Les enclaves de Ceuta et Melilla, pointes avancées de la présence espagnole en Afrique, offrent aujourd’hui le spectacle hideux et poignant des ravages provoqués par la mondialisation néo-libérale sur le continent africain.
Aux quelques centaines de migrants subsahariens qui sont parvenus, au terme de longues errances à travers déserts et forêts, affaiblis par les privations et les conditions infra-humaines de leur périple, à frapper aux portes du monde développé, l’Europe, secondée par les pays du Maghreb, répond par la répression et les balles, tandis que continuent les disparitions en mer, au large des Canaries ou des côtes andalouses.
Que ces africains fuient un continent rongé par la faim, l’analphabétisme, les épidémies, les guerres et les dictatures, un continent qui, de plans d’ajustement structurel en accords de libre-échange, s’enfonce chaque jour davantage dans le non développement, l’Europe n’en a cure et continue à surélever les grillages et déployer des kilomètres de fils de fer barbelés.
Tandis que les grandes puissances, relayées par la Banque mondiale, multiplient les beaux discours sur l’éradication de la pauvreté, c’est à une véritable éradication des pauvres que l’on assiste, à une guerre, armes au poing, contre quelques poignées de malheureux qui tentent, à mains nues et munis d’échelles de fortune, d’escalader la Forteresse Europe.
Que le Maroc, tout comme ses voisins maghrébins, acceptent aujourd’hui, dans le cadre de la politique d’externalisation, de faire le sale boulot de sous-traitant, de multiplier les expulsions forcées, de planifier la construction de centres de rétention, de faire donner l’armée, la police et la gendarmerie contre des hommes, des femmes et des enfants affaiblis et non armés, voilà qui en dit long sur le degré de collusion des gouvernements du Nord et du Sud dans leur combat contre les peuples, alors que leurs propres ressortissants tentent, eux aussi de fuir le chômage et de gagner au péril de leur vie, la rive Nord de la Méditerranée.
Nous, militants d’Attac Maroc, nous affirmons pour notre part notre condamnation totale de la répression dont sont victimes aujourd’hui, en terre africaine, des êtres humains dont le seul crime est de vouloir trouver du travail et vivre dignement. Nous les assurons de notre pleine solidarité et de notre vigilance par rapport aux dérives racistes qui se font jour.
Nous nous indignons devant les violations répétées du droit des personnes à la libre circulation, du droit d’asile, et du droit à la vie et à la protection, contenus dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi que dans les Conventions internationales.
Nous affirmons notre totale condamnation de l’approche exclusivement sécuritaire du fait migratoire mise en ?uvre par les gouvernements du Nord et du Sud dans le cadre du Partenariat euroméditerranéen.
Face au pillage multi-séculaire de l’Afrique, dans le cadre de la colonisation autrefois, et aujourd’hui dans le cadre de l’OMC et des accords de libre échange et des différents accords de partenariat euro-africains, nous réaffirmons que le développement de l’Afrique passe par :
– l’annulation effective et massive de la dette africaine, déjà plusieurs fois remboursée
– l’arrêt immédiat du pillage des ressources africaines par les spéculateurs et les multinationales et la dénonciation de tous les accords bilatéraux et multilatéraux qui l’organisent
– l’arrêt du soutien éhonté dont bénéficient nombre de régimes non démocratiques, corrompus, dictatoriaux, de la part d’une Europe qui se pose en champion de la démocratie
– le respect du droit des peuples à la souveraineté et à la détermination de ses propres politiques et choix économiques.
– L’arrêt du commerce des armes, hautement lucratif pour les industries occidentales, permettant d’entretenir un climat d’insécurité permanente qui, s’il favorise l’ingérence européenne et américaine dans les affaires africaines, plonge les populations dans la peur, le dénuement et l’absence totale d’espoir en une vie digne et décente
– L’affectation des aides au développement à la mise sur pied ou l’extension de services publics, tels que l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable, qui sont les conditions sine qua non d’un décollage économique
A quelques semaines de la célébration des accords de Barcelone qui prétendaient vouloir ?uvrer à faire de la Méditerranée une mer de paix, de prospérité et de sécurité partagée, les évènements dramatiques de Ceuta et Melilla viennent jeter une lumière crue sur les réalités qui se cachent derrière les beaux discours.
Face aux collusions entre Etats prédateurs, construisons les solidarités entre les peuples.