Au quarante-cinquième jour de grève de la faim, la santé de l’étudiant thaïlandais Parit Chirawak, dit “Penguin”, s’est détériorée au point que ses “avocats craignent pour sa vie”, écrit The Sydney Morning Herald.
Meneur des manifestations étudiantes de 2020, le jeune homme de 22 ans est emprisonné depuis le 15 mars dernier et a entamé une grève de la faim pour contester le refus des juges de le laisser en liberté sous caution dans l’attente de son procès pour crime de lèse-majesté, prévu pour la fin de mai.
“Il ne peut plus monter des marches sans aide”, explique au journal l’avocate Sirikan Charoensiri, fondatrice de l’organisation Avocats thaïlandais pour les droits de l’homme. Les avocats de la défense et la famille du jeune homme ont tenté une nouvelle fois d’obtenir sa libération sous caution. Il a été mis sous perfusion devant son refus de s’alimenter, précise le journal.
Sa coaccusée, Panusaya Sithijirawattanakul, dite “Rung”, partie prenante dans les manifestations de l’année dernière, conduit également une grève de la faim depuis le 2 avril.
Accusations de crimes de lèse-majesté
Ils sont tous les deux accusés de crime de lèse-majesté et, en cas de condamnation, encourent plusieurs dizaines d’années de prison.
Dans une tribune publiée par Nikkei Asia, deux universitaires plaident en faveur de leur libération, estimant que la leur refuser constitue une injustice abîmant encore un peu plus les institutions.
Un tel rejet, écrivent les deux auteurs, fait courir un risque sanitaire aux deux étudiants, mais également à la politique du royaume.
Les demandes formulées durant les manifestations de la seconde moitié de 2020 étaient de trois ordres, résument les auteurs dans Nikkei Asia : la démission du Premier ministre, le général Prayuth Chan-ocha, et de son gouvernement, un amendement de la Constitution qui prenne en compte l’avis des citoyens, et des réformes de l’institution monarchique.
Le roi, Maha Vajiralongkorn, a notamment suscité la colère d’une part importante de la population du fait de son autoritarisme.
Ils n’ont pas “insulté, ni diffamé, ni menacé la monarchie”
Parit et Panusaya font partie d’une importante cohorte d’activistes, plus de 80 personnes, poursuivie par la justice. Tous sont accusés de violation de l’article 112 du Code pénal, qui condamne les insultes, les diffamations et les menaces envers le roi, la reine, leurs héritiers et les régents. Les peines encourues vont de trois à quinze ans de prison et sont cumulatives.
Mais “ces militants n’ont ni insulté, ni diffamé, ni menacé la monarchie, estiment les universitaires. Bien au contraire, ils ont osé demander qu’une discussion franche et ouverte sur la place de la monarchie ait lieu dans le pays.”
“Leurs condamnations pourraient atteindre des records, preuve que l’État et la monarchie sont inquiets de la tenue de telles discussions.”
Les auteurs saluent l’audace avec laquelle le jeune Parit s’est adressé aux juges qui lui ont refusé la libération sous caution :
“Qu’elle soit encagée, soumise à la torture ou menottée, la vérité est intangible. La vérité demeure, peu importe le temps que vous m’enfermerez, et peu importe combien vous me ferez souffrir, les souffrances ne détruiront pas la vérité.”
Sur le site thaïlandais Thai Enquirer, un texte appelle à la solidarité envers les détenus, soulignant combien les “injustices sont devenues la norme”.
Face à l’impossibilité de manifester dans cette période de résurgence de la propagation de la pandémie de Covid-19, l’auteur explique que les étudiants de l’université Chulalongkorn jeûnent deux jours par semaine, “pour dire combien nos amis [emprisonnés] demeurent dans notre esprit”. Manière également de montrer que la lutte continue, et que les prisonniers politiques souffrent “pour améliorer le sort du pays”.
Courrier International
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