Le prix de cet apartheid vaccinal ? Plus de 15 000 morts journaliers recensés officiellement dans le monde. Rien qu’en Inde, au pic de la deuxième vague, pendant plusieurs semaines, jusqu’à 4 000 morts chaque jour. Triste bilan qui fait monter le décompte macabre officiel des morts du Covid-19 à 3,8 millions de personnes, deux à trois fois plus en réalité selon l’OMS. Chaque jour qui passe sans que soit levé l’apartheid vaccinal est donc un crime contre les peuples.
Pour l’instant, dans la course de vitesse entre les vaccins et les variants, dont la dynamique à toujours plus contaminer est claire, les vaccins restent globalement très efficaces. Mais pour combien de temps ? Alors il y a urgence à vacciner la population mondiale, toute la population mondiale. Et pour cela il faut augmenter les capacités de production, et donc lever les brevets sur les vaccins, imposer les transferts de technologies, réquisitionner les capacités de production, tourner le dos au nationalisme vaccinal qui fait que les pays riches accaparent à prix d’or les vaccins de Big Pharma, que parfois, comme a été obligé de le reconnaître Macron, les pays pauvres doivent payer plus cher que l’Union européenne ou les USA pour emporter un lot de vaccins, dans ce contexte de pénurie mondiale !
Les brevets ne sont pas suspendus
Pourtant, lors de la réunion de la commission ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce) de l’OMC des 7 et 8 juin, l’Union européenne, avec le soutien de la France et de l’Allemagne, a encore bloqué la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud de suspendre les brevets. Ce qui n’a pas empêché Macron, deux jours plus tard, le 10 juin, de déclarer en conférence de presse, des violons dans la voix : « Nous devons nous engager à l’OMS, à l’OMC pour garantir que la propriété intellectuelle ne sera jamais un obstacle aux vaccins […] C’est pourquoi nous avons décidé de mettre sur la table avec l’Afrique du Sud, une proposition permettant de mettre en place une dérogation limitée dans le temps et dans l’espace de cette propriété intellectuelle ». Proposition envolée dès le lendemain. Car au G7 en Cornouailles, les saigneurs du monde ont surtout promis de donner un milliard de doses de vaccins aux pays pauvres. Problème, il n’y a pas vraiment de calendrier. Et ce qui filtre est inquiétant. Biden a promis 200 millions de doses en 2021 et 300 millions d’ici à juin 2022. La France, elle, a prévu d’envoyer 30 millions de doses d’ici à la fin de l’année. Et essentiellement de l’Astra Zeneca, boudé par la population française et surtout très peu efficace contre le variant beta qui a émergé en Afrique du Sud. Ce pays avait d’ailleurs cessé sa vaccination avec de l’Astra Zeneca suite à l’étude de l’université du Witwatersrand de Johannesburg, qui montrait une efficacité de seulement 22 % du vaccin contre ce variant…
Pour un accès effectif immédiat, gratuit et universel
Bien trop long, bien trop tard, bien trop de morts. Qui oserait se vanter devant l’opinion des pays riches d’un tel calendrier pour son propre peuple ! Et ce que les peuples du monde demandent, ce n’est pas la charité des pays riches, ce n’est pas d’avoir les vaccins boudés par les pays riches, ce n’est pas un calendrier qui dépend du bon vouloir des maîtres du monde, avec des effets d’annonce qui ne sont que trop connus. L’exigence, c’est de produire eux-mêmes les vaccins dont ils ont besoin. Inde, Afrique du Sud, Brésil, Thaïlande ont des capacités de production. Aux activistes du monde entier d’imposer aux maîtres du monde la levée des brevets de Big Pharma pour que partout, ils puissent être produits à bas prix, pour un accès effectif immédiat, gratuit et universel aux vaccins biens communs de l’humanité. Au discours insupportable de Seth Berkley, directeur du Gavi qui pilote le dispositif Covax, qui ose se féliciter que la levée de fonds du 2 juin permettra de « protéger près de 30 % de la population des pays à faible revenu d’ici au début de… 2022 », opposons notre solidarité pour lever les brevets. Prochaine échéance, le 17 juin, à la réunion informelle du conseil des ADPIC de l’OMC.
Frank Prouhet