Pour manifester son soutien, la population s’est mise mardi à acheter en masse le quotidien du magnat de la presse, l’« Apple Daily », ouvertement critique envers Pékin, et l’action de son groupe est en hausse de près de 800 %.
Le magnat des médias hongkongais Jimmy Lai, arrêté lundi 10 lors d’une opération de police au nom d’une loi sécuritaire imposée par la Chine, a été libéré mardi 11 août au soir. M. Lai, dont le tabloïd prodémocratie Apple Daily est très populaire à Hongkong, est ressorti libre d’un commissariat de police vers minuit (16 heures GMT), au milieu d’une foule de partisans qui ont salué sa victoire, a constaté un journaliste de l’AFP.
Les habitants de Hongkong ont été nombreux à lui témoigner leur soutien. Depuis mardi matin, la population achète en masse les exemplaires du quotidien Apple Daily et l’action de son groupe de presse, Next digital, est en hausse de près de 800 %.
« Comme le gouvernement ne veut pas que l’Apple Daily survive, nous autres, Hongkongais, devons le sauver nous-mêmes », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un restaurateur du quartier populaire de Mongkok qui en a acheté une cinquantaine de copies, en expliquant qu’il comptait les distribuer gratuitement à ses clients.
Le journal avait anticipé cette demande en tirant exceptionnellement à 550 000 exemplaires, contre 70 000 en temps normal. « Nous nous battrons », proclame en « une » l’édition de mardi, une promesse écrite en rouge vif sur une photo pleine page de Jimmy Lai conduit par les policiers dans la salle de rédaction du journal.
Coup de filet contre la mouvance prodémocratie
« La police combat désormais de façon ouverte la liberté de la presse. Je suis très en colère », dénonce une femme de Mongkok, qui a acheté 16 exemplaires du journal. Signe de l’inquiétude ambiante face à la nouvelle loi sur la sécurité nationale, de moins en moins de Hongkongais acceptent de témoigner sous leur identité.
Autre marque de solidarité avec Jimmy Lai, l’action de son groupe de presse, Next Digital (qui compte notamment l’Apple Daily et le magazine Next), était mardi en hausse de 788 %. Le cours de l’action du groupe a été multiplié par neuf depuis l’arrestation de son patron, lundi, passant de 0,09 dollar hongkongais à 0,80 (environ 10 centimes d’euro).
Jimmy Lai fait partie des dix personnes qui ont été interpellées, lundi 10, lors d’une vaste opération contre la mouvance prodémocratie. Deux de ses fils ont aussi été arrêtés, de même que la militante prodémocratie Agnes Chow et Wilson Li, un ancien activiste se présentant comme un pigiste travaillant pour la chaîne britannique ITV News.
Agnes Chow, 23 ans, issue d’une génération de militants qui a fait ses armes en politique dès l’adolescence, a elle aussi été libérée sous caution. « Je demande instamment aux autorités de cesser ces poursuites politiques ridicules », a-t-elle déclaré à la presse mardi 11, juste après sa libération sous caution.
Pékin a salué l’arrestation du magnat de 71 ans pour collusion avec des forces étrangères et fraude et présenté comme « un fauteur de troubles antichinois » qui a conspiré avec les étrangers pour « provoquer le chaos ».
Atteintes « sans précédent » à la liberté de la presse
Considérée comme une réponse musclée de Pékin aux mois de manifestation en faveur de la démocratie qui avaient ébranlé Hongkong en 2019, la loi sur la sécurité nationale imposée le 30 juin donne aux autorités locales de nouveaux pouvoirs pour réprimer quatre types de crimes contre la sécurité de l’Etat : la subversion, le séparatisme, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieures.
Les arrestations et la perquisition ont été condamnées comme des atteintes « sans précédent » à la liberté de la presse, dont Hongkong était naguère une place forte, des atteintes qui étaient inimaginables il y a quelques mois. Nombre de militants pour la démocratie dénoncent un texte liberticide qui vient en finir, selon eux, avec le principe « Un pays, deux systèmes » établi lors de la rétrocession en 1997 et qui garantissait jusqu’en 2047 aux Hongkongais des libertés inconnues dans le reste de la Chine. Ils s’inquiètent, en outre, du fait que Pékin utilise des lois similaires pour museler la contestation, ailleurs sur son territoire.
Plusieurs dirigeants étrangers ont fait part de leur préoccupation quant à ce nouveau coup de filet, parmi lesquels le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, que Jimmy Lai avait rencontré l’année dernière, et qui a vu dans son arrestation une « preuve supplémentaire que le Parti communiste chinois a éviscéré les libertés de Hongkong et les droits de son peuple ».
Lundi, Pékin a également annoncé des sanctions à l’encontre de 11 responsables américains, dont les sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz, en représailles à des mesures similaires prises vendredi par Washington contre des responsables chinois accusés de saper l’autonomie de Hongkong, dont la chef de l’exécutif hongkongais Carrie Lam.