Le camp démocrate de Hong Kong a été la cible mercredi 6 janvier de la vague d’arrestations d’opposants la plus importante depuis la rétrocession de la colonie britannique à la Chine en 1997, montrant la dégradation des droits et des libertés dans l’ancienne colonie britannique. Cinquante-trois personnalités – anciens parlementaires, conseillers de districts, militants et avocats – ont été détenues par un millier de policiers à partir de 6 heures.
En vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée en juillet par la Chine pour mettre fin à des mois d’agitation et de mobilisation, ils sont accusés de « subversion du pouvoir de l’État » : six d’entre eux pour avoir organisé les primaires de l’opposition en juillet dernier en prévision des élections au conseil législatif et 47 pour y avoir participé. Prévu en septembre, le scrutin a finalement été repoussé d’un an en raison de la pandémie de Covid-19.
Comme le souligne la BBC [1], la liste des personnes arrêtées est un « Who’s who des forces démocratiques » du territoire semi-autonome. On y trouve des figures de l’opposition, tels que Claudio Mo, Benny Tai et Leung Kwok-hung, surnommé « Longs cheveux » pour sa coupe et reconnaissable à ses tee-shirts à l’effigie de Che Guevara, des représentants des jeunes générations, tel Lester Shum, mais aussi 13 candidats désignés par les primaires, ainsi qu’un avocat des droits de l’homme américain John Clancey.
Trois sites d’information proches de l’opposition, Apple Daily [2], Stand News et In-Media [3], ont également été fouillés par les forces de l’ordre qui ont emporté des documents liés aux primaires.
D’autres interpellations ne sont pas exclues, a expliqué un porte-parole de la police.
Steve Li, du département de la Sécurité nationale, a expliqué qu’on reprochait aux personnes interpellées d’avoir voulu obtenir la majorité au conseil législatif pour pouvoir paralyser l’institution en opposant un veto au budget… Une accusation « ridicule », a réagi Lo Kin-hei du Parti démocrate de Hong Kong. « Ce n’est pas un crime de vouloir s’assurer la majorité au conseil législatif. Est-ce que la Basic Law [la mini-constitution de Hong Kong – ndlr] est contre la loi sur la sécurité nationale ? », s’est-il demandé, ajoutant : « Quelque 600 000 personnes ont participé aux primaires. Alors que le peuple veut être entendu, le gouvernement répond par des représailles. »
Pour l’heure, on ne sait pas si les interpellés seront relâchés sous caution ou passeront devant un juge.
À l’étranger, le coup de filet a fait réagir.
Le prochain chef de la diplomatie de l’administration Biden, Antony Blinken, a estimé sur Twitter [4] que « les arrestations massives de manifestants pro-démocratie sont une attaque contre ceux qui défendent courageusement les droits universels ». « L’administration Biden-Harris se tiendra aux côtés du peuple de Hong Kong et contre la répression de la démocratie par Pékin », a-t-il prévenu.
Le porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a réclamé la « libération immédiate » des 53 et a évoqué de possibles sanctions « si cela est accepté par les États membres » pour protester « contre l’utilisation de la loi sur la sécurité pour étouffer les libertés politiques à Hong Kong en utilisant des sanctions ». « Les États membres suivent les développements négatifs à Hong Kong et en discuteront lors de la réunion de leurs ministres des affaires étrangères » prévue le 25 janvier, a-t-il ajouté.
L’option de sanctions a déjà été discutée lors de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères le 7 décembre, mais aucune mesure n’avait été adoptée.
Sur Twitter [5], le député européen Raphaël Glucksmann a dénoncé l’attitude de « nos chers dirigeants européens », dont « la priorité […] est de nous vendre leur accord d’investissement avec Pékin ». « Comment peut-on être à ce point à contre-temps ? », a-t-il raillé. Le dernier gouverneur de Hong Kong (1992-1997), Chris Patten, a appelé l’UE à renoncer à cet accord signé fin décembre pour la protection des investissements qu’il a qualifié de « crachat au visage des droits humains ».
La Commission européenne s’est défendue de ces critiques en plaidant qu’il s’agissait d’un « accord sectoriel ». « La dimension des droits de l’homme et de l’État de droit est l’objet d’un dialogue spécifique avec Pékin avec des instruments spécifiques », a dit le porte-parole de l’exécutif bruxellois, Eric Mamer.
Au Royaume-Uni, le ministre des affaires étrangères Dominic Raab a dénoncé une « atteinte grave aux droits et aux libertés » tels que définis dans la déclaration commune de 1984 de Londres et de Pékin qui avait présidé à la rétrocession de ce territoire en 1997. Pour lui, « ces arrestations démontrent que les autorités chinoises et hongkongaises ont délibérément trompé le monde sur le véritable objectif de la loi de sécurité nationale », qui est « utilisée pour écraser la dissidence et les opinions politiques adverses ».
François Bougon