Plus tôt dans la nuit, Aung San Suu Kyi, le président Win Myint et d’autres personnalités de la LND ont été arrêtées lors d’un raid. Des personnalités politiques ont été visées à travers tout le pays, sur fond de coupure des télécommunications. Les arrestations concernent aussi des militants de la société civile, de syndicats étudiants, faisant d’emblée craindre une opération d’envergure à l’échelle du pays. Des activistes ont quitté leur domicile au plus vite par crainte pour leur sécurité. Ceux que nous avons pu joindre se disaient « en sécurité, pour l’instant. »
Le nouveau Parlement issu des législatives de novembre, et majoritairement composé d’élus LND, devait siéger aujourd’hui. Mais l’armée en a décidé autrement en mettant sa menace de coup d’Etat de la semaine passée à exécution, après avoir évoqué des « rumeurs ». La Constitution de 2008, rédigée par et pour les militaires, laisse sans recours interne face à ce coup de force qui saura se prévaloir du texte constitutionnel. Il anéantit ou révèle le visage de la « transition démocratique » amorcée il y a 10 ans.
L’issue des tensions qui ont précédé et suivi le scrutin législatif du 8 novembre dépasse cependant ce que nous pouvions redouter : l’armée bénéficie déjà d’un pouvoir exorbitant garanti par la Constitution et elle n’a cessé d’en faire usage tout au long de ces cinq dernières années. Pourquoi ce dénouement ? Mis en cause pour génocide et personnage pivot de vastes intérêts économiques, Min Aung Hlaing, proche de la retraite, sert ses ambitions personnelles par ce terrible coup de force. Alors qu’on lui prêtait des ambitions présidentielles, il n’a pas accepté la déroute électorale de l’USDP – parti affilié à l’armée – lors des législatives. Il affirmait récemment « il n’y a rien que je n’ose faire ».
Le Conseil de sécurité de l’ONU prévoit de se réunir dans les jours qui viennent. La communauté internationale doit tout faire pour obtenir la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnalités politiques et de tous les militants interpellés. Elle doit faire pression sur cette armée criminelle, la sanctionner de la manière la plus ferme qui soit.
Ce matin, nous pensons au peuple birman qui voit son vote confisqué et l’histoire se répéter. Y-a-t-il seulement des mots pour décrire ce qu’il ressent ?
Contact : Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie
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Menaces de l’armée à la veille de la convocation du nouveau Parlement
CP 28 janvier 2021 – Le commandant en chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing vient d’évoquer la révocation de la Constitution de 2008 comme une possibilité dans un discours prononcé mercredi à l’attention d’officiers supérieurs.
La veille, le porte-parole de l’armée dénonçait de nouveau des irrégularités lors des élections législatives du 8 novembre massivement remportées par la LND, n’excluant pas la possibilité d’un coup d’État si les vérifications demandées par l’armée n’étaient pas effectuées. Le porte-parole de l’armée a aussi indiqué que l’absence de prise en compte des allégations de fraude avancées par l’armée entraînerait une « crise politique ». Nous y sommes. Dernier grief en date ? Le refus du parlement de tenir une session spéciale à ce sujet, au motif que la commission électorale est seule compétente en matière de contentieux électoral.
L’armée veut voir dans ce refus une violation de la Constitution. Face à la « non prise en compte » de ses demandes, elle se pose en garante de la Constitution et se dit prête à la révoquer… si elle n’est pas respectée. Des voix se lèvent pour souligner qu’un coup d’Etat serait contraire à la Constitution, mais Min Aung Hlaing balaie cet argument d’un revers de main et va jusqu’à rappeler les précédents funestes qu’a connu la Birmanie.
Alors que la Constitution de 2008 garantit des pouvoirs exorbitants à l’armée, celle-ci entend-elle seulement rappeler son rôle politique de premier plan et montrer sa force de nuisance au nouveau parlement qui doit siéger la semaine prochaine, puis au gouvernement à venir ? Entre ceux qui balaient toute menace et ceux qui y voient l’annonce d’une « action militaire » dont la forme resterait à définir, il est en tout cas manifeste que le climat politique est dégradé.
Depuis novembre, l’armée et ses affiliés continuent de contester le résultat des élections législatives, un scrutin qui a par ailleurs fait l’objet de nombreuses contestations de la part de la société civile pour des considérations liées aux droits de l’Homme.
Les élus du nouveau parlement convoqué le 1er février s’apprêtent donc à siéger dans une ambiance bien éloignée de l’euphorie suscitée par la victoire de la LND en 2015. Face à un bilan très mitigé et à l’ampleur de la tâche à accomplir, ils restent confrontés à une armée qui n’en finit pas de plomber toute « transition démocratique ». Les échanges avec les 33 élus de l’USDP – le parti affilié à l’armée – et les militaires qui occupent automatiquement 25 % des sièges au parlement s’annoncent tendus, avec les échéances de la reconduction d’Aung San Suu Kyi en tant que conseillère spéciale, l’élection du président et des vice-présidents et la nomination d’un nouveau gouvernement en mars.
• http://www.info-birmanie.org/menaces-de-larmee-a-la-veille-de-la-convocation-du-nouveau-parlement/