Le secteur des télécommunications est le service public qui a été le premier soumis à la concurrence et à la privatisation. Jusqu’aux années 1980, les télécommunications de la plupart des pays étaient un service public national bénéficiant d’un monopole de droit dans le cadre d’une administration des PTT. En France, cela a permis l’accès au téléphone sur tout le territoire et pour toute la population à des tarifs inférieurs aux coûts. L’évolution technologique à été perçue par les marchés financiers comme un enjeu et une opportunité dès les années 1980. La politique de dérégulation, en Europe, a été relayée par Margaret Thatcher et, depuis, la course à la dérégulation visant à la mise en concurrence systématique des opérateurs nationaux est engagée.
En France, le véritable virage politique est enclenché sous le gouvernement Rocard qui, au nom de la « modernisation du service public », commence une « déréglementation maîtrisée ». Il en résulte deux grandes lois adoptées en 1990. La première met fin à l’administration unitaire des PTT et crée deux établissements publics autonomes, La Poste et France Télécom. La seconde réduit le monopole de France Télécom à la téléphonie fixe et aux cabines téléphoniques, ouvrant les autres services et réseaux à la concurrence. Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, vont amplifier et accélérer le processus pour arriver à la privatisation totale de France Télécom : en 1996, le gouvernement Juppé supprime tout monopole des télécommunications et transforme France Télécom en société anonyme de droit privé ; le gouvernement Jospin de 1997 engage le processus de privatisation de l’opérateur historique, qui se lance dans une logique de prédation et de concurrence féroce sur le marché international. Cette stratégie aboutit à un endettement faramineux, à hauteur de 70 milliards. Le gouvernement Raffarin poursuit la privatisation et, en 2003, la participation de l’État peut passer en dessous des 50 % du capital.
Les conséquences de l’ouverture de la concurrence et de la privatisation du secteur des télécommunications sont nombreuses. D’une part, pour les usagers : la fin de la péréquation (égalité de traitement et de coûts entre usagers), l’augmentation des tarifs, la fin du service public (non-extension, par exemple, de la couverture GSM et Internet haut débit à tout le territoire), la régression du service rendu. D’autre part, pour les salariés de l’opérateur historique : des pressions accrues, des emplois et des sites supprimés, une mobilité forcée, la remise en cause du statut... La course aux profits dans le secteur contribue à des pressions sur la masse salariale avec le développement, pour l’ensemble des salariés des télécommunications (opérateurs, équipementiers) des licenciements boursiers (Alcatel-Lucent, 9 Cegetel, France Télécom), des délocalisations et de la sous-traitance...
Manifestation à Firmi
Pour nous, il y a urgence à se réapproprier le secteur des télécommunications pour le bien commun de tous et de toutes. La privatisation des télécoms n’est pas une avancée pour son développement. La libéralisation des marchés n’a d’intérêt que pour une partie des usagers : les plus riches, aptes à bénéficier de tarifs sur mesure. Livrer le secteur des télécommunications aux lois du marché supprime ainsi tout son rôle social. Pour nous, le service public ne peut s’entendre qu’au niveau d’un secteur économi-que dans le cadre d’un mono-po-le, pas seulement d’une entreprise de ce secteur. Par exemple, on ne peut pas envisager de réintégrer France Télécom dans le secteur public sans poser la question des opérateurs privés, notamment dans le domaine d’Internet ou de la téléphonie mobile. C’est bien d’un secteur public des télécommunications dont il s’agit, pour le gérer en fonction des besoins sociaux et non selon les règles de la concurrence. Il en est évidemment de même en ce qui concerne l’énergie, le transport ferroviaire et aérien, surtout si l’on désire que les transports soient maîtrisés en tenant compte des impératifs écologiques.
La question des services publics est loin d’être au cœur de la campagne présidentielle. Pourtant, leur défense et leur développement relèvent d’un choix de société. Le droit à la santé, à l’éducation, à l’énergie, à la communication, à la culture, au logement, à un service de la petite enfance ou du quatrième âge, par exemple, caractérise évidemment le type de société dans laquelle nous voulons vivre. C’est pour cela que, pour nous, les services publics sont une question centrale dans notre programme et que nous soutenons et participons à toutes les mobilisations unitaires sur ce thème comme, par exemple, la manifestation à Firmi, le 31 mars prochain.
Encart
Suppressions d’emplois à la poste du Louvre
Mardi 27 mars, les personnels de guichet de la poste de Paris Louvre (le plus grand bureau de France avec 1 200 personnes sur le site, comprenant les guichets, un centre de tri, et les facteurs) étaient en grève à presque 100 %. La direction veut effacer un tiers des effectifs aux guichets et deux tiers au centre de tri ! Cette grève d’avertissement pourrait être suivie d’un mouvement durable. Ce bureau de poste est parmi les derniers à passer à la moulinette de la stratégie dite « terrain », mise en place par la direction pour doper la productivité des bureaux de poste.
Officiellement, il s’agit « d’adapter la présence postale aux évolutions démographiques et aux modes de vie des Français ». C’est au nom de cette phraséologie qu’on ferme les bureaux en milieu rural et qu’on force les guichetiers à travailler les samedis après-midi (près des sites commerciaux ou touristiques) ou tard le soir. De plus en plus, on transforme le bureau de poste en centre commercial, avec des qualités d’accueil et de service différenciées, selon l’épaisseur du porte-monnaie et du chiffre d’affaires.
C’est l’anticipation de la directive européenne (2009), mettant tout le courrier en circuit concurrentiel. Il s’agit d’être « là où est le client », ce qui veut dire, en réalité, supprimer du personnel, en faisant semblant d’en déverser une petite partie ailleurs, sur des produits à haute valeur ajoutée. Jamais on ne se pose la question de la qualité globale du service public, à égalité pour tous les usagers. Notamment pour les personnes à revenus modestes, dont La Banque postale se moque éperdument.