Après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 9 août, donnant 80 % des voix au président sortant Alexandre Loukachenko, le mouvement de contestation est monté en puissance, notamment grâce à la mobilisation des ouvriers des grandes usines d’État. L’ébullition populaire est ensuite un peu retombée dans le pays, mais un regain de vitalité est sans doute à prévoir ce week-end.
Pendant ce temps, du côté du politique, les deux camps fourbissent leurs armes. Le Comité de coordination pour “un transfert pacifique du pouvoir” mis en place par la candidate d’opposition exilée actuellement en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, et qui compte aujourd’hui quelque 70 membres, a commencé à travailler, tandis que, de son côté, Alexandre Loukachenko a également repris ses esprits après avoir été chahuté par de nombreux grévistes des usines.
Le mandat de Loukachenko expire le 5 novembre
Le Comité de coordination exige une nouvelle élection présidentielle et la libération des détenus politiques. L’Union européenne n’ayant pas reconnu la validité de la réélection d’Alexandre Loukachenko, l’opposition se prépare à des négociations avec le pouvoir qui devront d’une manière ou d’une autre avoir lieu d’ici au 5 novembre, date à laquelle le mandat du président expire.
“Le Comité de coordination estime que le seul moyen de surmonter la crise politique est de lancer sans tarder des négociations, mettre en place des mécanismes pour restaurer la légalité et organiser une nouvelle élection. Le refus du dialogue rend le pouvoir en exercice responsable de la dégradation de la situation politique et économique du pays”, peut-on lire dans la première résolution du Comité, citée par le quotidien russe Kommersant.
De son côté, non content de refuser toute négociation qui établirait de fait la légitimité du Comité, Alexandre Loukachenko a mis à exécution les menaces qu’il avait proférées contre lui, en l’attaquant en justice le 20 août pour les chefs d’accusation de “tentative de prise du pouvoir” et “atteinte à la sûreté de l’État”.
Olga Kovalkova, membre du præsidium du Comité de coordination, a estimé que cette décision constituait une “pression sur des citoyens pacifiques, qui agissent strictement dans le cadre de la loi, par des méthodes non violentes”. “Nous n’avons pas pour but de changer de régime constitutionnel”, explique-t-elle, avant d’annoncer par ailleurs que les poursuites judiciaires contre les membres du Comité ne la pousseraient pas à quitter le pays.
Idem pour Pavel Latouchko, directeur de théâtre à Minsk et également membre du præsidium du Comité. En revanche, Anna Severinets, membre de base du Comité, vient de faire défection, justifiant son départ par un “désaccord sur la stratégie du Comité et la peur de la torture en cas d’arrestation”, selon l’agence de presse Ria-Novosti citée par Kommersant.
La Russie, premier marché de la Biélorussie
Le Comité de coordination a par ailleurs fait des déclarations qui auraient dû rassurer Minsk, notamment concernant les relations qu’il souhaite pour la Biélorussie avec l’étranger. En effet, comme le rapporte le site d’information russe Gazeta.ru, pour la première fois, le 20 août, le Conseil de coordination a déclaré que la Russie demeurait un “partenaire stratégique” pour la Biélorussie, et qu’il souhaitait entretenir avec Moscou des relations “bonnes et pragmatiques”.
Auparavant, Pavel Latouchko avait rejeté l’accusation selon laquelle le programme du Conseil prévoyait la rupture ou même la réduction des relations avec la Russie. Il avait déclaré :
“Celui qui proposerait de construire un mur entre la Russie et la Biélorussie serait le dernier homme politique du pays. La Russie est notre premier marché d’exportation, il représente 50 % de la production biélorusse.”
Ces déclarations n’empêchent pas l’opposition de souhaiter de bonnes relations avec l’Union européenne, parce que la Biélorussie “fait partie de la civilisation européenne”, et que l’Europe est “notre deuxième marché”.
Comme le rapporte l’agence de presse Ria-Novosti, le candidat refusé à l’élection présidentielle biélorusse du 9 août Valéri Tsepkalo – homme politique et homme d’affaires connu en Biélorussie, qui a quitté son pays depuis la fin juillet – a déclaré, depuis la Pologne où il se trouve depuis deux jours, qu’il allait œuvrer à “convaincre la communauté mondiale” de reconnaître Svetlana Tikhanovskaïa comme présidente de la Biélorussie. Ce que l’Union européenne rechigne à faire pour l’heure.
“Il faut la reconnaître envers et contre tout”, a-t-il déclaré en conférence de presse, quitte à ce que la Biélorusse connaisse la situation du Venezuela quand l’Occident a reconnu Juan Guaidó face à Maduro.
Laurence Habay
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