60 ans jour pour jour après le putsch des généraux à Alger, un quarteron d’officiers menace donc d’un coup d’État militaire pour faire face, selon leurs termes, à « un certain antiracisme », à « l’islamisme » et aux « hordes de banlieue ».
Macron et son gouvernement peuvent être fiers, eux qui ont largement contribué à diffuser, quand ils ne les ont pas initiées, des campagnes racistes et islamophobes, autour notamment de la loi « séparatisme » et de la pathétique polémique sur l’« islamo-gauchisme ». Les silences gênés du pouvoir face à la tribune des généraux ont été remarqués, et il aura fallu attendre quatre jours pour que la ministre des Armées Florence Parly sorte de sa réserve. Mais du côté de la Macronie, c’est « Circulez, y’a rien à voir », à l’image de l’ex-secrétaire d’État et désormais « coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme » Laurent Nuñez : « Je n’ai pas à me prononcer sur cette tribune ».
Les mêmes qui voient du « fascisme » dans des réunions privées entre personnes racisées n’ont donc rien trouvé à redire, ou presque, à un appel au putsch formulé par des généraux certes à la retraite mais ayant encore, de toute évidence, des liens dans l’armée. Pas grand chose à dire non plus sur le fait que Marine Le Pen ait salué la tribune des généraux et les ait invités à la rejoindre : « Comme vous, je crois qu’il est du devoir de tous les patriotes français, d’où qu’ils viennent, de se lever pour le redressement et même, disons-le, le salut du pays. »
Nous ne sommes certainement pas à la veille d’un putsch militaire, mais cette tribune et les réactions – ou l’absence de réactions – qu’elle a suscitées en disent malheureusement long sur l’air du temps. Macron et les siens, à la fois apprentis sorciers et pompiers pyromanes, jouent un jeu particulièrement dangereux, face auquel la construction d’une opposition politique et sociale, radicale et massive, est plus que jamais à l’ordre du jour.
Julien Salingue