“J’ai reçu un coup téléphone du service client de Weibo.” Cette révélation de Ma Xiaolin, le 30 janvier, sur son compte Weibo – l’un des principaux réseaux sociaux chinois – a déclenché une tempête sur la Toile. “Désormais, rapporte Ma, les comptes individuels de Weibo ne doivent plus publier de contenus originaux sur la politique, l’économie, la défense, etc. En tant que chercheur et chroniqueur sur les questions internationales, je suppose que je n’aurai qu’à prendre le chemin du divertissement”, ironise ce spécialiste de renom.
Les utilisateurs de Weibo ne sont pas les seuls à se retrouver dans cette situation. Ceux de WeChat, l’autre réseau social dominant dans le pays, ont également reçu ce “conseil”. WeChat appelle ses utilisateurs à ne pas “publier et à ne pas commenter les contenus politiques, économiques, diplomatiques ou d’autres actualités majeures” s’ils n’ont pas les “qualifications requises”. En clair, une “licence de service d’information en ligne sur l’actualité” et d’autres qualifications associées aux médias sont nécessaires pour pouvoir traiter de ces sujets.
“Si votre compte n’a pas les qualifications attendues, non seulement vous n’êtes pas autorisé à publier, rassembler ou éditer des informations, mais même les commentaires au sujet de vos posts peuvent être jugés comme contraires aux règlements”, déplore le blogueur Tianma Xingwen sur le portail chinois Wangyi.
De son côté, Sohu a anticipé l’application de cette mesure de quelques jours. Le 25 janvier, ce portail d’information – l’un des plus importants du pays – a clairement menacé ses utilisateurs : “Les comptes non qualifiés pour publier des actualités seront définitivement bloqués dès qu’ils seront découverts.” Même pour la republication d’actualités politiques et sociales, les sanctions sont prêtes : “un blocage de sept jours pour la première fois, quinze jours pour la deuxième, trente jours pour la troisième. À la quatrième fois, l’interdiction sera définitive”, relate le blogueur Li Lei sur WeChat.
“Pour que les transgresseurs aient la mémoire longue”
Le 29 janvier, lors d’une vidéoconférence sur la mise en ordre de la communication en ligne, Zhuang Rongwen, vice-ministre de la Propagande, directeur du Bureau central d’information de l’Internet et directeur du Bureau national d’information de l’Internet, a souligné l’importance de mettre en œuvre les instructions du président Xi Jinping : “L’énergie positive est l’exigence générale.”
Dans ce discours musclé, Zhuang Rongwen a promis la “maîtrise des sources de publication” et “un contrôle strict des infractions telles que la réalisation et la republication illégale de reportages”. Mais aussi “le renforcement des sanctions vis-à-vis des comptes illégaux et des plateformes d’hébergement, afin que les censeurs soient bien armés et que les transgresseurs aient la mémoire longue”.
“Pourquoi les individus ne peuvent-ils pas publier de contenus politiques, économiques et militaires originaux ? S’il n’y a pas d’originalité, alors tout le monde ne parlera que d’une même voix : vous me copiez, je vous copie ou tout simplement vous n’écrivez pas du tout”, s’indigne dans un article sur WeChat Wang Haoxuan, sur un ton désespéré.
Pour les Chinois qui rêvent de liberté d’expression, la dernière supposition de cet internaute est l’objectif du pouvoir. L’indignation n’a pas sa place en Chine, où cet article a aussitôt été supprimé.
Zhang Zhulin
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