La veille de ce beau discours, en une journée, Covidtracker comptabilisait seulement 238 000 doses injectées. Avec un flacon à 11 doses, la veille de son coup de pub, à peine 10 % des vaccinateurs… avaient vacciné !
Pour un accès universel, immédiat et effectif aux vaccins
La vérité, ce n’est pas qu’on manque de vaccinateurs, mais qu’on manque de vaccins ! La vérité, comme le dit un communiqué de la CGT Sanofi, c’est qu’« après six mois d’une vaccination poussive, pour ne pas priver Big Pharma de ses profits, l’État prive encore et toujours les français de leurs libertés ». À Jean Castex, qui interpellait l’opposition à l’Assemblée, en demandant qu’on lui indique « comment nous procurer davantage de doses », la réponse est simple : il faut suspendre les brevets qui privent le monde de vaccins, mutualiser les process technologiques, et réquisitionner toutes les capacités de production pour un accès universel, immédiat et effectif aux vaccins anti-covid. À commencer par les usines de Sanofi. Scandale absolu : face à une pandémie comme il en arrive seulement tous les cent ans, Sanofi, un des leaders mondiaux de la vaccination, produit des dividendes (3,8 milliards d’euros l’an passé), produit des chômeurEs (5 000 chercheurEs licenciés en quelques années, encore 400 cette année)… mais ne produit pas de vaccins !
La défense acharnée des brevets a permis l’an passé une rentabilité nette autour de 20 % pour Sanofi, 23 % pour Pfizer, 25 % pour Johnson & Johnson, bien loin des 7 % de moyenne du capitalisme actuel. Mais cela se paye au prix fort pour la santé du monde. En trois jours, les États-Unis ont vacciné 11 millions de personnes, autant que la France en 95 jours. Le Royaume-Uni a déjà vacciné à une dose 46 % de sa population, la France seulement 13,4 %. Boris Johnson révèle le secret de cette réussite : « Si nous avons réussi avec les vaccins, c’est grâce au capitalisme, grâce à la cupidité ». Rafler le peu de doses disponibles en payant toujours plus cher les brevets qui font les prix hauts et limitent les capacités de production. L’autre face de la médaille, c’est un véritable apartheid vaccinal pour les pays pauvres, ou l’Union européenne qui se déchire, certains États européens refusant de réserver trois millions de doses du vaccin Pfizer-Biontech à la Bulgarie, la Croatie, la Slovaquie, la Lettonie et l’Estonie, particulièrement confrontées aux retards de livraison du Pfizer.
« La pandémie ne s’arrêtera pas sans une distribution plus équitable des vaccins »
Même la prestigieuse revue Nature est obligée de faire son éditorial sur ce scandale mondial et titre : « Il est temps d’envisager un sursis pour les brevets sur les vaccins Covid ». Extraits : « Le monde a besoin d’environ 11 milliards de doses de vaccin contre le coronavirus pour immuniser 70 % de la population mondiale, en supposant deux doses par personne. Les pays les plus pauvres, qui représentent 80 % de la population mondiale, ont jusqu’à présent accès à moins d’un tiers des vaccins disponibles […]. Il faudra encore au moins deux ans avant qu’une proportion significative de la population des pays à faible revenu soit vaccinée ». Et de conclure : « La pandémie n’est pas une compétition entre entreprises et elle ne s’arrêtera pas sans une distribution plus équitable des vaccins. » Et l’on pourrait ajouter que chaque jour qui passe sans que l’humanité ne soit vaccinée se compte en milliers de morts, sans parler du risque de l’apparition de super-variants encore plus agressifs, et qui échapperaient aux vaccins actuels.
La séquence du coronavirus est publique. C’est l’argent public qui a fait les vaccins, la recherche, la production. Ce sont donc nos vaccins, notre santé. Et pas leurs brevets. Pour vacciner, vite, toute la population mondiale, pour préparer, vite, de nouveaux vaccins contre les futurs variants, pour retrouver, vite, notre liberté, il faut en finir avec le capitalisme des brevets et réquisitionner les capacités de production !
Franck Prouhet