clients et, au delà, toute la société ».
« Ce n’est pas parce qu’on est Amazon qu’on ne doit pas faire des efforts »
Par Gurvan Kristanadjaja (Libération) — 24 avril 2020 à 16:28
La cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement rendu par le tribunal de Nanterre. Le géant américain de la vente en ligne devra limiter ses activités aux produits de premières nécessité et high-tech, sous peine d’une astreinte de 100 000 euros.
La décision du tribunal de Nanterre est confirmée en appel. Amazon devra bien se limiter aux produits essentiels (produits d’animalerie, « santé et soins du corps », « homme », « nutrition », « parapharmacie », épicerie, boissons et entretien) et « high-tech », en attendant qu’une évaluation des risques soit mise en place dans chaque dépôt, en concertation avec les représentants du personnel. « Fait nouveau, le CSE central et les CSE des six établissements seront aussi consultés et associés », précise Me Judith Krivine, avocate du syndicat Solidaires. En cas de non-respect sous 48 heures, la société s’expose à une astreinte de 100 000 euros due pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés. « La décision est extrêmement dense et motivée. Elle dit qu’en ces temps de pandémie, il est nécessaire d’associer les représentants du personnel », ajoute-t-elle.
Mesures tardives
Fin mars, la fédération Sud Commerce de l’union syndicale solidaire avait porté plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui », pointant du doigt le peu de protection dont disposaient les employés dans les entrepôts d’Amazon.
Partout dans les dépôts, les salariés ont regretté depuis le début du confinement que les mesures mises en place par la société aient tardé https://www.liberation.fr/france/2020/04/16/amazon-c-est-une-boite-a- virus-on-est-tous-colles_1785474
Le tribunal avait donc rendu une décision inédite début avril, car elle avait poussé la multinationale à suspendre temporairement ses activités en France, le temps que l’appel soit rendu.
« Les premiers juges doivent être suivis lorsqu’ils rappellent fermement à la société Amazon sa responsabilité dans la sauvegarde de la santé de ses salariés dans l’actuelle période d’urgence sanitaire alors que le Covid-19 est hautement contagieux et responsable de détresses respiratoires pouvant entraîner le décès, que les services de santé sont surchargés face à la propagation de l’épidémie et que toute personne est un vecteur potentiel de la transmission du virus », précise l’arrêt rendu ce vendredi par la cour d’appel de Versailles.
Indifférent aux alertes
« Ce que paye Amazon, c’est son positionnement depuis le début de cette affaire, ils sont passés outre les alertes de son personnel, des représentants. Ils n’ont fait qu’assurer que tout était fait, mais l’arrêt met en lumière le fait que ce n’était qu’une posture », a estimé Laurent Degousée, co-délégué de Sud Commerces.
Quand du côté d’Amazon, on commente seulement : « Nous avons pris connaissance de l’issue de notre appel, et nous allons évaluer dans les meilleurs délais les conséquences de cette décision pour notre activité ainsi que pour nos collaborateurs, pour les clients en France ainsi que pour les nombreuses TPE et PME françaises qui comptent sur Amazon pour développer leur activité. »
Preuve que cette nouvelle décision était très attendue, y compris outre- Atlantique, certains médias américains faisaient pression en coulisses sur les syndicats pour avoir des informations rapidement, précisant que celle-ci pouvait avoir un effet sur le cours de l’action Amazon à Wall Street.
Sur le site de Bloomberg, le combat des syndicats français face à la multinationale américaine s’affiche désormais en lettres capitales.
« On s’est lancés dans un pari un peu fou face à Amazon. Mais on voit aujourd’hui ce n’était pas une vue de l’esprit. Ce n’est pas parce qu’on est un géant américain qu’on ne doit pas faire des efforts dans la période, personne n’est au-dessus des lois », a estimé Laurent Degousée.