
“Quand les manifestants prodémocratie ont été aspergés par les canons à eau de la police devant le siège du gouvernement [à Bangkok] le 17 novembre, un utilisateur de Twitter a commenté ‘malheureusement la police antiémeute thaïlandaise s’est inspirée de ‘be water’ [un slogan des manifestants à Hong Kong]”, raconte le Thai Enquirer.
“Alors, voici des canards”, a écrit le dessinateur Badiucao, accompagnant son message de deux dessins : un superman ouvrant sa chemise sur un costume montrant un canard inflammable souriant, et un manifestant chevauchant un canard. Tel un hommage aux canards gonflables qui ont protégé les manifestants des tirs des canons et du bleu de méthylène projeté par la police.
“Ces dessins ont été repris dans les réseaux thaïlandais. Pour de nombreux Thaïlandais, c’était leur première rencontre avec l’esprit inimitable de Badiucao.” Les œuvres du dessinateur circulent régulièrement sur les réseaux sociaux chinois, échappant à la censure.
So b ducks! https://t.co/8FtYBt5k1x pic.twitter.com/xErrPyOZVh
— 巴丢草 Badiucao (@badiucao) November 22, 2020
Une alliance essentielle en Asie
Désormais, il crée pour la Milk Tea Alliance, explique le journal en ligne, un mouvement regroupant Thaïlandais, Hongkongais et Taïwanais face à la main-mise de Pékin sur la région, nommé en référence au thé au lait bu dans ces pays (contrairement à la Chine où le thé est consommé sans lait).
Aux yeux de l’artiste, “cette alliance est à la fois symbolique et utile. Elle représente le sens même des droits de l’homme, selon lequel le désir de démocratie et de liberté est universel.” Elle “est également utile comme un moyen d’attirer les regards des médias du monde libre sur ce qui se passe à Hong Kong et en Thaïlande”.
“La Milk Tea Alliance est attirante, sympa – un peu comme la culture asiatique. Et, pour être honnête, c’est très pratique. De plus, elle est très spontanée, et il y a beaucoup de sagesse politique.”
Une telle alliance est bien plus qu’un simple moyen de partager des techniques de protestation. Elle est un véritable outil, selon lui, permettant aux Hongkongais et à ceux qui les soutiennent de poursuivre leur résistance.
“Nous soutenons les manifestations en Thaïlande comme si c’était les nôtres. Parce qu’en Chine ou à Hong Kong, ce n’est plus possible. Quand nous voyons de jeunes Thaïlandais dans les rues, c’est notre rêve qui se réalise. C’est aussi un moyen de continuer de croire et d’alimenter notre rêve de liberté et de démocratie.”
“En soutenant le mouvement thaïlandais, nous nous sentons plus fort. C’est comme une sorte de thérapie. Comme si nous avions une deuxième chance de manifester.”
L’humour, arme des sans-pouvoir
L’humour satirique ne peut disparaître, même sous la plus stricte des censures, dit-il. Et pour lui, le gouvernement Thaïlandais ne pourra jamais venir à bout de la Milk Tea Alliance.

Son travail et son humour montrent et affirment la force des sans-pouvoir, dit le journal.
“C’est une manière de s’approprier l’autorité généralement détenue par les monarchies, l’armée, le gouvernement. De montrer combien les sans-pouvoir n’ont pas peur des gens puissants. C’est un point de bascule.”

Ses grands-parents étaient réalisateurs de films dans les années 1920 à 1950 et ont été persécutés durant le mouvement anti-intellectuel de la Révolution culturelle. Ils sont morts. Ses parents, orphelins, lui ont toujours conseillé de se tenir à l’écart du monde de l’art.
“Cette branche de ma famille m’a bien fait comprendre qu’il était dangereux de pratiquer l’art, en particulier en Chine. Cette génération a payé de sa vie ses choix.”
Après avoir reçu des menaces du Parti communiste chinois le visant ainsi que ses proches, il a quitté la Chine et vit en
Australie</a depuis 2009.
Courrier International - Paris
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