Le tribunal de la région administrative spéciale a prononcé ce mercredi 2 des peines de prison ferme contre trois figures du mouvement prodémocratie pour leur rôle dans les manifestations de 2019.
Condamnés mais pas résignés. Le tribunal de Hongkong a prononcé ce mercredi des peines de prison ferme à l’encontre de trois figures du mouvement prodémocratie pour leur rôle dans les manifestations ayant secoué le territoire en 2019.
« Ce n’est pas la fin du combat », a déclaré sur Twitter Joshua Wong, 24 ans, condamné à treize mois et demi de détention. « Nous rejoignons maintenant la lutte en prison aux côtés de nombreux manifestants courageux, moins visibles mais essentiels dans le combat pour la démocratie et la liberté de HK. »
Deux autres militants, Agnes Chow et Ivan Lam, 23 et 26 ans, ont respectivement été condamnés à dix et sept mois d’emprisonnement.
« Voir cette condamnation est dévastateur. C’est une peine absurdement lourde qui met en doute l’indépendance du système judiciaire », a réagi de son côté l’activiste hongkongais Nathan Law, 27 ans, qui poursuit la lutte depuis le Royaume-Uni où il s’est exilé. « Cela montre que le tribunal redevient l’instrument de répression en faveur des autorités et que celles-ci sont déterminées à emprisonner des militants de premier plan pour donner l’exemple », a-t-il ajouté.
Amnesty International a dénoncé par la voix de son directeur Asie-Pacifique
« le recours à l’infraction d’incitation à un rassemblement illégal pour engager des poursuites à l’encontre de personnes qui s’exprimaient et manifestaient pacifiquement ».
Des « traîtres » pour les médias chinois
En juin 2019, le gouvernement de Hongkong annonçait un projet de loi d’extradition, visant à autoriser le transfert de n’importe quel citoyen considéré comme « fugitif » vers la Chine. Des centaines de milliers de Hongkongais se rassemblent pour protester contre ce qu’ils considèrent être une atteinte au principe « un pays deux systèmes » qui régit les relations entre la région autonome et Pékin.
S’ensuivirent sept mois de manifestations monstres, quasi quotidiennes, émaillées de violentes échauffourées avec les forces de l’ordre.(https://www.liberation.fr/planete/2019/12/27/15-mars-hongkong-entre-dans-la-gronde_1771195)
Le mouvement n’a pas de véritable leader. Joshua Wong et Agnes Chow ont pris part à certains rassemblements mais ont surtout mis à profit leur notoriété pour faire pression en faveur de sanctions internationales, suscitant la fureur de Pékin. Les médias chinois n’ont d’ailleurs pas hésité pas à les qualifier de « traîtres ».
Première arrestation pour « incitation à la sécession »
Depuis le 1er juillet, la loi pour la sécurité nationale a porté un coup de massue supplémentaire à l’architecture démocratique de Hongkong, en instaurant quatre nouvelles infractions : la sécession, la subversion, le terrorisme et la collusion avec des pays étrangers.
(https://www.liberation.fr/planete/2020/07/02/hongkong-mis-en-joug_1793170)
L’expression de certaines opinions politiques se retrouve proscrite, en particulier celles remettant en cause la supériorité de la Chine. Ainsi, presque toutes les manifestations sont interdites et les arrestations de militants et de journalistes sont devenues quasiment quotidiennes.
Agnes Chow a d’ailleurs été la première militante arrêtée au nom de cette nouvelle loi pour « incitation à la sécession ».
Pendant leur procès, les trois militants ont plaidé coupables des faits qui leur étaient reprochés. « Les accusés ont appelé les manifestants à assiéger le quartier général [de la police de Hong Kong] et scandé des slogans hostiles à la police », a déclaré la magistrate Wong Sze-lai, ajoutant que « la détention immédiate [était] l’option la plus appropriée ».
« Le jugement d’aujourd’hui n’est pas particulièrement surprenant »,
souligne Sebastian Veg, professeur d’histoire intellectuelle de la Chine au XXe siècle à l’EHESS, interrogé par Libération. « Dans ces procédures, les juges sont soumis à une pression certaine : les parquets font systématiquement appel des peines qu’ils considèrent insuffisantes. » Selon lui, le plus « inquiétant » est la « campagne de rectification », terme employé par un haut responsable chinois Zhang Xiaoming, menée dans la région administrative spéciale. La formule est forte : elle fait référence aux campagnes menées par le Parti communiste chinois pour faire taire les dissidents. « Plus que la condamnation ponctuelle de quelques figures emblématiques, c’est une transformation en profondeur de la société hongkongais qui semble recherchée », insiste-t-il.
Une fois les condamnations prononcées, quelques partisans du gouvernement hongkongais ont trinqué au vin pétillant pour les célébrer. Pendant ce temps, des citoyens ont attendu les fourgons pénitentiaires pour crier, à leur passage, des slogans en faveur de la démocratie.