A la suite de la plainte déposée le 9 avril dernier par nos organisations et une victime ouïghoure, représentées par le cabinet Bourdon & Associés, contre plusieurs multinationales de l’habillement pour leur implication dans le travail forcé imposé à la population dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, la justice française a annoncé hier l’ouverture d’une enquête pour recel de crimes contre l’humanité.
Une bonne nouvelle et une première étape importante pour considérer la responsabilité de ces géants de l’habillement concernant l’exploitation du peuple Ouïghour, dont elles tirent profit.
Cette plainte montre l’existence de liens commerciaux d’au moins 4 sociétés :
– Inditex (qui détient notamment les marques Zara, Bershka, Pull and Bear, Massimo Duti),
– Uniqlo,
– SMCP (qui détient les marques Sandro, Maje, Claudie Pierlot, De Fursac),
– Skechers USA,
ainsi que de nombreuses autres, avec plusieurs entités économiques dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, où la population subit du travail forcé.
De nombreuses marques et enseignes européennes, présentes dans notre vie quotidienne, pourraient ainsi commercialiser et tirer profit, de biens fabriqués au moyen de la mise en servitude des Ouïghours.
L’enrichissement de ces entreprises, fait en connaissance de cause au détriment des droits humains, s’accompagne souvent d’engagements éthiques, d’autant plus volontairement formulés qu’ils n’ont aucune valeur contraignante.
Nos organisations ont déposé cette plainte afin de mettre en lumière le rôle joué par les entreprises multinationales dans cette situation et de permettre aux juridictions françaises de se prononcer sur leur éventuelle responsabilité pénale.
L’annonce de l’ouverture d’une enquête par la justice française est une bonne nouvelle, qui coïncide avec le dépôt le 30 juin par des parlementaires français, d’une proposition de résolution visant à faire reconnaître par la France le génocide en région ouïghoure.
Cette plainte s’inscrit dans le plaidoyer mené de longue date par nos organisations pour lutter contre l’impunité des sociétés transnationales et l’accès des victimes à la justice et à la réparation.
Alors que la directive européenne sur le devoir de vigilance en cours d’élaboration soulève l’opposition virulente des fédérations patronales et de leurs membres, dont des enseignes de l’habillement, contre toute tentative d’établir une responsabilité juridique, il est plus que jamais crucial de rappeler que les acteurs les plus puissants de la mondialisation ne peuvent impunément se soustraire au respect des droits humains fondamentaux pour faire du profit.
– « Nous nous réjouissons de l’ouverture d’une enquête préliminaire pour recel de crime contre l’humanité, qui témoigne de l’implication potentielle des acteurs économiques dans la commission des crimes les plus graves afin d’augmenter leurs marges bénéficiaires.
En choisissant pour des raisons économiques de sous-traiter leur production dans la région du Xinjiang, ces entreprises tireraient un profit des crimes contre l’humanité commis à l’encontre des travailleurs ouïghours.
Cette enquête va permettre à la justice de se prononcer sur les éventuelles responsabilités pénales de ces entreprises. » déclare Sandra Cossart, directrice de Sherpa.
– « L’ouverture de cette enquête préliminaire est un premier signal important envoyé aux multinationales du secteur.
Sous la pression publique, elles communiquent sur leur opposition au travail forcé mais dans la pratique, aucune ne s’est engagée à se retirer de la région ni à faire la lumière sur leur chaîne d’approvisionnement. Il est temps de les confronter à leurs actes. » indique Nayla Ajaltouni, coordinatrice du Collectif Ethique sur l’étiquette.
– « C’est une excellente nouvelle qui est arrivée dans la même période que le dépôt d’une résolution à l’Assemblée nationale par des députés, visant la reconnaissance des caractères génocidaires des crimes chinois sur le peuple ouïghour. Cela peut renforcer notre campagne demandant à la France de reconnaître le génocide ouïghour. » déclare Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut Ouïghour d’Europe.
C’est la première fois qu’une enquête pour « recel de crimes contre l’humanité » est ouverte contre des multinationales.
Ce précédent historique confirme la nécessité de mener un travail innovant pour faire bouger les lignes du droit afin de lutter contre l’impunité des acteurs économiques.
Contacts presse
Nayla Ajaltouni, n.ajaltouni ethique-sur-etiquette.org, 06 62 53 34 56
Diane Zeegers, diane.zeegers asso-sherpa.org, 06 32 36 44 83
Dilnur Reyhan, dpolat.reyhan uyghur-institute.org