Après l’exclusion de la République populaire de Chine (RPC) du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1949, c’est le régime nationaliste de Taïwan qui a occupé le « siège Chine » pendant vingt et un ans. Si Pékin retrouve sa place le 26 octobre 1971, à la suite d’une décision de l’Assemblée générale de l’ONU les États-Unis votent contre [1], il garde ses distances. Tout au long de la décennie suivante, la RPC s’abstient sur un tiers des résolutions votées par le Conseil, soit 69 fois sur 208 textes adoptés. Elle ne met qu’une seule fois son veto : en 1972, contre l’admission du Bangladesh aux Nations unies.
Cette stratégie s’explique essentiellement par sa politique de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Elle choisit donc de ne pas prendre part aux votes des résolutions relatives aux opérations de maintien de la paix onusiennes : extensions de mandat des Nations unies (comme à Chypre — la résolution 305 en 1971 [2] ), envoi de « forces intérimaires », création de « missions d’observation » (comme à propos du désengagement d’Israël et de la Syrie du plateau du Golan en 1974, avec la résolution 350), ou encore renouvellement du mandat des forces d’urgence des Nations unies.
Son statut de membre permanent du Conseil de sécurité (avec les États-Unis, l’Union soviétique — puis la Russie —, le Royaume-Uni et la France) confère à la Chine la respectabilité, la puissance et la garantie de pouvoir protéger ses intérêts grâce à son droit de veto. Mais elle n’exerce guère d’influence au sein de l’Organisation — ce qui reflète son poids dans le monde.
Le tournant de 2007
Refusant d’approuver les opérations de l’ONU, elle ne contribue pas plus à leur financement. Du moins jusqu’en 1981 où l’Assemblée générale, inquiète du manque de moyens financiers, réclame « la participation la plus large possible » aux dépenses militaires. La Chine va mettre la main à la poche, et faire évoluer sensiblement sa position au fil des ans. D’autant qu’elle prend de plus en plus de place sur la scène économique. À partir des années 2000, elle devient le deuxième contributeur aux missions de maintien de la paix (15,2 % du budget 2019, 28 % pour les États-Unis) — actuellement, huit sur treize se trouvent en Afrique. Une manière aussi de veiller à ses intérêts, croissants, sur le continent noir, son principal fournisseur de matières premières.
Pékin adopte une diplomatie plus offensive au milieu des années 1990, en utilisant plus fréquemment son droit de veto, principalement quand Taïwan, considéré comme une province de la RPC (lire « Exit Taïwan »), est partie prenante. En 1997, il émet son veto contre une résolution censée « surveiller le respect des accords de paix au Guatemala » sous l’égide des pays occidentaux et de… Taipei. Deux ans plus tard, les Chinois brandissent à nouveau leur veto contre la prorogation du mandat de la Force de déploiement préventif des Nations unies (Fordepronu) dans l’ex-république yougoslave de Macédoine qui, indépendante depuis le 17 septembre 1991, a établi des relations diplomatiques officielles avec Taïwan.
Le changement le plus marquant dans la stratégie de vote intervient en 2007 : dès lors, et jusqu’à aujourd’hui, elle utilisera 11 fois son droit de veto (pour 769 résolutions adoptées) en duo avec la Russie, dont elle se rapproche.
La RPC rejette toute condamnation des violations des droits humains, qu’elle interprète comme une ingérence dans les affaires intérieures, estimant que les pays occidentaux pratiquent la politique de « deux poids, deux mesures », qui épargne leurs alliés… Elle s’oppose ainsi à huit projets de résolution condamnant les crimes du régime syrien entre 2011 et 2020, à deux autres aux motivations identiques concernant la Birmanie (2007) et le Zimbabwe (2008) ; et au projet américain exigeant la tenue d’élections au Venezuela en 2019.
En revanche, elle ne présente aucun veto à la résolution 1973, du 17 mars 2011, établissant un couloir humanitaire (« zone d’exclusion aérienne ») en Libye avec les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ; elle s’abstient aux côtés de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde et de la Russie ce qui permet de fait l’intervention militaire conduisant au renversement de Mouammar Kadhafi.
Enfin, Pékin, pourtant accusé de soutenir la Corée du Nord, a depuis 1993 systématiquement voté en faveur des résolutions du Conseil de sécurité condamnant et sanctionnant les essais nucléaires et de missiles de Pyongyang, ainsi que son retrait du traité de non-prolifération nucléaire.
Au total, la Chine reste le pays qui, depuis la naissance de l’institution onusienne, s’est le plus souvent abstenu — 152 abstentions sur 2505 résolutions — et qui a le moins usé de son droit de veto : 14 fois contre 205 pour le « siège Russie », et 81 pour les États-Unis.
Suzy Gaidoz
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