“Les valeurs de l’UE et les droits fondamentaux doivent être respectés par les États membres et les autorités publiques. C’est pourquoi six demandes de jumelage impliquant des municipalités polonaises qui avaient adopté des ‘zones sans LGBTI’ ou des motions [de défense] des ‘droits des familles’ ont été rejetées”, a informé sur Twitter le 28 juillet dernier Helena Dalli, commissaire européenne à l’Égalité.
EU values and fundamental rights must be respected by Member States and state authorities.
This is why 6 town twinning applications invilving Polish authorities that adopted 'LGBTI free zones' or 'family rights' resolutions were rejected.#LGBTI #UnionOfEquality
— Helena Dalli (@helenadalli) July 28, 2020
D’après le quotidien d’opposition Gazeta Wyborcza, c’est le signe que “l’UE commence à sanctionner les violations des droits fondamentaux par ses membres”. Certes, à ce stade, les sommes en jeu sont faibles. “Le programme ‘L’Europe pour les citoyens’ peut fournir jusqu’à 25 000 euros à deux villes jumelles pour organiser des rencontres, des débats sur l’avenir de l’UE, ou bien pour lutter contre les stéréotypes”, note le journal.
Mais cette décision pourrait ouvrir la voie à des sanctions de plus grande ampleur : “Puisque la Commission a admis que les résolutions par lesquelles des collectivités locales se déclaraient ‘zones sans LGBT’ suffisent à couper le robinet des subventions, pourquoi ne pas suivre une approche similaire dans l’examen de demandes de cofinancement plus importantes ?”
Ces résolutions controversées ont commencé à apparaître en 2018 en réaction à l’adoption par la municipalité libérale de Varsovie d’une charte LGBT. Bien que destinée à lutter contre la discrimination des minorités sexuelles, notamment au moyen de cours d’éducation sexuelle, elle a été accusée par les milieux conservateurs de contribuer à la sexualisation des enfants. Ainsi, selon le site de Radio Maryja, les communes qui se sont étiquetées “sans idéologie LGBT” ont “plus d’une fois insisté sur le fait que leur but n’est pas de discriminer les personnes homosexuelles, mais de s’opposer aux revendications de l’idéologie LGBT, comme la légalisation des unions civiles, le mariage pour tous et la possibilité d’adopter des enfants”.
Des tribunaux polonais avaient déjà condamné ces résolutions
L’hebdomadaire de gauche Polityka considère lui aussi que “la décision de la Commission constitue un précédent dans l’interprétation des résolutions sur les ‘zones sans idéologie LGBT’ et les ‘chartes des familles’ visant les minorités sexuelles”. Et elle vient contredire les autorités polonaises qui “avaient pour habitude de les présenter comme des produits de la liberté d’expression qui n’entraîneraient aucune action discriminante pouvant affecter la gestion des subventions”.
Or la décision de la Commission montre que celle-ci “a décidé de ne pas attendre l’évaluation des dossiers à la fin de leur réalisation, mais a considéré d’avance que de telles résolutions rendaient irrecevables les dossiers des collectivités concernées.”
“À Bruxelles, on dit d’ailleurs que cette ‘position ferme’ ne fait pas consensus au sein de la Commission, note encore le magazine. D’un autre côté, elle est conforme aux jugements déjà rendus en Pologne par deux tribunaux administratifs qui ont annulé de telles résolutions.”
Gazeta Wyborcza rappelle enfin que le plan budgétaire récemment adopté par le Conseil européen introduit “la possibilité de geler le versement des fonds aux pays qui violent les valeurs européennes, y compris le principe de non-discrimination des minorités”.
Romain Su
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