Alors que, dans le sillage du mouvement #MeToo, les médias japonais se sont emparés de sujets comme la diversité et l’égalité hommes-femmes, la Fédération des travailleurs de télédiffusion commerciale du Japon a fait état, dans un rapport publié en mai, du retard ahurissant que le pays accuse en matière de lutte pour la parité.
Selon le journal Asahi, qui a publié, le 2 juillet, un article citant ce rapport, il y aurait seulement 40 femmes parmi les 1797 membres de conseils d’administration des 127 entreprises privées du secteur – soit un tout petit 2 %. Pire, 91 de ces 127 sociétés ne comptent aucune femme dans leurs conseils…
Asahi a enquêté auprès des journaux nationaux et des six chaînes de télévision tokyoïtes, dont la chaîne publique NHK. Sans surprise, les femmes sont encore trop peu présentes dans les conseils d’administration, alors qu’elles représentent désormais entre 20 % et 25 % de leurs salariés en moyenne.
D’après le résultat de l’enquête, le taux de femmes dans les conseils d’administration de ces institutions n’est que de 4,9 % pour les quotidiens nationaux – trois d’entre eux n’en comptaient aucune –, et de 5,7 % pour les chaînes de télévision. Des taux inférieurs à ceux des entreprises japonaises cotées en Bourse (6,2 % en moyenne), cibles favorites des médias, qui ne cessent de fustiger le manque de diversité à la tête des grandes sociétés nippones.
Zéro rédactrice en chef
Bien évidemment, le phénomène touche d’autres instances de décision des organes de médias japonais. Selon un comparatif international, publié en mars par le Reuters Institute, un centre de recherches britannique sur le journalisme, les grands médias japonais ne comptaient aucune rédactrice en chef – alors que la proportion de femmes à ce poste s’établit à 22 % en moyenne dans les douze autres pays étudiés.
Cette structure sexiste affecte inévitablement les contenus que proposent les médias japonais, explique une journaliste de télévision citée par Asahi :
“Certaines femmes journalistes ont tendance à éviter les sujets concernant l’égalité entre les deux sexes. Car si leurs supérieurs masculins les trouvaient trop intéressées par les questions de genre, ils pourraient les trouver chiantes et leur confier moins de travail.”
“La société est en train de changer sur la question de l’égalité. Si on ne change pas, on deviendra une sorte de fossile vivant”, craint une autre journaliste. Pour Ruri Abe, professeure à l’université de Sophia (Tokyo) et spécialiste du journalisme, le phénomène vient de loin :
“Si nous comptons très peu de femmes parmi les rédacteurs en chef et les cadres dans les organes de presse japonais, c’est que le secteur entier n’a jamais essayé de faire face à ce problème de manière sérieuse.”
Afin d’y remédier, elle prône la nécessité d’accroître la part des femmes parmi les postes à responsabilité, mais aussi de revoir “la structure androcentrique des médias”, leurs méthodes de travail, leur culture d’entreprise et la manière qu’ils ont de raconter les choses.
Courrier International
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