En posant, le 13 octobre, un ultimatum à Alexandre Loukachenko, le Conseil de coordination de l’opposition biélorusse a franchi un nouveau stade dans sa lutte pour obtenir l’annulation des résultats de l’élection présidentielle du 9 août.
Svetlana Tikhanovskaïa, ex-candidate à la présidentielle (qui revendique la victoire) et actuelle leader de l’opposition exilée en Lituanie, a mis en demeure le président biélorusse d’accéder à trois revendications : sa démission, l’arrêt des violences policières et la libération des prisonniers politiques. Faute de quoi, le 25 octobre, à expiration de l’ultimatum, elle a promis une manifestation monstre et le lancement d’une grève générale.
Prix Sakharov pour l’opposition biélorusse
Or, le 22 octobre, l’opposition a reçu le soutien symbolique du Parlement européen qui a décerné au Conseil de coordination le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit. Comme l’a déclaré Cristian Trippe, le chef du service russe de la Deutsche Welle, cité par Bielorousski Partizan, “si Svetlana Tikhanovskaïa et l’opposition unifiée de Biélorussie n’avaient pas été lauréats cette année, l’idée-même de ce prix aurait perdu tout son sens”.
Le 23 octobre, le site biélorusse Ej.by écrivait :
“Minsk ressemble à un réacteur en ébullition.”
Si un certain scepticisme demeure chez beaucoup quant aux leviers réels de l’opposition pour mettre à exécution sa menace, poursuit le titre, le doute a été atténué quand Pavel Latouchko, autre poids lourd du Conseil de coordination, a renforcé les dires de Tikhanovskaïa en évoquant la “grosse surprise” qui attend le pouvoir s’il ne se plie pas aux exigences exprimées.
Ainsi, les gens ont compris qu’il ne s’agissait pas que de vagues menaces, mais d’un “véritable plan du Conseil de coordination”, écrit le site. “Cela s’est bien vu sur le visage des manifestants qui marchaient à Minsk le 22 octobre.”
“Soit vous êtes avec nous, soit vous être contre nous”
Mais d’autres éléments sont venus échauffer encore l’atmosphère. Alexandre Loukachenko a annoncé qu’il ferait “régner l’ordre le 25 octobre à Minsk” et qu’il “ferait châtier sévèrement toute personne attrapée à manifester”. Puis, le chef du Service de renseignement extérieur de Russie, Sergueï Narychkine, a été dépêché par le Kremlin dans la capitale biélorusse deux jours avant la grande date.
Enfin, le président biélorusse a décidé de rassembler ses partisans de tout le pays dans la capitale le 25 octobre. L’organisation de ce meeting pro-grouvernemental accompagné de concerts battait son plein ces derniers jours. “En conséquence, le pouvoir place pour ainsi dire ses concitoyens devant un choix radical : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous”, note le site, avant de conclure sur une note inquiétante :
“À la veille de l’expiration de l’ultimatum, non seulement le réacteur est en ébullition, mais deux charges antagonistes ont été allumées en même temps pour obtenir une explosion. À moins qu’il ne s’agisse d’un calcul délibéré du pouvoir pour prendre ensuite à l’égard de son peuple des mesures extraordinaires sévères ?”
Le site d’information biélorusse Salidarnasts, quant à lui, relaie les éclaircissements fournis par Pavel Latouchko en conférence de presse le 21 octobre, concernant le “plan” de l’opposition. L’opposant n’a pas dévoilé tout le programme, mais il a déclaré que “tout un ensemble de mesures permettant de mettre en œuvre la grève générale annoncée” ont été imaginées.
Les Biélorusses sont mûrs pour la grève générale
Ces dispositions visent différentes sphères de la société – économique, industrielle, culturelle, ainsi que l’enseignement, les sciences et autres. Les domaines concernant les besoins vitaux et la sécurité, comme l’alimentation et le médical, ne sont pas concernés. Par ailleurs, chaque jour, par différents canaux, serait diffusée une information précise sur les actions exécutées dans le sens de l’ultimatum.
Les membres du Conseil de coordination estiment que suffisamment de facteurs sont réunis dans la société biélorusse pour que la grève générale soit déclenchée et suivie. “La société est-elle prête à oublier qu’il y a 102 détenus politiques dans les prisons biélorusses ? Que des citoyens ont été tués par balles dans les rues de Minsk ? Je suis sûr que non, c’est pourquoi les chances que la grève démarre et obtienne un grand écho sont très élevées”, a encore déclaré Pavel Latouchko.
Laurence Habay
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