Crédit Photo. Magda Fyssas, mère du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas tué par les nazis en 2013. Eurokinissi/Stelios Missinas
Les deux principaux verdicts sont les suivants :
– Chryssi Avgi (Aube dorée) est bien une organisation criminelle, qui s’est servi de l’appellation de parti politique pour perpétrer ses forfaits. Et donc sont jugés coupables de direction d’une organisation criminelle les sept dirigeants du groupe, dont le führer Michaloliakos, et ses lieutenants comme les cogneurs en chef Kassidiaris, célèbre pour sa crois gammée tatouée sur le bras ou le toujours eurodéputé Lagos, ces deux derniers ayant d’ailleurs depuis peu courageusement quitté la maison mère pour ouvrir chacun leur petite boutique qu’ils voudraient faire croire plus respectable ! Au total, une vingtaine de cadres (tous les anciens députés !) sont ainsi jugés coupables de direction et participation au groupe criminel.
– Pour le meurtre du rappeur Pavlos Fyssas, sont jugés coupables non seulement le tueur Roupakias mais aussi les 13 autres complices, ce qui revient à dire à quel point le meurtre avait été prémédité. Sont aussi jugés coupables de tentative de meurtre sur des pécheurs immigrés dans la banlieue d’Athènes cinq nazis, alors que dans le cas de l’agression contre les syndicalistes de PAME, l’accusation de tentative de meurtre a été atténuée en coups et blessures, dont les nazis sont jugés coupables.
Mobilisation massive
La question qu’on pourrait se poser, c’est ce qui se serait passé si le jugement avait épargné les dirigeants de Chryssi Avgi (Aube dorée) : toute la matinée, des dizaines de milliers (peut-être 30 000 ?) de manifestantEs de tout âge, mais avec une immense majorité de jeunes, se sont rassemblés autour du tribunal, dans l’attente d’un jugement qui risquait soit d’innocenter la direction nazie (avis de la procureure) soit de déboucher sur une sentence à mi-chemin, vu les liens historiques entre droite et extrême droite grecques. À coup sûr, la colère populaire aurait été immédiate : l’atmosphère de ce rassemblement rappelait le 1er mai 2002 en France, après la qualification du fasciste Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, de par sa gravité et sa résolution.
Toute la gauche militante était présente, avec de gros blocs de la gauche anticapitaliste, de l’association antifasciste Kerfaa et du mouvement antiraciste en général, un impressionnant cortège de PAME, courant syndical du KKE (PC grec), et la fédération du secteur public ADEDY avait appelé à un arrêt de travail. Mais comme ce fameux 1er mai, la foule était si compacte (mais masquée !) qu’il était difficile de rejoindre son cortège syndical ou politique, alors qu’on pouvait tomber sur sa voisine de palier ou son dentiste, venus exprimer leur volonté que les nazis soient condamnés pour ce qu’ils sont : une bande d’assassins !
On peut imaginer l’intensité du cri de joie et la force des applaudissements quand vers midi a enfin été rendu le jugement, après plus de cinq ans de procès.
Une bande de tueurs racistes
Ce jugement est à l’évidence une victoire historique pour le mouvement antifasciste, qui mène depuis des années un combat incessant et a empêché très souvent l’apparition publique des tueurs de Chryssi Avgi. C’est une victoire indéniable des avocatEs des victimes, qui ont toutes ces années mené une bataille systématique pour faire apparaître les nazis pour ce qu’ils sont : une bande de tueurs racistes fonctionnant de manière extrêmement centralisée.
L’image qui ressort déjà des instants suivant la sentence, c’est la magnifique figure de Magda Fyssa, mère de Pavlos, qui a dédié cette victoire à son fils, dont on n’oubliera pas le rap antifasciste. Et c’est indéniablement un grand moment dans l’histoire de l’antifascisme en Grèce, et justice est ainsi rendue pour les victimes pour lesquelles a eu lieu le procès, mais aussi pour toutes les innombrables victimes des exactions des nazis, travailleurs immigrés dans les campagnes ou victime de meurtre raciste comme Sahzat Loukman assassiné en 2013. Mais les mobilisations antifascistes, on le sait, doivent continuer, surtout dans un pays où hier encore, le porte-parole du gouvernement osait ressortir le plat refroidi des « deux extrêmes ». Et d’ailleurs, pour nous rappeler que ce combat ne s’est jamais arrêté un seul instant, les flics ont osé, dès l’annonce du jugement, balancer des lacrymos et user des canons à eau contre la foule antifasciste ! Bon rappel : en dehors des peines de prison qu’on attend désormais pour toute la clique nazie, il faudra peut être exiger un examen approfondi des liens existant entre police et fascistes, car on se souvient que dans les bureaux où votent les policiers, les scores de Chryssi Avgi montaient en flèche… Et plus globalement, il est urgent de renforcer le combat antiraciste et anticapitaliste : si les nazis ont pu développer leur sale influence, c’est avant tout parce qu’une partie du patronat les trouvait fort utiles pour attaquer les immigréEs, les jeunes et les travailleurEs.
A. Sartzekis
• Publié le Mercredi 7 octobre 2020 à 15h02 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/verdict-historique-en-grece-condamnation-des-assassins-nazis-daube-doree
Demain 7 octobre : jugement des nazis d’Aube dorée
Mercredi 7 octobre est déjà une date historique en Grèce : demain sera rendu le jugement à l’issue des longues années du procès du groupe d’assassins nazis Chryssi Avgi (Aube dorée). L’enjeu est considérable : la condamnation des 68 inculpée-e-s serait un frein aux agressions racistes et fascistes que continuent de commettre les petites frappes encore membres du groupe ou en tout cas restant persuadés qu’ils peuvent agir quasiment en toute impunité. On le constate par exemple sur l’ile de Lesbos, où les nazis ont réussi à monter des petits groupes visant à terroriser les réfugié-e-s et les militant-e-s solidaires sans que la police n’intervienne. Une condamnation du groupe comme groupe criminel serait donc une phase importante pour freiner le terrorisme d’extrême droite mais aussi pour faire peser dans la situation politique les liens anciens et actuels entre droite et fascistes en Grèce. Rien n’est donc sûr pour le jugement de demain, surtout si on se rappelle que la procureure a osé cet automne indiquer que seul le tueur du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas était un criminel, les autres, notamment toute la clique de la direction nazie, devant être innocentés !
On reviendra bien sûr au plus vite sur la décision qui sera délivrée demain, mais d’ores et déjà, on doit souligner 3 choses :
– le procès est riche d’enseignements : malgré toutes les manœuvres des inculpé-e-s, les avocats des victimes (Pavlos Fyssas, des syndicalistes, des travailleurs étrangers...) ont démonté implacablement le caractère politique des crimes commis par une organisation hiérarchisée autour du petit führer Michaloliakos.
– le mouvement anti-fasciste sous ses différentes formes a été un acteur clé de ce procès, autour de la figure émouvante et impressionnante de résolution de Magda Fyssa, mère de Pavlos, présente à toutes les séances du procès – et injuriée en son sein par les hyènes nazis. Ces derniers jours, la mobilisation s’est développée autour du mot d’ordre « Ils ne sont pas innocents, c’est une organisation criminelle, Chryssi Avgi en prison ! ». Manifs, pétitions, appels comme celui adopté par le conseil municipal d’Athènes à l’initiative des élu-e-s anticapitalistes. Demain, ce sont des milliers de manifestant-e-s qui sont attendus autour du tribunal, toute la gauche anticapitaliste et réformiste y appelle (et même le Pasok !).
– la condamnation attendue serait une victoire dans la lutte contre le fascisme multiforme en Grèce et en Europe, il ne signifierait pas pour autant la fin de cette menace : comme le rappelle le militant antifasciste Dimitris Kousouris, laissé pour mort par Chryssi Avgi en 1998, ce groupe a bénéficié de l’impunité parce qu’il était une pièce du mécanisme d’état visant à dévoyer les colères populaires sur fond d’impuissance de la gauche. Son idéologie et ses pratiques restent ancrées dans les institutions et la société et donc, quel que soit le jugement, la bataille anti-fasciste doit continuer.
Des centaines de collèges et lycées occupés
Une autre mobilisation se développe depuis une dizaine de jours : refusant d’être comme ils disent « sardinisés » dans des salles de classe trop petites, des milliers de lycéen-ne-s et collégien-ne-s ont entamé une mobilisation pour obtenir l’ouverture de salles et le recrutement de professeurs, ce que refuse avec acharnement la très réactionnaire ministre de l’Education Niki Kerameos, dont la ligne de conduite se rapproche de celle de Blanquer… en pire : ainsi, cas unique peut-être au monde en pleine pandémie, la limite du nombre d’élèves par classe vient d’être augmentée de 2 élèves et pour le primaire et pour le secondaire ! Ses cadeaux à l’enseignement privé dans une loi passée cet été sont accablants, privant les personnels de leurs droits, pendant que les propriétaires de grosses boites privées reconnaissent sans vergogne financer le parti de la droite au pouvoir. L’école publique est vue comme une dépense inutile et l’enseignement comme l’apprentissage de compétences minimum réclamées par le patronat. Avec une telle conception, le mépris de la ministre se traduit en acte vis à vis de la protection face au virus. Alors qu’il était annoncé que les élèves se verraient fournir les masques de protection, la commande publique passée par le ministère a débouché sur un résultat confondant de ridicule et d’incompétence, avec des masques bien trop grands et couvrant tout le visage ! Une seconde commande a d’ailleurs encore viré au naufrage.
Mais au-delà de la vague de blagues autour des masques gigantesques, les élèves pas dupes ont très vite réclamé des conditions d ’études conformes à la situation sanitaire : alors que les contaminations progressent très fortement ces derniers temps, ils refusent d’être entassés dans des salles trop petites (dans les villes, on trouve souvent des classes à 27 ou plus, dans des salles assez étroites), et ils réclament des cours à 15 maxi, avec le soutien des enseignants et d’une grande partie des familles, et bien sûr le recrutement de professeurs, sachant qu’il en manque des dizaines de milliers. Se heurtant à un refus total de la ministre, les élèves mobilisés ont manifesté à plusieurs reprises (jeudi dernier, des milliers dans les rues d’Athènes) et ont renoué avec une forme connue en Grèce : l’occupation des établissements. En ce début de semaine, il semble que les occupations se chiffrent à environ 700 établissements !
Face à cette situation, le pouvoir emploie les grands moyens : envoi de la police, formation de petits groupes de parents « en colère » réclamant la « liberté du travail ». Et toute une batterie de menaces contre les élèves, telle la non validation de l’année en cours, enseignement à distance pour les seuls élèves refusant l’occupation de leur établissement, avec consignes pour que les enseignants donnent les noms des rebelles. Sans oublier une campagne de presse de la part des grands médias dont on rappelle qu’ils ont été grassement financés par le pouvoir : les élèves mobilisés sont traités de voyous, le mouvement serait manipulé par des partis politiques (de gauche, ouf !), les élèves seraient contre les masques (toutes les images de manifs montrent le contraire !) et le coronavirus est facilité par les occupations (pas par l’étroitesse des salles de cours !) : un vrai festival de haine anti-jeunes.
La situation est très tendue, et si la solidarité est tout à fait nécessaire, la suite dépendra avant tout des formes de mobilisation et d’organisation dont se doteront les élèves. Des arrêts de travail ont eu lieu dans l’Education nationale et dans la fonction publique, mais il faut aller au-delà, en prenant la mesure de l’enjeu : alors que les perspectives que voudrait imposer le pouvoir, c’est de réduire une grande partie de la jeunesse au minimum éducatif, en resserrant au maximum les dépenses pour l’éducation publique, les revendications des jeunes pour le droit à une éducation de qualité – ce qui supposera peut-être de réclamer bientôt la démission de la ministre – sont porteuses d’espoir, aidons-les à gagner cette lutte !
• Publié le Mardi 6 octobre 2020 à 15h02 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/mobilisations-de-la-jeunesse-et-mobilisations-antifascistes-en-grece