Cette fois, c’est fait. Le parlement sri-lankais a adopté à une majorité de plus des deux tiers, jeudi 22 octobre, la révision très controversée de la Constitution. “Cela marque une étape monumentale dans la politique intérieure et le point culminant d’un processus qui a commencé bien avant l’élection présidentielle de novembre 2019”, estime le Daily News, journal contrôlé par l’État..
“C’est la première fois qu’un gouvernement remporte une telle majorité depuis l’introduction de la proportionnelle”, et la réforme ainsi adoptée permet de réparer “les dommages causés par les ambiguïtés de la précédente réforme introduite à la hâte” par le gouvernement de coalition qui avait été mis en place après la chute du président Mahinda Rajapaksa en 2015.
Concrètement, cette nouvelle retouche de la loi fondamentale du Sri Lanka met un terme à l’équilibre instauré il y a cinq ans entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Celui-ci avait permis, d’après ses détracteurs aujourd’hui de nouveau aux commandes de l’île, qu’une “lutte pour le pouvoir” s’instaure entre le président et le Premier ministre de l’époque, ouvrant “indirectement la voie aux attentats terroristes dévastateurs de Pâques 2019”.
Le quotidien The Island n’est pas tout à fait d’accord : “Les débats n’ont duré que deux jours et la chambre a pué l’hypocrisie”, car bon nombre d’élus de l’opposition se sont au dernier moment résolus à voter la nouvelle réforme de la Constitution voulue par les frères Rajapaksa, revenus au pouvoir l’an passé grâce à l’appui des “forces nationalistes ethnocentrées” de l’île, Gotabaya comme président, et Mahinda comme Premier ministre.
Voilà en tous les cas les pouvoirs exorbitants dont jouissait le président jusqu’en 2015 “rétablis pleinement”. Dans ces conditions, le parti du clan Rajapaksa, le SLPP, n’a désormais plus d’excuses pour honorer ses promesses électorales sur le développement économique et la lutte contre le Covid-19.
“Le plus dangereux dans cette affaire, c’est qu’elle permet au président d’interférer à nouveau dans les activités du Parlement et du pouvoir judiciaire, les deux autres bras de la démocratie”, ce que les représentants de la majorité cinghalaise bouddhiste ont savamment occulté ces derniers jours, déplore le Colombo Telegraph.
Or le Sri Lanka ne pourra aller de l’avant que si “le caractère multiethnique et multireligieux de notre société est représenté dans les instances dirigeantes”. Une référence à la minorité tamoule (majoritairement hindoue mais également chrétienne) et à la minorité musulmane, pour qui la reprise en main autoritaire du pays par les Rajapaksa est de très mauvais augure.
Guillaume Delacroix
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