1. Rappel des réalités
Le constat est connu : 28% de différence de salaire, les domaines professionnels où les femmes sont majoritaires sont les domaines les moins payés (commerces, services), dans les entreprises la plupart du temps les femmes ont les emplois les moins payés, les moins « qualifiés » y compris à diplômé égal.
Exemple : à France Télécom , les hommes ont les emplois techniques, les femmes les emplois commerciaux et de secrétariat, comptabilité, gestion : pas de différence de qualification au départ, mais d’énormes disparités en terme de primes, de carrière, de promotion qui favorisent les hommes, les métiers techniques étant hyper valorisés ; ensuite quand FT est soumis à la concurrence et privatisé, le commercial devient central et on y voit venir des tas d’hommes, comme par hasard, sur les emplois commerciaux les plus pointus, ceux qui ont le plus d’autonomie, ceux qui ont en charge un portefeuille de grosses entreprises par exemple).
Et ce fameux « plafond de verre » qui aboutit au fait qu’à un certain niveau de responsabilité, il n’y a quasiment plus de femmes même dans les métiers ou les domaines où elles sont à la base majoritaire.
A tout cela s’est rajouté :
– les effets de l’application des 35 heures, aggravés par les remises en cause actuelles de la droite qui vont toutes dans le même sens ; en effet la contrepartie fréquente de la négociation 35 heure a été l’élargissement des horaires, le travail le soir, le samedi banalisés, la remise en cause des pauses et coutumes du même type, voire la valorisation de ceux qui acceptaient de tels horaires, autant d’éléments qui pénalisent fortement les femmes. Le seul « acquis » a généralement été la possibilité de passer à plein temps en gardant un jour de libre dans certaines dispositions de travail mais cette « possibilité » n’existe quasiment jamais. De plus avec les remises en cause de la droite qui visent à faire travailler les salariés plus longtemps d’une manière ou d’une autre, les femmes se trouvent à nouveau en dehors du coup.
– les effets de la loi sur les retraites qui souligne cruellement le fait que les femmes ont souvent dû sacrifier une partie de leur vie professionnelle pour assurer l’éducation des enfants et qu’elles n’ont pas leurs annuités. Le travail domestique ne se compte pas en annuités. Tout allongement du nombre nécessaire de ces annuités et la mise en place de pénalisations en cas de carrière incomplète conduit au fait que les femmes, même en travaillant jusqu’à 65 ans, n’arriveront jamais à une retraite complète.
– l’individualisation des salaires, avec une partie de la rémunération basée sur le « mérite » de plus en plus répandu dans les entreprises : ainsi dans une entreprise comme France Télécom, les cadres n’ont plus aucune augmentation garantie, elles dépendent d’une « décision managériale » prise en fonction d’objectifs remplis ou non ; quant à l’ensemble des services commerciaux (employés et cadres) ils sont soumis à la part variable strictement dépendante des produits qu’ils placent chez les clients et qui représentent une grade part du revenu. Même raisonnement pour les promotions. La plupart du temps tout cela dépend de la disponibilité du salarié, en temps (la capacité de rester plus tard etc.) et en état d’esprit (tout focaliser sur le travail , n’avoir pas cinquante mille autre sujets de préoccupations comme ceux que génèrent le fait d’élever des enfants).
– le temps partiel imposé également forme habituelle de contrat aujourd’hui pour beaucoup d’entreprise, contrat qui vise cyniquement (c’est-à-dire officiellement et sans honte) deux publics, les étudiants et les femmes, et n’offre que ce type de contrat sans révision possible, avec le salaire qui va avec et les conditions de travail qui lui sont liées : souvent un travail de soir, de week end, de bouche trou, avec des retours et des horaires atypiques et adaptables... (commerce et services en particulier).
2. Les évolutions légales
La Loi Roudy (1983) vote un principe de non discrimination et comporte une obligation pour les entreprises de produire un rapport annuel sur la situation comparée des hommes et des femmes (emplois, salaires, promotion, formation) et de définir les objectifs et les actions à mener pour les atteindre. En fait la loi diagnostique pour la première fois clairement l’inégalité professionnelle entre hommes et femmes. Mais aucune contrainte n’est réellement imposée et donc aucun résultat tangible n’existe. Ce d’autant plus que les syndicats ne s’emparent pas en générale de cette loi pour combattre les inégalités.
C’est avec la loi Génisson (avril 2001) que quelques contraintes apparaissent enfin : le rapport annuel à présenter au CE devient obligatoire et spécifique allant bien au-delà des obligations liées au bilan social. Il comporte des indicateurs chiffrés très précis (décret du 12 septembre 2001), tels que les embauches, l’organisation du travail, les congés, les départs, la position dans l’entreprise, les promotions, les rémunérations etc..., toutes ces données chiffrées, annuelles, doivent être fournies par catégorie professionnelle. Des données chiffrées spécifiques à l’entreprise peuvent également être demandées par le CE et notamment dans le cadre de la préparation de ce rapport, par la commission égalité professionnelle du CE (commission obligatoirement créée).
Les direction d’entreprises doivent également désormais ouvrir des négociations annuelles sur la question pour prévoir des mesures précises. Or la négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une seule organisation syndicale. Pourtant peu de ces négociations ont réellement eu lieu.
Car même ces obligations sont loin d’être respectées, essentiellement parce que le patronat respecte rarement spontanément ses obligations (ou alors de manière très formelle) si les représentants du personnel (et donc les organisations syndicales...) ne font rien pour les lui rappeler. Or sur ce sujet, c’est manifestement souvent le cas. Pourtant légalement, dès lors que le code du travail a inscrit un certain nombre d’obligations, les menaces de poursuivre la direction pour délit d’entrave si elle ne les respecte pas, est souvent assez efficace. Encore faut il vouloir faire de ce thème une question centrale de bataille....
Pour finir ce rappel historique, il faut aussi souligner que c’est au nom de l’égalité professionnelle qu’a été imposé le travail de nuit pour les femmes, au contraire de la bataille qui aurait dû être menée pour une égalité par alignement sur le plus favorable, c’est-à-dire à travers un mort d’ordre qui aurait concerné tous les salariés hommes ou femmes : non au travail de nuit sauf nécessité vitale pour l’ensemble de la société. Mais le fait que les syndicats ne s’emparent pas le plus souvent des questions femmes, aboutit au paradoxe que la droite arrive à s’en emparer sans avoir trop de contestation de sa manière de faire. Un nouveau projet de loi vient encore de sortir sous la houlette de ... Chirac .
3. Les expériences de négociations
Malgré tout un certain nombre de négociations se sont ouvertes dans de grandes entreprises comme La Poste ou France Télécom.
L’intérêt de faire un véritable travail sur ce sujet, c’est d’abord de s’emparer des chiffres, de les étudier, de rechercher les causes générales et spécifiques des inégalités dans l’entreprise, de combattre les idées reçues ou la fatalisme pour explorer des solutions de rattrapage et faire comprendre aux salariés qu’ils ont tout à gagner à l’égalité professionnelle.
Beaucoup d’éléments apparaissent alors outre ce qui a été dit en introduction et est généralement commun à toutes les entreprises mais doit être patiemment montré concrètement, comme par exemple le fait que la plupart des augmentations prévues dans la carrière moyenne d’un salarié d’entreprise sont groupées dans la période 5-15 (5 ans d’ancienneté jusqu’à 15 ans) ce qui pour beaucoup de salariés correspond à la période entre 28 ans et 38 ans, autrement dit pour les femmes la période où elles ont des enfants... Avant, on est généralement en période de recherche de boulot, de boulot provisoire, ou débutant, après si les échelons n’ont pas été franchis, il n’est plus possible de progresser, des jeunes vous piquent la place ... Ce mécanisme redoutable est généralement invisible : il est pourtant l’une des sources de cette inégalité qui s’accentue avec les années.
L’autre mécanisme dangereux est celui de l’embauche : toujours dans les même âges au moment où l’homme va enfin décrocher son vrai boulot (enfin un boulot stable), la femme se voit plus difficilement choisie, parce qu’elle entre dans l’âge critique au yeux des employeurs, celui des maternités.
Un accord sur l’égalité professionnelle ne peut pas tout changer, cela va de soi, mais il peut au moins proposer des corrections à ces mécanismes : par exemple imposer qu’il y ait la même proportion de femmes embauchées que la proportion des candidats sur X postes de tels niveau dans une période donnée avec priorité à la femme s’il n’y a qu’un poste ; ou encore, la garantie de se voir appliquer une augmentation de salaire moyenne équivalent à celle des collègues du même service en cas de congés de maternité etc....
Les solutions sont plus faciles à proposer une fois que le diagnostic a été fait, étudié et est partagé par tout le personnel.
Au-delà de ces quelques exemples, il faut bien comprendre qu’il est particulièrement difficile d’espérer marquer des points de manière significative alors même que tout est fait dans l’évolution du travail et la remise en cause des acquis, pour rendre la vie dure aux femmes tout particulièrement...
Mais commençons par un bout....