Si la pandémie semble avoir “refroidi” l’activité terroriste dans bon nombre de pays du globe, un continent fait exception. En effet, chiffres à l’appui, le quotidien économique Il Sole-24 Ore explique que, loin de s’arrêter, l’activité djihadiste en Afrique à l’heure du coronavirus augmente.
“Comme le montrent les chiffres du site Acled (qui fournit une base de données spécialisée dans le suivi des situations de crise), en Afrique occidentale les victimes d’actions liées au terrorisme ont été 1 167 en avril 2020, soit 59 % en plus par rapport à la même période en 2019.” Dans ce quatrième mois de l’année, constate le journal milanais, “le terrorisme en Afrique a fait deux fois plus de victimes que le Covid-19 (qui a provoqué 1 500 décès sur le continent)”.
Propagande antioccidentale
Selon Il Sole-24 Ore, loin d’avoir entravé les activités des djihadistes, le coronavirus a indirectement apporté de l’eau au moulin des groupes terroristes. Tout d’abord, analyse le quotidien économique, l’arrivée de la pandémie a fourni un “nouvel instrument de propagande” aux djihadistes, qui ont pu “diffuser la narration d’un virus transmis par les Occidentaux”.
Mais, au-delà de cette dimension psychologique, l’arrivée du Covid-19 a surtout empiré les conditions de vie des populations africaines d’une manière très concrète, à travers “des mesures de confinement souvent inefficaces mais létales pour l’économie informelle”. Voilà qui a augmenté “l’insatisfaction vis-à-vis des gouvernements”. Des conditions qui favorisent le recrutement de nouveaux terroristes dans les milices.
“Manger à sa faim et avoir un salaire”
“Il faut comprendre que les jihadistes peuvent être des jeunes de 18 ans qui souhaitent seulement manger à leur faim et avoir un salaire, affirme Francesco Strazzari, professeur en relations internationales à l’université de Pise, dans les colonnes d’Il Sole-24 Ore. Ou parfois ils souhaitent ‘riposter’ à une sensation d’abandon de la part des États et à leurs politiques répressives.”
Car, selon le média italien, les politiques de différentes nations africaines vis-à-vis des groupes terroristes ne font souvent qu’alimenter la dynamique des conflits et contribuent à gonfler les rangs des djihadistes. “Certains gouvernements se sont rendus protagonistes d’épisodes de violences (exécutions sommaires, arrestations de masse) qui sont comparables à ceux perpétrés par les miliciens”, regrette Il Sole-24 Ore, qui fournit des exemples.
“L’ONG américaine Human Rights Watch a accusé les forces de sécurité du Burkina Faso d’avoir exécuté sans procès 31 personnes suspectées de terrorisme dans le nord du pays, et des événements similaires ont eu lieu au Cameroun et au Nigeria. Voilà qui accroît l’hostilité des populations vis-à-vis des forces du gouvernement, ainsi que le recrutement dans les rangs des miliciens.”
Particulièrement frappée par le phénomène terroriste, la région du Sahel est depuis plusieurs mois victime d’une intensification des attaques djihadistes. Les statistiques des morts liées au terrorisme dans ces pays – rapportées par Il Sole-24 Ore – témoignent parfaitement de l’ampleur d’un problème qui ne date pas d’hier : “1 057 personnes sont mortes au Niger, 2 279 au Mali, 2 408 au Burkina Faso et 5 035 au Nigeria dans les derniers douze mois”, dénombre le quotidien italien.
Une ingérence souvent contre-productive
Face à cette situation, la communauté internationale tente parfois une riposte, à l’instar de la France avec l’opération Barkhane, mais souvent “les réactions dispersées ont pour résultats d’augmenter encore davantage la frustration des citoyens africains, qui perçoivent leurs gouvernements comme ‘incapables’ et dépendants de manœuvres extérieures. Exactement le message que la rhétorique des groupes djihadistes veut envoyer.”
Il Sole-24 Ore
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