Le 24 juin prochain, les deux républiques populaires autoproclamées du Donbass, celle de Louhansk (LNR) et celle de Donetsk (DNR), ont l’intention d’organiser de grands défilés militaires, à l’image de ce qui est prévu en Fédération de Russie, et ce en dépit de la poursuite de la pandémie de Covid-19. Pour l’heure, tandis que dans les territoires occupés du Donbass ukrainien se déroulent ces préparatifs militaires absurdes et de grande envergure sous contrôle russe, en parallèle, on constate un durcissement de la situation socio-économique. D’où la contestation qui enfle dans les rangs des mineurs, ce qui entraîne répression et violations grossières des droits de l’homme.
Dès le mois de juin, dans les régions occupées de l’oblast de Louhansk, le mécontentement social a commencé à gronder parmi les mineurs. Ainsi, le 5 juin, les employés de la mine Komsomolsk, dans la ville d’Antratsit, se sont mis en grève. Plus d’une centaine de mineurs ont refusé de remonter de la mine tant que leurs arriérés de salaire ne seront pas réglés. Les représentants de l’administration des forces d’occupation, autrement dit des bandes subordonnées à la Russie qui tiennent les rênes de la République populaire autoproclamée de Louhansk, ont tenté de calmer les mineurs en leur promettant de leur verser une partie des sommes dues, ce qui n’a eu aucune influence sur le mouvement de grève
Les 7 et 8 juin, dans d’autres villes de la partie occupée de l’oblast de Louhansk, on a vu apparaître des affiches favorables au mouvement. Le 10 juin, 120 mineurs se trouvaient encore dans les mines, leurs proches et leurs collègues étaient également toujours présents sur le site, à l’extérieur. Et les mineurs ont annoncé leur intention d’entamer une grève de la faim.
Pas d’insurrection armée en vue
Selon des sources locales du réseau d’information ukrainien InformNapalm, dans les villes de Rovenky et Loutouguine, la contestation commencerait à s’étendre. Pour éviter la contagion, le pouvoir occupant a pris des mesures préventives : il a bloqué l’accès aux réseaux sociaux et coupé les communications téléphoniques. Il est interdit aux médias locaux d’évoquer la grève. Le 7 juin, dans la région d’Antratsit et de Rovenky, sous prétexte de prolonger le confinement à cause de la pandémie de Covid-19, les liaisons par bus entre ces villes ont été interrompues, et il a été recommandé aux habitants de se placer d’eux-mêmes en quarantaine. Ce qui a coïncidé, comme par hasard, avec l’extension du mouvement de protestation des mineurs.
Il ne faut cependant pas s’attendre à une insurrection armée. À la différence des clichés de la propagande russe, qui décrit les forces séparatistes comme des “milices d’autodéfense formées de mineurs volontaires”, la plupart des mineurs n’ont pas pris les armes, ni en 2014 [au début de la crise ukrainienne] ni plus tard. Les armes et les équipements, eux, ont été fournis, et le sont toujours, par la Fédération de Russie, et l’on ne trouve donc aucun char, obusier et autres armements dans les mines du Donbass. Les troupes d’occupation de la LNR et de la DNR sont essentiellement composées de délinquants, d’aventuriers et de mercenaires habitués à l’argent facile et au banditisme. Les mineurs, eux, continuent de travailler.
Ils auraient apparemment décidé d’appeler à l’aide le FSB [les services de sécurité] de la Fédération de la Russie et réclameraient la création d’une commission d’enquête fédérale. Le 7 juin, d’après des sources russes régionales, le “ministère de la Sécurité d’État de la LNR” aurait interpellé 14 mineurs et syndicalistes responsables de l’organisation du mouvement de grève pacifique. Ils auraient été torturés dans le but d’obtenir le nom de toutes les personnes impliquées dans ces actes de rébellion.
De nombreux mineurs en grand danger
Dans la nuit du 7 au 8 juin 2020, sept autres personnes auraient été enlevées, dont des femmes. Des arrestations nocturnes auraient également eu lieu à Sorokine, Khroustalny, Rovenky et ailleurs. Le plus souvent, ces interpellations ont ressemblé à des enlèvements, car les “boïeviki” [nom donné aux combattants séparatistes] n’ont présenté aucun document attestant de la décision d’un quelconque prétendu “tribunal de la LNR”, ils sont simplement venus chercher les gens et ont confisqué leurs téléphones et leurs ordinateurs sans explication.
Dans la nuit du 7 au 8 juin 2020, sept autres personnes auraient été enlevées, dont des femmes. Des arrestations nocturnes auraient également eu lieu à Sorokine, Khroustalny, Rovenky et ailleurs. Le plus souvent, ces interpellations ont ressemblé à des enlèvements, car les “boïeviki” [nom donné aux combattants séparatistes] n’ont présenté aucun document attestant de la décision d’un quelconque prétendu “tribunal de la LNR”, ils sont simplement venus chercher les gens et ont confisqué leurs téléphones et leurs ordinateurs sans explication.
Le 8 juin, à 22 heures, dans la ville d’Antratsit, où plus d’une centaine de mineurs étaient toujours en grève sous terre dans la mine Komsomolsk, l’alimentation électrique a été temporairement coupée, ce qui a interrompu la ventilation et le pompage de l’eau. Ces actions risquent de causer la mort en masse des mineurs en grève. Aleksandre Vaskovsky, secrétaire adjoint du syndicat des mineurs du Donbass, a par ailleurs rapporté que 22 employés des mines avaient été arrêtés, et que l’on ne sait pas où ils se trouvent aujourd’hui.
Il est important de rappeler que la majorité des mines mentionnées, qui sont actuellement le théâtre de troubles sociaux, étaient, selon les informations communiquées par le ministère russe de l’Énergie en janvier 2016, encore tout à fait rentables et opérationnelles en 2015. Les mines des territoires occupés de la région de Louhansk, à la différence de la région de Donetsk, sont restées actives malgré le conflit.
En DNR, on ne signale pas encore de manifestations de masse ou de grèves de mineurs, bien que certaines des rares mines qui continuent de fonctionner aient été le théâtre d’événements tragiques. Ainsi, le 6 juin dernier, un effondrement s’est produit dans la mine de Kholodna Balka, dans la ville de Makiivka, causant la mort d’un mineur. Un autre a été blessé et transféré à l’hôpital. Le même jour, un incident du même type a eu lieu dans un autre puits, sur le site de la mine de Komsomolets Donbassou, près de Khrestivka, où un autre mineur a été blessé.
Roman Bourko
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