Les grèves à La Poste - bureaux, facteurs, centres de tri, Coliposte, etc. - se succèdent et des formes de luttes originales sont expérimentées pour économiser des forces et marquer la scène politique avant les élections. Par exemple avec le dépôt de préavis successifs, d’une semaine sur l’autre, ou d’un groupement postal à l’autre, se saisissant parfois des mots d’ordre de grève nationaux syndicaux (comme celui de la CGT le 29 mars), ou sautant par-dessus si cela ne correspond pas à la volonté de bien enraciner le mouvement.
À Paris Louvre, après la grève du 27 mars contre la suppression d’un tiers des effectifs, les guichetiers (CGT, FO, SUD) discutent d’une prochaine grève sur tout le site (1 200 salariés) avec leurs collègues du centre de tri et les facteurs. Dans les Bouches-du-Rhône, les guichetiers font grève, à tour de rôle, par groupement postal, pour réclamer des emplois. Le mouvement est suivi par 70 à 90 % du personnel. Déjà 30 emplois temporaires ont été transformés en CDI. Autour de Nantes, une grève semblable vient de se dérouler le 26 mars, après des fermetures de bureaux. Une autre devrait suivre prochainement, juste à côté. Le Val-de-Marne pourrait suivre le 3 avril, la Seine-Maritime le 10 et, selon SUD-PTT, le réseau des guichets de Paris sera en grève tous les lundi à partir du 23 avril. Simultanément, des mouvements départementaux de facteurs se construisent contre le projet « facteur d’avenir », qui alourdit la charge de travail (Cher, Loire-Atlantique, Franche-Comté, Hérault, Aquitaine...).
Les services de tri de nuit font des grèves répétitives depuis bientôt six mois pour réclamer une hausse du salaire horaire à 3 euros (au lieu de 1,22). 400 personnes, représentant 50 centres de tri, ont manifesté le 16 mars. Depuis plus d’une semaine, les agents de Coliposte de Grenoble, refusant d’être considérés comme des « kleenex », sont en grève contre le licenciement d’un collègue, interpellant député et maire, déjouant la volonté de faire casser la grève par des sous-traitants et des intérimaires.
À Liesle (Doubs), 500 habitants sur 552 ont signé une pétition contre la transformation du bureau en « relais poste commerçant ». 200 personnes se sont rassemblées, avec le soutien d’élus et d’un « collectif Poste ». Dans les bureaux de poste, après le projet dit « Terrain » (redéploiement), on passe à « Performance », qui vise à segmenter les usagers et les services rendus en fonction du chiffre d’affaires espéré : guichets dédiés aux gros clients, files d’attente pour les autres, salaires « commissionnés » pour les agents.
Toutes ces luttes témoignent que la direction de La Poste est en train de briser le métier et de transformer un service public en entreprise à logique concurrentielle. Les agents le refusent, mais la fragmentation des métiers et des situations vécues freine un mouvement d’ensemble pourtant nécessaire.