EPR : les positions des principaux candidats à l’élection présidentielle
Libération du 16 mars 2007
Ségolène Royal « La décision de lancer l’EPR a été prise par le gouvernement actuel, dans des conditions d’analyse et de débat contestables. Au Parlement, aucune étude d’impact n’a été présentée. Lors du débat public, la question « à quoi sert l’EPR ? » n’a jamais été posée clairement. Aucune justification précise n’a été apportée, non plus, au choix géographique de Flamanville, et aux 150 kilomètres de lignes THT qui en ont découlé. Un débat tronqué ne peut servir de base à une décision aussi lourde sur le plan structurel et budgétaire (3,3 milliards d’euros). Je souhaite donc engager, rapidement, un débat sur la question de l’avenir énergétique de notre pays et mobiliser les citoyens ainsi que les acteurs économiques sur trois objectifs : consommer moins d’énergie, développer de manière plus volontariste des filières d’énergies renouvelables et examiner l’avenir de l’énergie nucléaire. »
Nicolas Sarkozy « Le parc de production nucléaire français est à mi-vie : il serait irresponsable vis-à-vis des générations futures de ne pas préparer son remplacement par des centrales plus performantes, produisant moins de déchets et encore plus sûres. En effet, même si l’Europe tenait en 2012 l’objectif d’avoir réduit de 8% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, elle ne serait toujours pas sur la pente de la réduction par 4 de ses émissions en 2050. Dans la plupart des pays d’Europe, et notamment en Grande-Bretagne avec l’ambitieux projet de loi récemment soumis à la concertation par Tony Blair, c’est donc le retour du nucléaire qui se prépare. Il est clair que notre génération ne relèvera ni le défi du changement climatique, ni celui de la sécurité de ses approvisionnements énergétiques, ni celui de la compétitivité de son industrie sans des efforts massifs sur les deux terrains de l’efficacité énergétique et des modes de production d’électricité écologiquement et économiquement les plus performants : renouvelables et nucléaires. Nous devons faire flèche de tous bois et sortir des postures dogmatiques ou contradictoires. »
François Bayrou « Si nous voulons atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, nous ne pouvons nous priver du nucléaire. Mais nous devons poursuivre la réflexion sur l’EPR, pour être certains que la mise en place de ce nouveau réacteur est la bonne solution technologique. Je considère par ailleurs qu’il doit y avoir un rééquilibrage des dépenses de recherche au profit des énergies renouvelables. »
Marie-George Buffet « Je me prononce pour un programme ambitieux de recherche, d’expérimentation et de production de toutes les énergies renouvelables avec comme ambition d’aller vers 25% des besoins d’ici 2020. Mais je n’oppose pas ce programme avec la nécessité d’avoir un nucléaire propre et sécurisé.Il n’y a pas de sources d’énergies idéales. Il faut miser sur la complémentarité et la diversification énergétique si nous voulons répondre aux défis de la planète : réchauffement climatique, effet de serre, accès à l’énergie, développement durable... Il n’y a pas de solution dans le tout nucléaire mais il n’y a pas de solution sans le nucléaire. Dans ce cadre, je suis convaincue que l’EPR et les générateurs de la 4e génération pour la fission, ITER pour la fusion, pourront y contribuer.Le nucléaire et la politique énergétique font débat.Celui ci doit être mené dans la plus grande transparence et soumis à référendum. »
Dominique Voynet « Je partage, vous le savez, votre point de vue. La construction de l’EPR nous fera prendre encore dix années de retard - dix de plus ! - sur une autre politique énergétique, ambitieuse et réaliste, fondée sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Ce serait pourtant indispensable, si l’on veut à la fois lutter efficacement contre les bouleversements climatiques et préparer l’ère de « l’après-pétrole ». En Allemagne, Angela Merkel a confirmé la sortie du nucléaire décidée par le précédent gouvernement sous l’impulsion des Verts ; en Finlande, le chantier du prototype EPR a pris deux ans de retard, alourdissant du même coup la facture pour AREVA - et pour le contribuable français ; partout dans le monde, on a compris que la stratégie énergétique de demain ne passera par le nucléaire . Et, en France, on choisirait d’investir 3 à 4 milliards d’euros, peut-être plus, dans une machine obsolète et, qui plus est, inutile ? Je ne m’y résous pas, et je manifesterai demain, à Toulouse, avec des dizaines de milliers de personnes dans toute la France, pour le dire.
J’ajoute qu’en termes d’emploi, l’option nucléaire n’est pas non plus une bonne opération. L’EPR à Flamanville, ce serait 300 emplois permanents, selon les chiffres d’EDF. Avec la même somme, on peut créer 15 fois plus d’emplois dans les énergies renouvelables. »
Olivier Besancenot « Tout à fait d’accord avec cette remarque. Les gouvernements successifs et le lobby nucléaire ont toujours esquivé tout débat public et refusé de mettre les moyens pour la recherche sur d’autres alternatives pour, ensuite, prétendre que le nucléaire était la seule solution. Si on avait consacré aux économies d’énergie (isolation thermique des logements, par exemple) et à la recherche sur les énergies renouvelables les sommes consacrées au nucléaire, on aurait sûrement trouvé des solutions alternatives au nucléaire ! »
Défilés anti-nucléaires samedi pour interpeller les candidats sur l’EPR
AFP - 15.03.07 - Les organisations de défense de l’environnement appellent samedi à défiler dans cinq villes de France pour interpeller les candidats à la présidence sur le projet d’EPR, le réacteur nucléaire de troisième génération à Flamanville (Manche), qu’elles jugent « inutile et dangereux ». Les manifestants, qui entendent peser sur le débat électoral à cinq semaines du premier tour de la présidentielle, doivent se retrouver à 14H00 à Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg et Toulouse à l’appel du collectif Stop-EPR, qui regroupe près d’un millier d’associations dont le Réseau Sortir du nucléaire, Greenpeace, Agir pour l’environnement, les Amis de la terre, le WWF et le Réseau Action climat.
Pour le collectif, « les candidats à la présidence doivent s’engager dès maintenant à abandonner le projet EPR qui marquerait la relance du nucléaire pour les cent prochaines années ». La construction de la nouvelle centrale, sur laquelle l’Autorité de sûreté nucléaire a rendu début mars un avis favorable, doit débuter en décembre 2007. Les ONG reprochent à l’Etat d’être prêt à investir dans l’EPR au minimum 3,3 milliards d’euros alors que, selon Greenpeace, « la France n’en a pas besoin pour satisfaire sa consommation d’énergie ».
L’altermondialiste José Bové, Dominique Voynet (Verts) et Olivier Besancenot (LCR) ont exprimé leur opposition au projet. Ségolène Royal (PS) et François Bayrou (UDF) ont déploré l’absence de véritable débat sur le projet et souhaité une remise à plat de la réflexion, comme Nicolas Hulot qui souhaite un moratoire. En revanche, Nicolas Sarkozy a fait valoir que les seules énergies renouvelables ne sauraient remplacer le nucléaire. En France, l’énergie nucléaire assure 78% de la production d’électricité (en 2005), contre 16% dans le monde et 32% en Europe.
Selon l’Eurobaromètre 2007 qui mesure les humeurs des citoyens européens, 61% d’entre eux souhaitent que cette part diminue, et 59% des Français.
L’EPR, conçu pour une durée de vie minimale de 60 ans, est destiné à prendre le relais d’une bonne partie des 58 réacteurs actuels, dont la plupart ont été mis en service dans les années 1980. Il doit permettre de faire le lien avec la future gérénation (la quatrième) qui ne sera prête qu’à partir de 2030. Pour ses concepteurs - un consortium franco-allemand Siemens/Framatome-ANP (Areva) - l’EPR permettra une meilleure utilisation du combustible, une démultiplication des systèmes de sûreté et une moindre production de déchets, ce que contestent les anti-nucléaires qui y voient une technologie déjà obsolète.
Les partisans du nucléaire font aussi valoir son taux d’émission pratiquement nul de gaz à effet de serre (GES) à l’heure où l’UE s’engage dans la lutte contre changement climatique en se fixant une réduction de 20% de ses GES d’ici 2020. « Si l’on considère qu’un quart de l’humanité n’a pas accès à l’électricité, comment pourra-t-on à la fois augmenter la production d’énergie et réduire les émissions de CO2 (le dioxyde de carbone émis en quantité par les énergies fossiles, pétrole et charbon surtout) ? », interroge Bertrand Barré, professeur émérite à l’Institut des Sciences et techniques nucléaires et président du Conseil International des Sociétés Nucléaires.
Reste que « la part des énergies renouvelables a constamment baissé ces dernières années en France, alors qu’elle a augmenté dans les pays qui reposaient auparavant sur le fossile », note Gaétan Fauvet de l’Observatoire des énergies renouvelables. A l’inverse, « chez nos voisins européens, le chiffre d’affaires des renouvelables a atteint près de 40 mds d’euros en 2005 et double tous les trois ans », souligne Yannick Jadot, de Greenpeace.
Dans son édition datée du 15 mars, l’hebdomadaire Témoignage chrétien consacre un débat sur le futur réacteur nucléaire EPR.
PEUT-ON SE PASSER DE L’EPR ?
Deux candidats à la présidence expriment leur opinion.
Pour Dominique Voynet, sénatrice (Verts) de Seine-St-Denis : « L’EPR est une erreur de politique industrielle ».
En revanche, selon Nicolas Dupont-Aignan, député (ex-UMP) de l’Essonne, : « Le nucléaire rend possible le développement durable ».
Vous trouverez leurs deux contributions en format pdf.
Ségolène Royal rouvrirait le débat sur l’EPR, confirme « Sortir du nucléaire »
Associated Press - 15.03.2007 - Dans un courrier au réseau « Sortir du nucléaire » rendu public jeudi, Ségolène Royal confirme son intention de rouvrir le débat sur la construction du réacteur nucléaire EPR, qui est prévue à Flamanville (Manche), et promet une discussion « approfondie ». « La décision de lancer l’EPR a été prise par le gouvernement actuel dans des conditions d’analyse et de débat tout à fait contestables », déplore la candidate socialiste dans ce courrier. « J’engagerai donc ce débat » avec une discussion « approfondie non seulement sur l’EPR mais sur l’ensemble du dossier », ajoute-t-elle.
Le 22 février, Bruno Rebelle, son conseiller à l’environnement, avait déjà fait part de l’intention de Ségolène Royal de rouvrir le débat sur la construction de l’EPR pour mener un « débat transparent ». « A l’issue de ce débat, il y aura une décision claire, nette et précise sur la poursuite de la construction du réacteur », avait ajouté l’ancien leader de Greenpeace. Ce dossier « mérite quand même de ne pas être traité en catimini », avait estimé Ségolène Royal la veille devant quelques journalistes.
« Sortir du nucléaire », qui avait interpellé la candidate du PS à plusieurs reprises dans ses déplacements, salue cette position. Elle pose comme préalable « indispensable » à un débat un « moratoire suspensif des travaux en cours ». L’association rappelle qu’elle « préférerait une annulation pure et simple de la décision de construire l’EPR ».
« Sortir du nucléaire » organise samedi cinq manifestations simultanées à Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon et Toulouse avec le collectif « Stop-EPR » pour interpeller les candidats à l’Elysée. Le Parlement a donné en juin 2005 son feu vert à la construction par EDF d’ici 2012 à Flamanville (Manche) d’un prototype du réacteur à eau pressurisée (EPR) de troisième génération, afin de renouveler le parc nucléaire français vieillissant. AP
EPR : Ségolène Royal s’engage par écrit à rouvrir le débat
AFP - 15.03.07 - La candidate socialiste Ségolène Royal a confirmé jeudi, dans un courrier au réseau Sortir du nucléaire, qu’elle « engagerait le débat » sur l’ensemble du dossier énergétique et sur l’EPR, nouveau réacteur nucléaire dont la construction est prévue à Flamanville (Manche).
Dans une lettre datée de jeudi, « Mme Royal s’engage, si elle est élue, à ce que soit refait le débat sur la construction du réacteur nucléaire EPR », indique le Réseau Sortir du nucléaire (RSN, 765 associations revendiquées), co-organisateur de défilés anti-EPR samedi dans cinq villes de France. Selon le courrier transmis par le RSN, la candidate socialiste juge que « la décision de lancer l’EPR a été prise par le gouvernement actuel dans des conditions d’analyse et de débat tout à fait contestables ».
C’est pour Stéphane Lhomme, porte-parole du RSN, « un pas franchi et ce n’est pas anodin : jusqu’ici (la candidate) l’avait laissé entendre, pour la première fois elle l’écrit », a-t-il déclaré à l’AFP. « Au-delà l’EPR, Mme Royal s’engage à remettre à plat le débat énergétique devant l’Assemblée nationale », a expliqué de son côté son conseiller pour l’environnement, Bruno Rebelle, qui a énuméré trois axes de travail : « économies d’énergies et efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables et avenir du parc nucléaire ». « A partir de là nous déciderons quelle part accorder au nucléaire et si nous avons ou non besoin de l’EPR », a-t-il ajouté.
2007 - Royal confirme qu’elle rouvrira le débat sur l’EPR
Reuters - 15.03.07 - Ségolène Royal s’engage à rouvrir le débat sur l’EPR, dans une lettre rendue publique jeudi par le réseau « Sortir du nucléaire ». Sa pûblication a eu lieu deux jours avant une manifestation nationale contre la construction du réacteur nucléaire de troisième génération. « Je considère que la décision de lancer l’EPR a été prise par le gouvernement actuel dans des conditions d’analyse et de débat tout à fait contestables », écrit la candidate socialiste à l’élection présidentielle dans ce courrier, dont Reuters s’est procuré une copie.
« Je considère qu’on ne peut engager l’avenir énergétique de notre pays sans un débat approfondi non seulement sur l’EPR mais sur l’ensemble du dossier. J’engagerai donc ce débat », dit-elle. Ségolène Royal déplore l’absence d’une « étude d’impact » au Parlement et remarque qu’aucune « justification précise n’a été apportée non plus quant au choix géographique de Flamanville et à la nécessité qui en découle de construire 150 kms de lignes à très haute tension ». S’il aurait préféré « une annulation pure et simple », le réseau « considère avec intérêt la perspective d’un nouveau débat pluraliste et équilibré ».
L’organisation, qui regroupe plus de 700 associations écologistes, demande que la discussion publique soit précédée d’un moratoire suspensif sur les travaux en cours. Samedi, « Sortir du nucléaire » organise cinq manifestations simultanées à Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon et Toulouse pour « peser sur les candidats à la présidentielle ». Début février, le réseau avait demandé à tous les candidats leur position sur le nucléaire, précisant qu’il appellerait à ne pas voter pour ceux qui « ne se prononceront pas au moins pour l’annulation de l’EPR ».
Dans son « pacte présidentiel », Ségolène Royal ne se prononce ni sur le réacteur de nouvelle génération, dont les décrets de construction n’ont pas encore été publiés, ni sur la future part du nucléaire dans la consommation d’électricité en France. Lors d’un déplacement en Basse-Normandie, la région où doit être implanté le réacteur nucléaire, elle avait été interpellée par des manifestants écologistes qui réagissaient aux propos de son porte-parole, Arnaud Montebourg, selon qui la candidate s’acheminait vers un maintien de l’EPR. Elle a en revanche affiché à de maintes reprises son intention de « soutenir massivement » les énergies renouvelables afin qu’elles représentent 20% de la consommation en 2020, une part qu’elle espère porter « le plus rapidement possible » à 50%.
Dans son courrier au réseau « Sortir du nucléaire », elle se réjouit que l’objectif de 20% ait été repris par l’Union européenne la semaine dernière. Elle estime cependant que cela ne pourra pas se faire « dans le cadre actuel ». « Voilà pourquoi le débat sur l’énergie doit être remis globalement à plat pour que nos choix nationaux nous engagent collectivement », écrit celle qui se présente comme la future présidente de « l’excellence environnementale ».
Libération - vendredi 16 mars 2007
Les manifestants du 17 mars font fausse route : ce n’est pas du nucléaire qu’il faut sortir, mais du triptyque tout-fossile charbon-pétrole-gaz.
Contre l’effet de serre, le nucléaire
Par Francis Sorin directeur à la Société française d’énergie nucléaire (www.sfen.org http://www.sfen.org).
Les associations écologistes ayant appelé à manifester ce samedi pour « stopper l’EPR » (european pressurized reactor) et « sortir du nucléaire » se trompent de combat. La menace environnementale à laquelle la planète est confrontée n’est pas radioactive, elle est carbonée. Ce ne sont pas les becquerels qui assombrissent l’horizon, mais les gaz à effet de serre. Chaque molécule de CO2 rejetée dans l’atmosphère va y rester un siècle, « fabriquant » dès aujourd’hui le climat que connaîtront nos petits-enfants et arrière-petits-enfants. Pour conjurer cette menace qui risque de bouleverser les équilibres naturels de la biosphère et d’altérer notre environnement de façon irréversible, ce n’est pas du nucléaire qu’il faut « sortir », mais du tout-fossile.
C’est la prévalence du triptyque charbon-pétrole-gaz, fournisseur de 85 % de l’énergie mondiale et premier responsable de l’aggravation de l’effet de serre, qui doit être impérativement contrecarrée. En évitant le rejet de plus de 2 milliards de tonnes de CO2 par an (1), le nucléaire peut et doit jouer un rôle déterminant dans cette œuvre de salubrité climatique, au côté des énergies renouvelables qui ne sont pas, à elles seules, à la hauteur de l’enjeu.
En refusant de reconnaître au nucléaire sa capacité à diminuer l’effet de serre, les manifestants du 17 mars refusent une évidence. Comme si l’antinucléarisme sans nuance de leur discours s’était transformé au fil du temps en un dogme immuable, irréductible à tout aggiornamento. Cela les conduit à développer une argumentation qui n’apparaît guère crédible car fondée principalement sur une caricature et un voeu pieux :
La caricature, c’est celle qu’ils tracent de l’énergie nucléaire, portrait diabolisé en complet déphasage avec la réalité... comme si les enseignements tirés après quarante ans d’utilisation du nucléaire en France n’étaient d’aucun poids ! Tout indique pourtant que notre pays qui ne possède ni pétrole, ni gaz, ni charbon tire de réels avantages de l’utilisation du nucléaire. En produisant plus des trois quarts de l’électricité nationale, le nucléaire nous protège, dans ce secteur stratégique, des crises, des embargos, des « chocs de prix » risquant d’affecter les marchés internationaux des énergies fossiles. Il nous garantit une électricité à des coûts modérés et stables sur le long terme. Ses performances de sûreté sont remarquables, supérieures à celles des énergies fossiles. Il sait gérer ses déchets et ne rejette pas de CO2. Enfin, le nucléaire est une des rares industries de pointe où la France est leader mondial. Cela nous vaut des exportations de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros annuels, ce qui représente un poste bénéficiaire important de notre balance commerciale.
Sans nier les risques potentiels et les contraintes liés au nucléaire, il n’est pas correct, pour la pertinence du débat, d’occulter l’aspect positif du bilan. En les ignorant systématiquement, en diabolisant le nucléaire par des slogans caricaturaux, les manifestants du 17 mars font peut-être de la propagande efficace (de leur point de vue), mais en tout cas de la mauvaise information.
Le voeu pieux, c’est de fixer aux énergies renouvelables un objectif hors de leur portée en proclamant qu’elles pourront remplacer le nucléaire pour fournir à la France l’essentiel de son électricité. Aucune analyse sérieuse ne valide une telle hypothèse qui, en l’état actuel des technologies et en l’absence de grands sites hydrauliques susceptibles d’être aménagés, apparaît complètement illusoire.
Voilà pourquoi la construction à Flamanville d’un premier réacteur de nouvelle génération, l’EPR, apparaît pleinement justifiée. En plus de l’électricité qu’il produira, cet EPR permettra de tester le nouveau « produit », étape indispensable avant de lancer sa construction en série, vers 2015-2020, pour remplacer nos réacteurs les plus anciens. Ainsi pourra-t-on préparer dans les meilleures conditions l’avenir technique et industriel de notre parc nucléaire et garantir la continuité de notre approvisionnement en électricité... sans C02.
(1) Soit environ 10 % des rejets anthropiques mondiaux de CO2... et 20 % des tonnages qu’il faudrait économiser (selon le GIEC).
http://www.liberation.fr/rebonds/241232.FR.php
Politis - jeudi 15 mars 2007
Faire caler le nucléaire
L’heure est à la mobilisation pour les opposants aux cinquante-huit réacteurs nucléaires implantés dans l’Hexagone. Car la construction du dernier-né de la fratrie, le « réacteur à eau pressurisée » (EPR en anglais) de Flamanville, dans la Manche, est sur les rails. Bien décidé à stopper le projet, dont les travaux ont commencé en juillet 2006, le collectif Stop EPR (http://www.stop-epr.org ) organise une grande mobilisation nationale le 17 mars, à 14 h, dans les villes de Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon et Toulouse. « Cassons le verrou de l’EPR pour empêcher la relance du nucléaire en France », exhorte le collectif, qui en profite pour tordre le cou aux arguments distillés par les pro-nucléaire.
Ainsi, selon lui, la France n’a pas besoin d’un nouveau réacteur nucléaire : « Elle produit déjà davantage d’électricité qu’elle n’en consomme. Plus de 16 % de l’électricité, soit la production de dix réacteurs nucléaires, est exportée à perte à l’étranger. » Fustigeant l’absence de véritable consultation publique sur le projet, Stop EPR rappelle qu’« avant le débat public sur l’EPR, EDF avait déjà décidé de sa construction ». « Aussi dangereux que les réacteurs nucléaires actuels », l’EPR est sujet aux accidents. Il produit des déchets nucléaires et des rejets radioactifs, et reste vulnérable aux attentats. « Il n’y a toujours pas de solution à ces risques », insiste le collectif.
L’argument de la création d’emploi, carte maîtresse dans l’argumentaire des pro-EPR, est lui aussi démonté. Les 3,3 milliards d’euros que coûtera le réacteur « pourraient être utilisés pour produire autant d’électricité avec les énergies renouvelables et créer quinze fois plus d’emplois ». Autre dommage collatéral, le réacteur « va accaparer une grande part des investissements liés à l’énergie et tuera donc dans l’oeuf toute véritable politique de sobriété énergétique et de développement massif des énergies renouvelables ». Autant de bonnes raisons pour sortir les banderoles le 17 mars.
Collectif Stop EPR, 9, rue Dumenge, 69004 Lyon - contact sortirdunucleaire.fr
LE MONDE | 16.03.07
Portrait
Stéphane Lhomme, l’agité du nucléaire
Une boule d’énergie souriante. A 41 ans, le porte-parole du Réseau Sortir du nucléaire déploie, pour animer la lutte antinucléaire, la même fougue que celle dont il a usé sur les terrains, quand il était joueur de foot. « J’étais réputé pour entrer en fin de match et marquer les buts décisifs. Les entraîneurs se servaient de ça, ils me lâchaient sur la fin quand j’étais très énervé, je jouais comme un lion et je marquais un ou deux buts. »
Celui qui a « passé vingt ans à courir derrière un ballon » court maintenant derrière les atomes. Avec le même succès : le Réseau est sorti de l’anonymat, et les manifestations qu’il coorganise samedi 17 mars contre le projet de réacteur EPR à Rennes, Lille, Strasbourg, Toulouse et Lyon devraient rassembler plusieurs dizaines de milliers de personnes.
A nouveau, il joue sans haine : « Je n’ai jamais eu la volonté d’écraser mon adversaire. Ce qui m’intéressait, c’était de marquer le but. » Même s’il juge le nucléaire « effroyable » et redoute qu’un accident grave se produise, la figure la plus en vue des antinucléaires est un garçon heureux. Un mot qu’il emploie souvent, c’est « régaler » : quand il joue au football le dimanche matin, quand il travaille, quand il va faire des conférences - il se « régale ». Fini l’écolo à la triste figure : on se bagarre, mais on rigole.
Un de ses coups les plus marquants a été la diffusion par le Réseau d’un document « confidentiel défense », issu d’EDF, et montrant que l’EPR ne pourrait pas résister à la chute d’un avion de ligne. Impossible à démentir, la nouvelle a contribué à affaiblir le dossier du nouveau réacteur.
Quand il est entré dans la fédération, en 2000, celle-ci comptait 400 associations, et se cherchait. Stéphane Lhomme a insisté pour communiquer vers l’extérieur. Il a un sens inné des médias. Il est disponible 24 heures sur 24, toujours de bonne humeur, bien informé, souvent pertinent. Il fait une revue de presse quotidienne, envoyant une dizaine de messages par jour aux volontaires qui ne craignent pas d’être noyés sous l’information. Il produit un « scoop » par semaine, assaisonné des mots « explosif », « scandale », « révélation ». On se lasse, mais il arrive qu’une perle se glisse parmi les cailloux.
A force, les journalistes apprennent à citer le Réseau Sortir du nucléaire. Mais Stéphane Lhomme ne se fait pas d’illusions : « On doit peser un millième de Nicolas Hulot. » Sous-entendu : en poids médiatique. Parce que sur le plan militant, le Réseau n’est plus un nain. Il regroupe 750 associations, 8 salariés. A Cherbourg, en avril 2006, il réunit 30 000 manifestants. Il espère en rassembler 50 000 samedi.
Son père, Lionel, était professeur d’histoire-géographie, aujourd’hui à la retraite. Une vie militante, au PSU, puis au PS. La maison de Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) bruisse de politique, de discussions, de réunions. Mais Lionel Lhomme n’est pas du genre « à vouloir éliminer tel ou tel. Mon père aurait pu être conseiller général, député, mais il avait envie de réaliser des choses sur le terrain social ». Le PS conquiert la mairie en 1983, et le père, depuis, n’a plus lâché son écharpe tricolore. Fier de réaliser des maisons pour personnes âgées, pour jeunes en difficulté. Que lit le petit Lhomme, dans la bibliothèque familiale : Marx, Mitterrand, Jaurès ? Non. André Essel, Je voulais changer le monde. « Je l’ai lu quatre ou cinq fois. » Stéphane est comme papa, ou Essel, l’ancien trotskiste cofondateur de la FNAC : un idéaliste actif. Ce qu’il faut, c’est agir.
Agir, pendant longtemps, ce fut taper dans le ballon. Stéphane joue en troisième division - le niveau juste en dessous des professionnels -, mais se blesse au genou en 1993. Fin du football de haut niveau. Il est instituteur depuis 1991. « Je ne subissais pas la vie, mais j’étais un passager passif. » Et puis, en 1999, le déclic. Des amis le font rentrer à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), où il découvre « des amis merveilleux ». Il n’y reste qu’un an.
Mais Stéphane Lhomme a définitivement attrapé le virus militant. Pourquoi dans le nucléaire ? « J’ai été marqué tout petit par un reportage à la télévision. Je n’avais pas bien compris, et j’ai demandé à mon père de m’expliquer. Il m’a dit que, quand on avait fini d’utiliser le nucléaire, on ne savait pas quoi en faire et que c’était très dangereux. Cela m’a vraiment choqué. » Il fonde le Collectif des Girondins pour la sortie du nucléaire.
Quinze jours plus tard, en décembre 1999, la Gironde inonde la centrale du Blayais. On passe à côté de l’accident majeur. Stéphane fond sur l’événement, rebaptise son organisation Tchernoblaye, organise une manifestation. La même année, en 2000, on découvre que les enfants de son école présentent des taux de plomb importants. Cela est dû aux émanations de la décharge sur laquelle ils vivent. Les familles sont des gitans sédentarisés, locataires de la ville. Il les aide à obtenir un relogement. En 2002, il organise la résistance contre l’arrêté du maire de Bordeaux, Alain Juppé, visant les vagabonds du centre-ville. Un recours est lancé. Lhomme gagne.
Le nucléaire l’accapare. Il devient salarié du Réseau en 2002. L’ancien avant-centre n’a pas peur d’aller au charbon, et monte parfois des opérations surprises à la Greenpeace. Dernière en date, en 2006 : pour protester contre le fait que la justice ne poursuit pas la centrale du Blayais qui a fonctionné, au mépris de toutes les règles, sans arrêté d’autorisation des rejets pendant plusieurs mois, il occupe un échafaudage du Palais de justice. Un procureur monte et tente de faire passer un policier qui le suit. Lhomme ferme la trappe, le procureur se blesse à la jambe. D’où un procès, qui aura lieu le 21 mars, pour « résistance avec violence ».
L’individu est entier. Il ne connaît pas de gens « de l’autre côté » et ne leur parle pas. Au sein du mouvement, on applaudit son énergie, mais avec réserve : « Il a un talent d’activiste, mais il est faible sur le plan technique, dit Antoine Bonduelle. Il faut pourtant savoir répondre aux ingénieurs du corps des Mines. » « Il a une énergie peu commune et il a beaucoup apporté au Réseau, dit Corine François, une de ses fondatrices. Mais son énergie le lance sur toutes les pistes à la fois, qu’il a du mal à suivre. Il faut que le Réseau ait une réflexion plus stratégique des choix à faire. »
Stéphane Lhomme accepte les critiques. « Je ne suis pas un chef, je suis au service des groupes locaux. Ma parole ne porte que parce que je suis porté par le Réseau. » Et il prend garde à ne pas surestimer son rôle : « La communication, c’est une cerise sur le gâteau. Si on enlève le gâteau... »
Hervé Kempf