Disons tout de suite que nous apprécions Michèle Rubirola, son parcours, le type d’écologie qu’elle représente, son caractère chaleureux et fraternel. Sa démission nous semble le produit d’un système municipal arrivé à bout de souffle, conjugué à une culture locale partidaire pourrie. Trois raisons à ce crash politique dont Michèle a été la victime :
La première est la loi « PLM » (Paris – Lyon – Marseille) institue une clause dérogatoire par rapport à la loi électorale en vigueur dans les autres communes de France. Ce scrutin ressemble à celui en vigueur aux Etats-Unis. Les mairies de secteurs qui, contrairement aux gouverneurs américains, n’ont aucun pouvoir, sont élues au suffrage universel mais pas le Maire de Marseille élu au troisième tour par les conseillers municipaux. Cette méthode autorise toutes les manipulations. Jusqu’au dernier moment, la droite puis Samia Ghali ont cru qu’ils pourraient supplanter la candidate du Printemps Marseillais. Le premier adjoint, Benoit Payan, s’impose maintenant en fonction de sa capacité à manœuvrer dans ce système clanique dont il connaît par cœur les rouages. Revenir à une logique proportionnelle s’impose. Il faut en finir avec la loi injuste « PLM », et, de façon générale, démocratiser le système électoral municipal qui favorisent les roitelets locaux.
La seconde est la loi Métropole qui permet, en se passant du suffrage universel, de gouverner une Métropole ou une Communauté de Communes en délestant le pouvoir du Maire. Le Printemps Marseillais a perdu cette élection au second degré face à l’alliance de maires de droite et de gauche (ces derniers issus du guérinisme comme Benoit Payan). Cela a affaibli le printemps et a accéléré la prise de pouvoir du PS sur la ville. PEPS est contre la métropolisation pour des raisons de fond mais aussi parce que ce système creuse le fossé démocratique entre les citoyens et le pouvoir local.
La dernière raison est l’impossibilité d’un véritable municipalisme libertaire dans une ville de la taille de Marseille. Si le pouvoir populaire ne s’établit pas à partir des quartiers, par le contrôle direct des citoyens sur leurs élus, la professionnalisation de la politique et ses dérives entrainent nécessairement des conséquences délétères. Le Printemps marseillais était le produit d’une sorte de Front Populaire écologiste mais ne constituait pas un socle pour le municipalisme. Il reposait sur un accord entre des partis (PS, PCF, une partie des Insoumis et des mouvements citoyens) mais ces derniers ne disposant pas des leviers de commande. Ceci était encore plus vrai pour Michèle Rubirola qui elle n’avait pas le soutien d’EELV, ce parti n’ayant pas voulu d’une alliance dès le premier tour. Dès lors le scénario était écrit. La maire écologiste, qu’elle le veuille ou le puisse ou non, n’avait pas le rapport de forces pour se défendre face à un appareil PC/ PS qui ne lui laissait même pas le choix de son cabinet. Elle devenait à son corps défendant la marionnette de Benoit Payan. Celui-ci, face aux offensives répétées de sa concurrente Samia Ghali et à sa propre ambition de succéder à Gaudin, en profita pour procéder au « switch » lui donnant tout le pouvoir sur la ville de Marseille.
Cette triste histoire est une leçon de choses pour les écologistes de rupture. Lorsque le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple n’est pas établi sur une base solide, les bureaucrates et les technocrates reprennent la main. Le communalisme n’est pas l’affaire des partis. C’est une construction par le bas qui s’impose aux forces politiques même si leurs militant-e-s y participent. Pour sortir de l’hiver marseillais, il faudra une Commune marseillaise fondée à partir des réseaux de solidarités populaires, des luttes menées par les habitant-e-s, des Assemblées de quartiers. Sinon l’effet Rubirola appartiendra aux illusions perdues.
PEPS, Pour une Ecologie Populaire et Sociale
à Marseille, le 21 décembre 2020