• EADS a annoncé la fermeture ou la vente d’usines et veut supprimer 10 000 emplois en Europe. Ces annonces vous ont-elles surpris ?
Werner - En interne, la direction avait fait des simulations depuis des mois. Au comité d’entreprise, avec l’IG Metall, nous étions au courant. Mais, pour le personnel, ce fut une surprise, car personne n’y croyait vraiment. À quelles conditions et à qui doivent être vendues les usines ? Quels postes doivent être supprimés ? Avec la réduction des frais généraux, comment doit être organisé le travail ? En tout état de cause, nous refuserons une intensification du travail.
• Quelles sont les raisons officielles avancées pour justifier ces plans ?
Andréas - Après des années de profits énormes, Airbus a présenté un bilan négatif en 2006, dû aux retards de l’A380. Par ailleurs, l’A350 et le développement de nouveaux « petits » avions nécessitent de gros investissements. La faiblesse du dollar est mise en avant pour expliquer le manque de compétitivité face à Boeing. La raison principale de ces plans est la dégradation des profits et de la trésorerie. L’entreprise a, ces dernières années, engrangé d’énormes profits et veut nous faire payer ses pertes. Les mesures annoncées pour remédier aux retards ne régleront rien. Il faut améliorer les processus de fabrication, et n’est pas possible sans faire appel au savoir-faire de tous.
• Comment le personnel a-t-il réagi à ces attaques ?
Werner - Sur les sites de Varel et de Nordenham, le travail a cessé spontanément pendant plusieurs jours. Les salariés sont en colère et désespérés de voir leur site, vieux de 50 ans, promis à un avenir incertain. La solidarité avec les grévistes a pu être mesurée à la quantité d’aide matérielle aux piquets de grève. Le 16 mars, les travailleurs des entreprises voisines, et même des lycéens, sont venus en nombre.
• EADS est l’un des rares groupes doté d’une direction multinationale où la division du travail est peu hiérarchisée entre les différents pays. Ce sont de bonnes conditions pour une lutte européenne. Quels sont les obstacles à une contre-offensive européenne des syndicats ?
Andréas - Les plans actuels sont ressentis comme une gifle par tous. Cependant, le processus d’intégration des personnels au niveau européen n’est pas encore réalisé. Il y a beaucoup trop peu de relations personnelles entre nous, et le danger que représente la recherche d’une « solution » nationale est toujours là. On peut se demander comment une lutte de longue haleine est possible si elle reste l’affaire des seuls états-majors syndicaux, qui décident du calendrier et des initiatives. Le minimum devrait être que les salariés de Brême et de Hambourg ne laissent tomber ni les salariés de Nordenham, Varel et Laupheim, ni ceux de Méaulte, Saint-Nazaire, etc. Notre mot d’ordre est : « Si l’un d’entre nous est attaqué, nous le sommes tous. » Nous pensons qu’une lutte internationale ne peut vivre que si on se sent impliqué. Il faut donc, pour que la perspective d’une action commune de longue durée prenne sens, que les collègues apprennent à se connaître et, pour ce faire, participent aux actions de l’autre côté de la frontière.
• Le 16 mars, c’était la journée européenne d’action. Quels en sont les résultats et quelles sont les suites à en donner ?
Werner - Le 16 fut un bon début - ici, à Hambourg, 25 000 personnes y ont participé -, mais la coopération européenne doit être considérablement améliorée. Un signal fort aurait été la prise de parole d’un collègue français à Hambourg, et vice versa en France, même si c’est déjà un succès que nos collègues allemands présents à Toulouse aient participé à la manifestation avec les Français. Maintenant, il va y avoir des négociations entre le comité central d’entreprise européen et la direction. L’IG Metall est prête à présenter un contre-projet. Dès que les mesures concrètes seront connues, on planifiera d’autres actions.