Les chauffeurs californiens d’Uber et de Lyft doivent être salariés, a confirmé lundi un juge de San Francisco. Une nouvelle défaite dans la bataille judiciaire qui oppose les deux géants des VTC aux États-Unis à l’État californien, qui, depuis mai, les accuse de contrevenir à la nouvelle loi californienne sur les travailleurs précaires, rapporte le Wall Street Journal.
Cette loi, dénommée AB5, entrée en vigueur le 1er janvier, est “la plus stricte du genre aux États-Unis”, rappelle le Guardian, et empêche “les entreprises de classer les travailleurs comme entrepreneurs indépendants au lieu d’employés qui ont droit au salaire minimum et aux avantages sociaux”.
La Californie est aussi le plus gros marché américain pour les compagnies de VTC et l’État où les deux compagnies sont nées et ont leur siège. Lyft y revendique 325 000 chauffeurs, contre plus de 200 000 pour Uber, selon le Wall Street Journal.
Un délai de dix jours
Ce procès et l’injonction de lundi “sont les défis les plus importants à ce jour pour le modèle économique des entreprises de VTC”, poursuit le Guardian. Le juge a accordé un délai de dix jours aux deux entreprises, retardant l’exécution de son ordonnance pour leur permettre de faire appel. Ce qu’elles ont l’intention de faire. “Nos élus feraient mieux de se concentrer sur la création d’emploi plutôt que de tenter de faire couler toute une industrie en pleine dépression économique”, a déclaré Davis White pour Uber, rapporte le Washington Post.
Les entreprises de VTC jouent d’autant plus la montre qu’elles espèrent qu’en novembre, les électeurs californiens prouveront “une mesure visant à exempter les travailleurs dépendant d’applications de la loi” sur les travailleurs précaires, explique le Financial Times.
Campagne à 100 millions de dollars
Ainsi, en faisant appel, l’injonction pourrait être prolongée au-delà des dix jours, poursuit le quotidien économique, “ce qui pourrait signifier que l’affaire ne sera pas close avant le vote de novembre”. D’ailleurs, Uber, Lyft et d’autres entreprises du secteur ont déjà dépensé plus de 100 millions de dollars pour faire campagne pour l’exemption, ce qui n’a guère plu au juge.
Mais les entreprises de VTC estiment qu’elles ont suffisamment fait d’efforts. “Une large majorité de conducteurs veulent travailler de manière indépendante et nous avons déjà apporté d’importantes modifications à notre application pour nous conformer à la loi californienne”, avance le porte-parole d’Uber. “Les chauffeurs ne veulent pas être des employés, point final”, ajoute Julie Wood pour Lyft. “En fin de compte, nous pensons que cette question sera tranchée par les électeurs californiens et qu’ils se rangeront du côté des conducteurs.”
Le coût du chômage des indépendants
Avec la crise sanitaire et la chute concomitante des courses de VTC, les conducteurs indépendants d’Uber et Lyft n’ont pas eu droit aux indemnisations. Les entreprises de VTC n’ayant pas cotisé à la caisse d’assurance-chômage californienne, la Californie a rapidement épuisé les fonds d’indemnisation pour la vague sans précédent de pertes d’emplois due à la pandémie, ce qui a conduit l’État à emprunter des milliards de dollars au gouvernement fédéral, explique le Guardian.
Les compagnies de transport ont elles aussi eu à subir les conséquences de la crise. “Uber a annoncé la semaine dernière avoir perdu 1,78 milliard de dollars au cours des trois derniers mois, des millions de personnes étant restées chez elles pendant la pandémie.”
Pour Veena Dubal, professeur de droit à l’université Hastings en Californie et spécialiste de la gig economy (l’économie des petits boulots payés à la tâche) citée par le Guardian, cette décision est tout simplement “énorme” :
“La justice n’a jamais été aussi près de faire respecter le droit du travail dans la gig economy.”
Courrier International
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