Plutôt que de reconnaître ses erreurs, l’Autorité palestinienne (AP) se déshonore. En accusant ses opposants d’être “antipalestiniens” et d’avoir des “agendas douteux”, elle adopte le même discours écœurant que les autres régimes répressifs arabes. Une partie de la population y adhère peut-être, parfois de bonne foi et généralement par opportunisme, mais globalement, cela lui vaut une impopularité grandissante.
Les chiffres publiés par le Centre palestinien de recherches politiques et de sondage disent tous la même chose : le paysage politique palestinien est en train de changer, et le fossé s’élargit entre l’opinion publique et Mahmoud Abbas.
Initialement une existence temporaire
L’Autorité palestinienne, qu’il préside, est considérée comme corrompue par 84 % des sondés, tandis que le Hamas est considéré comme corrompu par 57 %. À la mi-juin, au moment du sondage, le Fatah [le mouvement politique de Mahmoud Abbas] bénéficiait de seulement 19 % d’intentions de vote, contre 36 % pour le Hamas. [Selon le même institut, le rapport de force entre ces deux principales formations politiques avait été nettement favorable au Fatah trois mois plus tôt.]
Et en cas de duel à l’élection présidentielle, Mahmoud Abbas n’obtiendrait que 27 %, contre 59 % pour Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas. Et 65 % désapprouvent le report sine die des élections, estimant que Mahmoud Abbas a pris cette décision de crainte d’en sortir perdant.
Les accords d’Oslo – quasiment tenus pour sacrés par leurs adeptes – prévoyaient que l’Autorité soit temporaire et ne reste en place que jusqu’en 1999, pour être remplacée par un État palestinien indépendant. Mais Israël a transformé le statut provisoire en solution définitive, l’AP devant prendre en charge la population des Territoires occupés alors même qu’elle n’en a pas le contrôle et que ces territoires continuent d’être grignotés par les constructions de nouvelles colonies..
En réalité, l’Autorité palestinienne aurait dû s’autodissoudre pour renverser la table devant les Israéliens et les Américains. Au lieu de quoi, elle est devenue de plus en plus malléable et ne sert aujourd’hui qu’à s’interposer entre le peuple palestinien et Israël. Qu’un occupant crée un pouvoir local pour le charger d’administrer la vie du peuple occupé, c’est une pratique ancienne et qui a souvent été appliquée dans l’histoire.
Une solution de remplacement
Cette Autorité est en place depuis vingt-huit ans, et depuis tout ce temps, elle n’a rien apporté en matière de libération nationale. Fin avril, quand elle a décidé d’annuler les élections législatives et présidentielle initialement prévues ce printemps, on pensait qu’elle avait touché le fond.
Mais elle s’est enfoncée en restant inerte pendant le soulèvement autour de la question de Jérusalem et le conflit armé avec Gaza. Puis il y a eu le scandale des vaccins périmés que les Israéliens ont largués aux Palestiniens. Finalement, tout cela culmine avec la mort de Nizar Banat, cet opposant battu à mort par les forces de l’ordre de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie [le 25 juin]. Et avec cela, aucun responsable n’a démissionné.
Le mouvement Fatah lui-même doit se demander s’il veut sombrer avec Mahmoud Abbas ou s’il va trouver le courage de quitter le navire avant qu’il ne soit trop tard. Y a-t-il quelqu’un pour lui expliquer que, au-delà de toute considération politique et politicienne, il y a une loi biologique qui s’impose ? Mahmoud Abbas [86 ans] finira bien par mourir un jour, et il faudra bien réfléchir à un successeur ou à une solution de remplacement. Faut-il attendre le moment où nous serons tous “orphelins” d’Abou Mazen [surnom de Mahmoud Abbas] pour préparer l’échéance ? Est-ce que la politique d’immobilisme attentiste est vraiment la meilleure solution pour éviter les risques d’une explosion ?
Khaled Hroub
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