Dans les enquêtes d’opinion menées à l’occasion de la campagne électorale, les questions de santé figurent parmi les premières préoccupations, parfois même avant le salaire et l’emploi. Pourtant, ces questions ne sont pas au cœur des propositions des principaux candidats, sauf quand il s’agit de parler des « déficits » à combler. La santé est ainsi avant tout considérée comme une « charge » qu’il faudrait alléger, et non un besoin essentiel à satisfaire. Ces mêmes enquêtes montrent un profond attachement des Français au système de soins (hôpital, médecine de ville) actuel, toujours majoritairement considéré comme satisfaisant. Mais la santé ne se résume pas au système de soins. Celui-ci, tout en étant encore de qualité, montre des failles alarmantes.
Notre société en crise est à l’origine de graves problèmes de santé pour la population : détérioration accrue des conditions de travail, effets destructeurs sur la santé du chômage, de la précarité, de l’agriculture productiviste (nitrates), de la « mal-bouffe » et de la pollution. Les inégalités face à la maladie et à la mort sont criantes. Ainsi, l’espérance de vie des ouvriers à 35 ans est, en moyenne, inférieure de 6,5 ans à celle des cadres. Parallèlement, les potions libérales imposées à hautes doses à la Sécurité sociale et à l’hôpital au cours des cinq dernières années réduisent et rendent plus inégalitaire l’accès aux soins. Elles s’ajoutent aux réformes successives de la droite et de la gauche libérale, qui ont également pris pour cible les organismes sociaux. Un Français sur cinq renonce à se soigner pour des raisons financières. La santé « à plusieurs vitesses » devient progressivement une réalité. Enfin, les inégalités géographiques se creusent : un médecin pour 60 habitants en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, un pour 400 dans le Pas-de-Calais ! Pour Olivier Besancenot et la LCR, le droit à la santé est un droit fondamental qui doit être reconnu à tous.
Tout d’abord, il est nécessaire d’insister sur la prévention, afin d’agir sur les causes sociales et environnementales de la maladie. De l’extrême droite à la gauche libérale, chacun se lamente sur l’augmentation des dépenses de santé. Mais bien peu s’interrogent sur les causes sociales et environnementales qui sont à l’origine, ou favorisent, le mauvais état de santé de la population. C’est pourtant dans ce domaine qu’il serait possible de faire de véritables « économies » sur la santé, qui seraient d’abord des économies de souffrances et éviteraient de gâcher des vies humaines.
S’il est nécessaire de renforcer les moyens de la médecine du travail et de la rendre indépendante du patronat (les médecins du travail sont actuellement rémunérés par les employeurs), il est nécessaire d’aller au-delà. Nous proposons d’instaurer la possibilité, pour les salariés et leurs représentants (CHSCT), de s’opposer à l’exposition des salariés à des situations, à des produits, ou à des matériaux dangereux pour la santé, sans que cela mette en cause leur emploi.
Plus globalement, les effets sur la santé d’une mauvaise alimentation ou de la pollution sont connus et étudiés, mais ils sont systématiquement occultés, car ils mettent en cause les profits de l’agriculture productiviste et ceux des industries agroalimentaire et chimique... La LCR propose que la population soit consultée et puisse se prononcer sur toute décision ayant des conséquences sur sa santé. Enfin, l’amélioration de la santé est liée à l’amélioration générale de la situation de la population : alimentation de qualité (grâce à des salaires décents), logement, conditions de travail, lutte contre la précarité.
Soins gratuits à 100 %
Deuxièmement, il est nécessaire d’assurer à tous la gratuité des soins. La contre-réforme Douste-Blazy de l’assurance maladie, en 2004, avait pour objectif de faire financer, par les patients ou leur assurance complémentaire (mutuelle), une partie des soins remboursés auparavant par l’assurance maladie. Rappelons pour mémoire ce qu’instaure la contre-réforme : un euro, à chaque acte médical, reste à la charge du patient ; le forfait hospitalier s’établit à quinze euros ; un forfait de dix-huit euros doit être payé pour tout acte supérieur à 91 euros ; de nombreux médicaments sont déremboursés sous prétexte d’un « service rendu » insuffisant.
Nicolas Sarkozy propose d’aller plus loin, en instaurant une franchise sur les soins, mais ni François Bayrou ni Ségolène Royal n’annoncent leur intention d’abroger la loi Douste-Blazy. Au nom de la « maîtrise des dépenses de santé », libéraux et sociaux-libéraux veulent « responsabiliser » les malades, en les contraignant à payer une part croissante de leurs soins. Cette « responsabilisation » ne touche, bien sûr, que les plus pauvres. Dans la réalité, un nombre croissant de patients sont amenés, pour des raisons financières, à renoncer aux soins ou, du moins, à les différer. En matière de santé, les conséquences de ce retard sont souvent désastreuses et très coûteuses en soins hospitaliers.
Les propositions de la LCR se situent dans une logique inverse, celle d’une autre répartition des richesses. Le prétendu « trou de la Sécu » est la conséquence d’un manque de financement de l’assurance maladie. Rappelons que, chaque année, les patrons bénéficient de 21 milliards d’exonérations de cotisations sociales, soit trois fois le déficit 2006 de la Sécu ! Sans compter les 2 milliards d’euros de dettes patronales « irrécouvrables » et les 6 milliards d’euros de dette de l’État... Rappelons également que 100 000 chômeurs en moins, c’est 1 milliard d’euros de plus pour la Sécu. Et que 1 % de plus pour la masse salariale, c’est 3 milliards de plus pour la Sécu. L’égalité dans l’accès aux soins passe par la gratuité des soins pour tous, qui doivent être intégralement remboursés par l’assurance maladie et, afin d’éviter l’avance de fonds, souvent dissuasive, le « tiers payant » doit être systématique.
Nous proposons un retour aux principes fondateurs de la Sécurité sociale. Les cotisations sociales sont une partie du salaire « mis en commun », socialisé. Cette partie du salaire doit être gérée par les représentants des salariés eux-mêmes, sans que les patrons ni l’État n’aient à intervenir. C’est pourquoi, nous proposons une Sécurité sociale autogérée ; l’élection, par les assurés sociaux, de leurs représentants aux caisses ; la consultation des assurés sociaux sur toutes les décisions importantes concernant la santé, après débat public contradictoire éclairé par le point de vue d’experts (professionnels de santé, économistes, associations de malades, etc.) ; l’abrogation du vote par le Parlement de la loi fixant les dépenses d’assurance maladie (plan Juppé) ; le maintien du rôle des mutuelles en matière de prévention, les soins étant remboursés pour tous à 100 % par la Sécurité sociale.
Centres de santé publics
Troisièmement, une des priorités doit être de défendre l’hôpital public et de l’élargir à un véritable service public de santé. La contre-réforme « Hôpital 2007 », mise en œuvre depuis 2003, constitue une nouvelle phase de la privatisation du système de soins. Les hôpitaux sont mis en concurrence avec les cliniques privées, qui ont la possibilité de sélectionner leur clientèle et les activités les plus lucratives. Faute de budgets suffisants, 60 % des établissements hospitaliers sont en déficit, et ils se voient imposer des « plans de redres-sement » accompagnés de la suppression de milliers d’em-plois, alors que le personnel manque cruellement. Les fermetures et les regroupements de petites structures hospitalières se poursuivent, créant de véritables « déserts sanitaires ».
La LCR propose de défendre l’hôpital public. Toutes les fermetures de lit, de service ou d’établissement doivent être suspendues, le maintien ou non d’une structure de soin devant être l’affaire de la population elle-même. La contre-réforme « Hôpital 2007 » doit être abrogée. Les lits privés à l’hôpital public n’ont plus lieu d’être. Des budgets nécessaires doivent être attribués aux établissements : création de 100 000 em-plois dans le secteur public hospitalier, accroissement du nombre de professionnels médicaux et paramédicaux formés pour répondre aux besoins (déblocage du numerus clausus), expropriation des établissements privés à but lucratif et transformation de ces établissements en établissements hospitaliers publics, intégration de l’ensemble de leurs salariés dans la fonction publique hospitalière.
Toutefois, le service public de santé ne peut se limiter à l’hôpital. C’est pourquoi, nous proposons la création de centres de santé publics, entièrement gratuits, remplissant des missions de prévention, de soins et d’orientation vers l’hôpital, et travaillant « en réseau » avec les intervenants sanitaires et sociaux (généralistes et professionnels libéraux, travailleurs sociaux, élus, associations...). Ces centres assureront la « permanence des soins » sur le terrain 24 h/24 h. Ces centres permettraient de répondre suffisamment tôt aux besoins de santé de la population. Ils permettraient d’orienter, si nécessaire, les patients vers l’hôpital, en évitant la saturation des urgences.
Remboursements
Quatrième élément, sur lequel il faut intervenir : l’exercice de la médecine libérale, notamment par la suppression du paiement « à l’acte ». La LCR propose une remise en cause de l’exercice libéral actuel de la médecine. La rémunération « à l’acte » des professionnels libéraux doit être abandonnée, au profit d’un autre mode de rémunération à débattre (en fonction du nombre de patients vus, des missions remplies, etc.). Les dépassements d’honoraires (secteur 2) seront interdits, tant pour les généralistes que pour les spécialistes, tout comme le refus de soigner certains patients. La nécessaire formation continue sera assurée de manière indépendante des laboratoires. Aussi, afin de favoriser l’installation de médecins généralistes dans les zones aujourd’hui déficitaires, ainsi que pour démocratiser les études médicales, il sera proposé aux étudiants en médecine qui le souhaitent de percevoir un salaire pendant toute la durée de leurs études, moyennant un « engagement à servir » dans un secteur « déficitaire ».
Enfin, cinquième et dernière priorité, nous devons instaurer une politique publique du médicament. Notre refus de la marchandisation de la santé passe par nos exigences d’expropriation de l’industrie pharmaceutique, dont les profits faramineux sont alimentés par les cotisations sociales, ainsi que la suppression des brevets. Pour la LCR, la recherche médicale doit être placée sous contrôle public. Le médicament n’est pas une marchandise : soit il a une efficacité et des qualités thérapeutiques reconnues, et il est intégralement remboursé par l’assurance maladie ; soit il est inutile, et il ne doit être ni produit ni vendu.
Encart
Les cinq propositions de la LCR
1) Prévenir la maladie, créer les conditions pour que chacun puisse vivre en bonne santé.
2) Assurer à tous la gratuité des soins.
3) Défendre l’hôpital public et l’élargir à un véritable service public de santé.
4) Transformer l’exercice de la médecine libérale, notamment par la suppression du paiement « à l’acte ».
5) Instaurer une politique publique du médicament.
Vous avez dit « droit à la santé » ?
Le droit à la santé signifie prévenir le mauvais état de santé ou la maladie chaque fois que cela est possible, en agissant sur leurs causes sociales ou environnementales, qui n’ont souvent rien d’une fatalité.
Il s’agit également, chaque fois que cela est nécessaire, de permettre à chacun l’accès aux meilleurs soins, quels que soient sa condition sociale, son lieu d’habitation ou son âge.
Les propositions de la LCR ne se limitent pas à défendre l’existant (l’hôpital public, la Sécurité sociale), ce qui est nécessaire mais insuffisant. Elles visent, au contraire, à proposer une alternative globale aux politiques libérales pratiquées par la gauche et la droite depuis la fin des années 1970.