MASQUE OBLIGATOIRE - Désormais, vous ne serez plus seulement reconduit à l’extérieur du magasin. Le port du masque est devenu obligatoire dans les espaces publics clos ce lundi 20 juillet dans toute la France, sous peine d’une amende de 135 euros en cas d’infraction. Cette mesure, dont le but est d’enrayer les signes d’un léger regain du Covid-19, inscrit dans la loi une habitude déjà bien intégrée par une majorité des Français.
Dans les transports, où il était déjà obligatoire, dans les commerces ou dans les administrations, le masque fait maintenant partie du paysage depuis le mois de mars. Mais une autre protection contre le coronavirus a aussi été adoptée par certains : la visière de protection. Fixée sur le haut du front, couvrant tout le visage, elle représente parfois une alternative plus confortable au masque, qui peut gêner la respiration en cas d’effort physique par exemple.
Elle n’est toutefois pas considérée par le gouvernement comme une protection optimale contre la propagation du coronavirus. Contactée par Le HuffPost, la direction générale de la santé (DGS) estime que “la visière ne remplace pas le masque” et précise que “le décret rendant obligatoire le port du masque ne porte que sur les masques” et pas sur les visières. Toute personne utilisant une visière comme alternative au masque chirurgical ou grand public s’expose donc à une amende de 135 euros.
Pas de visières dans les trains
Même son de cloche du côté de la SNCF. La compagnie ferroviaire indique au HuffPost que seul le masque est accepté dans les trains et que les visières ne peuvent être considérées comme des alternatives à cette obligation. Les passagers portant une visière sans masque s’exposent ainsi à une amende.
Certains travailleurs devront donc peut-être revoir leurs (nouvelles) habitudes. Les commerçants ou les personnels de la restauration, parfois soumis à des cadences soutenues, ont pu jusqu’ici adopter la visière pour plus de confort. Ils doivent désormais porter un masque, comme le veut le décret qui oblige le port de cette protection dans tous les “magasins de vente et centres commerciaux” et dans “les restaurants et débits de boissons”, aussi bien pour “le personnel des établissements” que pour “les personnes accueillies de onze ans ou plus lors de leurs déplacements au sein de l’établissement”.
Le décret ne s’applique en revanche pas dans les entreprises non ouvertes au public, qui “doivent gérer au cas par cas” la question du port du masque, selon le Premier ministre Jean Castex. En l’absence de règle dans ce cadre privé, aucune amende pour le port d’une visière et non d’un masque ne pourra donc être appliquée.
La visière, “seulement en complément du masque”
La France n’est pas la première à distinguer la visière du masque de protection. En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a déconseillé le 15 juillet le port unique de la visière après une série d’infections du personnel portant cette protection dans un hôtel des Grisons, rapporte La Tribune de Genève [1]. Au Québec, les personnes portant uniquement une visière se voient désormais “refuser l’accès aux transports publics et aux commerces” car cette protection n’offre “aucune étanchéité”, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, cité par Radio-Canada [2].
En France, la DGS avait saisi en urgence le Haut conseil de la santé publique (HCSP) le 7 mai à ce sujet. Dans son avis, dressé ”à partir des données scientifiques et techniques disponibles”, le HCSP recommande “de ne pas utiliser les visières en remplacement des masques grand public” et de “considérer leur emploi seulement en complément du port d’un masque”.
Même conclusion dans le cas des professionnels de santé exposés au public, qui ne devraient porter une visière qu’en complément du masque. Si le HCSP reconnaît que les visières peuvent “protéger la zone du visage et les muqueuses associées”, notamment le nez, elles ne présentent “en aucun cas une performance de filtration” et “ne peuvent remplacer un appareil de protection respiratoire”, souligne cet avis, le dernier publié à ce sujet par le HCSP.
La question des petites gouttelettes et particules en suspension
Le HCSP cite notamment une étude menée en 2014 grâce à un simulateur de toux et concluant que les visières permettent de réduire l’exposition virale du porteur de 96% lorsqu’il est à 45 centimètres de quelqu’un qui tousse [3], comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous [non reproduite ici]. Mais la visière est “moins efficace contre les plus petites gouttelettes qui peuvent diffuser par les côtés ouverts”, note le HCSP. Les personnes entourant le porteur de la visière ne sont elles non plus pas protégées “des particules restant en suspension”, souligne l’institut national de recherche et sécurité (INRS) [4], alors que le masque filtre le virus.
Une remarque d’autant plus importante que des “incertitudes” demeurent sur la transmission du coronavirus dans l’air. La question “a fait l’objet le 6 juillet d’une lettre à l’OMS signée par 239 scientifiques issus de 32 pays, qui ont notamment fait part de leurs observations sur la fréquence des contaminations et des clusters en milieu clos, particulièrement en cas de brassage d’air, et même en l’absence de projection directe”, indique la DGS.
Plusieurs spécialistes des infections interrogés par le New York Times [5] fin juin défendent toutefois l’utilisation de la visière et soulignent ses nombreuses qualités : elle est réutilisable à l’infini si elle est correctement nettoyée, elle protège l’intégralité du visage et empêche que le porteur se touche le visage, elle permet de conserver des expressions faciales, une qualité essentielle pour les personnes sourdes et malentendantes, et il est quasiment impossible de mal la porter (contrairement aux masques parfois mis sous le nez ou mal manipulés après utilisation).
“Souvenez-vous, l’efficacité ne dépend pas seulement des propriétés inhérentes de la protection, mais aussi de la manière dont elles sont portées”, souligne le Dr. Eli Perencevich, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université de l’Iowa. Il espère que de nouvelles recherches pourront démontrer l’efficacité de la visière.
Claire Digiacomi