Les Indiens ont deux mots pour désigner ce qu’ils sont en train de faire.
Bharat Bandh, भारत बंद : littéralement, en hindi, « action dans toute l’Inde », « fermeture générale », le sens populaire et médiatique est très clairement grève générale.
Chalo Delhi, भारत बंद चलो देहली : littéralement, « tous sur Delhi », « on monte tous à Dehli », c’est aussi le sigle populaire des millions de paysans qui marchent sur la capitalle, environ 300 000 à 400 000 tenant les entrées, face à la police.
Bharat Bandh et Chalo Delhi : facile de traduire dans le français « lutte de classe » : cela donne « grève générale » et « tous à Paris, à l’Elysée » !
Est-ce pour cela que les médias en France observent un silence total, abyssal, radical, sur le processus révolutionnaire qui s’amorce dans le pays le plus peuplé du monde ?
Dans le monde entier, la diaspora indienne se mobilise en solidarité : de nombreuses manifestations ont lieu, par exemple, aux États-Unis, y compris dans des villes moyennes. C’est bien le silence absolu de l’information en France qui est hallucinant !
La force du mouvement est liée à son apparente originalité : ce sont les paysans, fermiers, ouvriers agricoles et communes rurales villageoises traditionnelles, qui en sont le fer de lance, car ils réagissent aux lois ultralibérales du gouvernement Modi comme à une question de vie ou de mort, ce que bien souvent elle est pour eux. Des couches profondes de la population hindoue se sont retournées radicalement contre un pouvoir exécutif qui avait utilisé le confinement pour semer le chaos et perturber le mouvement démocratique général qui le menaçait déjà début 2020. Les routiers sont entrés en grève depuis trois jours et bloquent les principaux axes routiers.
En Andhra Pradesh (50 millions d’habitants), 5 millions de salariés ont grève en solidarité avec les paysans, à l’appel des centrales syndicales (sauf celle liée au parti gouvernemental ethno-nationaliste hindou, le BJP).
Grève importante et fermeture des marchés à Mumbai, la ville de Modi.
A Chennai, le siège du gouvernement régional est entouré de piquets de grève et les employés des banques et du secteur de l’électronique et des télécommunications ont manifesté leur solidarité.
A Kolkata, les cheminots sont en grève, les autoroutes sont bloquées et les étudiants ont manifesté.
Au Bihar (100 millions d’habitants, paysans pauvres à 90%) les transports sont paralysés.
Au Pendjab, la majorité des fonctionnaires de l’État a fait grève.
Au Jammu-et-Cachemire, province que Modi avait claquemurée, quadrillée et réprimée, le Bharat Banh est saisi par la population pour imposer le droit de manifester et de s’exprimer.
Dans l’Assam, autre Etat où Modi a sévi contre les « étrangers » et les musulmans, également et la capitale Guwahati est arrêtée.
En Uttar Pradesh des heurts ont eu lieu à Agra et la police a séquestré chez eux des dizaines de militants paysans et d’opposants politiques.
Delhi la capitale est assiégée, la police bloque les entrées et les millions de paysans se massent aux portes, pendant que les transports sont en grève, que les industries automobile du district de Gurgaon-Manesar, cœur industriel, entre en grève, et que les quelques 400 000 salariés misérables ou « indépendants » d’Uber et de Ola ont cessé le travail !
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