Le Paro Nacional (grève nationale) colombien des 28 et 29 avril (cf Inprecor ci-dessous) a ouvert une période de manifestations quotidiennes massives, dans une unité sans précédent de mouvements urbains, ruraux, indigènes, écologistes et de jeunes chômeurs – ces derniers étant l’avant-garde. Les affrontements violents ont déjà fait 75 morts, 83 victimes ont perdu un œil, 1 468 cas de violences physiques, 1 832 emprisonnements arbitraires et 28 dénonciations de violences sexuelles par les forces de répression (1). En date du 26 mai 2021, INDEPAZ a par ailleurs dénombré 346 personnes disparues.
Affrontant les attaques des chars et des hélicoptères de la répression, la mobilisation a fait reculer le gouvernement sur la réforme fiscale qui a mis fin à la patience du peuple, renversant le ministre de l’Économie et la Chancelière. La brutalité répressive a joué le rôle de l’essence sur le feu du mécontentement, a isolé le pays au niveau international (face au tollé suscité par le massacre, Biden et l’ONU ont appelé au calme et au dialogue), mais n’a pas empêché que les manifestations de rue et les blocages des avenues et des autoroutes se poursuivent. Tout en encourageant la répression la plus barbare, le gouvernement uribiste (2) d’Iván Duque a convoqué une table ronde de dialogue avec les coordinateurs de la grève, pour ne rien proposer en échange de la suspension des actions. De son côté, Gustavo Petro, leader du parti de centre-gauche Colombia Humana et principale figure de l’opposition, qui se voit comme un favori pour les élections de 2022, profite de cette condition pour appeler à la paix sociale et décourager la confrontation avec Duque. Dans les rues, cependant, les jeunes organisés pour une confrontation inégale ont déclaré qu’ils préféraient mourir sous les coups de feu en combattant plutôt que d’être remportés par le Covid et la faim.
Dilemmes continentaux
Quelle que soit l’issue momentanée de la contestation actuelle, ce qui se passe en Colombie est symbolique des grands dilemmes économiques et socio-politiques de cette grande région du monde. Plongés dans une crise mondiale qu’ils n’avaient pas prévue, privés des profits extraordinaires du boom des matières premières des premières décennies de ce siècle, les gouvernements néolibéraux et les bourgeoisies ont plus que jamais besoin de recourir à des plans d’austérité : réduction des dépenses sociales, augmentation des impôts et des prix, privatisations – tout cela dans le but de payer les dettes publiques croissantes. À cette fin, ils nient les besoins croissants des populations, plongées dans la pauvreté et la misère multipliées par la récente récession. Ils sont tout disposés à imposer leurs plans par la force avec des fusils, des bazookas, des chars et maintenant des hélicoptères. Mais à un moment donné, une étincelle surgit, comme l’augmentation des impôts de Duque (ou l’augmentation des tarifs du métro de Piñeira au Chili, ou encore l’augmentation du prix du carburant par Lenín Moreno en Équateur), et fait exploser le chaudron de la fureur populaire.
La rage et les mobilisations, même héroïques comme celles menées par la jeunesse colombienne, ne suffisent pas à elles seules à inverser le cours tragique d’un continent colonisé par la finance mondiale, rendu malade par le Covid et infecté par le phénomène mondial de l’ultra-droite néofasciste. Il est certain que les luttes sociales vont se poursuivre – c’est désormais encore plus probable en raison de l’appauvrissement provoqué par la pandémie. Mais la contre-offensive néolibérale des 40 dernières années n’est pas terminée, même si la droite dispose de moins de cartes qu’il y a deux ou trois ans, et pourrait être encore affaiblie lors de nouvelles batailles dans les rues et dans les urnes.
Les peuples et les travailleurs d’Amérique latine devront continuer à expérimenter le néolibéralisme et ses « monstres » plus ou moins féroces (Bolsonaro, Duque, Piñera, Lasso, Lacalle). Ils devront encore en tirer des leçons. Il suffit de penser à l’Équateur : comment le banquier Lasso parviendra-t-il à imposer sa recette consistant à « serrer la ceinture » et à soumettre le pays aux diktats des sociétés financières, face à une société complexe, organisée et expérimentée dans le renversement ou l’usure des gouvernements qui lui font face ? La prochaine période sera marquée par davantage d’affrontements et de bouleversements sociaux. Nous aurons plus de chances de remporter des victoires partielles si la gauche institutionnelle ne jette pas de l’eau froide sur la volonté de lutte et n’entrave pas l’auto-organisation du peuple, avec sa tendance bien connue de tout canaliser vers les élections.
La crise économique mondiale sans précédent qui sévit aujourd’hui et l’intensification de l’affrontement entre les États-Unis et la Chine rendent impossible la répétition d’une nouvelle période de stabilité, plus ou moins longue, fondée sur le modèle d’une époque où le monde s’est développé et où les États-Unis, l’Union européenne, la Chine et la Russie coexistaient sans tensions majeures. Les exemples de l’Équateur, de la Bolivie et du Chili indiquent un espace social et politique grandissant pour la construction d’alternatives anticapitalistes.
Le « séisme » politique chilien
La catastrophe pandémique, du Rio Grande à la Patagonie, n’a pas empêché que les luttes et les affrontements politico-idéologiques s’emparent des élections. Le Chili est sans doute l’exemple le plus avancé.
Le résultat de la « méga-élection » du 15 mai dernier montre une défaite retentissante de la droite – qui n’a pas réussi à obtenir les deux tiers des députés constituants nécessaires pour opposer son veto aux avancées anti-néolibérales. La « gauche bien élevée » de l’alliance Concertación (Parti socialiste et Démocratie chrétienne), qui a gouverné le pays pendant 24 ans (1990-2010 et 2014-2018) (3), a aussi été défaite. Cette élection a propulsé des forces de gauche alternatives, comme le Parti communiste (4) et les groupements de ce qui fut le Frente Amplio (Front large). Mais surtout, elle a symbolisé l’invasion des institutions chiliennes par les « indépendants », parmi lesquels beaucoup sont de la gauche anticapitaliste.
Le phénomène des indépendants au Chili (5) – des candidats qui ont émergé en marge des partis, parfois sur des listes de partis de gauche, mais surtout par le biais de mouvements sociaux ou de listes communautaires, et qui sont aujourd’hui députées et députés constituants, gouverneurs, maires ou conseillers des municipalités – ajouté à la forte abstention (près de 60 %), confirme l’ampleur et la profondeur de la crise de représentativité du système politique chilien des 31 dernières années.
La composition de la Convention constitutionnelle reflète également l’ampleur de la victoire populaire : parité des genres, participation garantie des peuples autochtones (17 sièges sur 155), possibilité de candidatures et de coalitions en dehors des partis traditionnels. C’est la première Assemblée constituante de l’histoire où le nombre d’hommes et de femmes est pratiquement le même : 78 et 77 respectivement. La percée des femmes au Chili pour occuper l’espace représentatif a été si importante qu’il a fallu appliquer le mécanisme de parité (il était préétabli qu’il y aurait un nombre égal de femmes et d’hommes candidats, plus un mécanisme d’ajustement qui garantirait l’égalité dans tous les cas) pour assurer le même nombre d’hommes, puisque 84 femmes et 71 hommes ont été élus. En d’autres termes, 7 femmes ont dû céder leur place à des hommes pour garantir l’équilibre !
Ces éléments ne peuvent être expliqués que par la grandeur et la profondeur du soulèvement antisystémique d’octobre 2019, ainsi que par la force de la lutte des femmes, des jeunes et des peuples autochtones.
Équateur et Bolivie
Dans ce même contexte de plaques sociales tectoniques en mouvement au sein des sociétés, des élections ont eu lieu dans deux autres pays andins au début du mois d’avril.
En Équateur, le banquier Guillermo Lasso a battu Andrés Arauz, héritier de Rafael Correa (57,58 % contre 47,48 %) au second tour de l’élection. Au premier tour, en février, l’infime différence entre Lasso et Yaku Pérez, du Mouvement plurinational Pachakutik, a été mise en question par les mouvements sociaux, renforçant l’option des indigènes d’appeler à un vote nul « idéologique ». Le résultat c’est que le gouvernement de l’Équateur revient aux mains d’un représentant direct de la classe des affaires, pour la première fois depuis 35 ans. Lasso a un programme ultralibéral mais il a aussi la terrible contradiction d’affronter un peuple invaincu et une opposition de gauche avec une large majorité législative, qui a élu un député Pachakutik à la présidence du Parlement.
En Bolivie, les élections pour la direction des départements de La Paz, Tarija, Chuquisaca (où se trouve Sucre) et Pando ont été des défaites pour le MAS. Ses candidats ont perdu dans toutes ces régions, bien que le mouvement social et politique d’Evo Morales reste le seul parti national implanté. Le MAS s’est assuré le gouvernement de trois des neuf départements du pays (Cochabamba, Oruro et Potosí), comme en 2005. Il a perdu dans des villes importantes comme La Paz (où un ancien ministre d’Añez a remporté la mairie), Cochabamba et la stratégique El Alto.
Ces résultats et, en particulier, les performances des candidats liés à des mouvements qui ont appartenu au MAS ou qui ont une base MAS (comme l’ancienne sénatrice Eva Copa, aujourd’hui maire d’El Alto, et les gouverneurs élus de La Paz et de Chuquisaca) font monter la température du débat interne dans le parti-mouvement d’Evo Morales, dans lequel les choix de candidats « triés sur le volet » par l’ancien président sont fortement remis en question. Le grand parti-mouvement, héritier des luttes et des victoires des décennies passées, est aujourd’hui divisé en trois courants : d’une part Evo Morales, désireux de le transformer en une version bolivienne du PSUV de Maduro, dans un parcours autoritaire évident ; d’autre part, bien que très proche d’Evo, le groupement néolibéral plus technocratique représenté par l’actuel président Luis Arce ; et enfin la base de la Bolivie profonde, qui s’identifie au vice-président Davi Choquehuanca – contre la démarche qu’Evo entend imprimer à l’« instrument politique » (6).
Pas de « cycle conservateur » montant
À partir de ce tableau général, auquel il faut ajouter le conflit en cours pour garantir l’investiture à la présidence du condidat de la gauche, Pedro Castillo, au Pérou, il est possible d’indiquer quelques éléments qui façonneront la situation politique de la région dans la période à venir. La crise multiforme du capitalisme mondial s’exprime régionalement à travers la profonde crise des régimes démocratiques bourgeois (plus ou moins grave d’un pays à l’autre), aggravée et loin d’être résolue par la montée ici et là d’alternatives néofascistes. L’échec des options néolibérales du début du siècle (Carlos Menem en Argentine, Fernando Henrique Cardoso au Brésil, Enrique Peña Nieto au Mexique, Sebastián Piñeira au Chili, Gonzalo Sánchez de Lozada et Carlos Mesa en Bolivie) et l’absence, pour le moment, d’un nouveau type de gauche anticapitaliste, indiquent que les prochaines confrontations auront lieu entre les options néolibérales-oligarchiques (plus ou moins affaiblies), d’une part, et les héritiers du soi-disant « progressisme » qui ont gouverné pendant une bonne partie du siècle actuel.
Malgré toutes les différences entre les sociétés de la région (d’expérience de lutte, d’organisation, de défaites ou de victoires récentes), les alternatives capitalistes autochtones, profondément associées aux États-Unis, ne disposent pas de projets capables d’apporter des réponses économiques, démocratiques et de souveraineté nationale nécessaires pour surmonter les tragédies sanitaires, environnementales et sociales du monde de Covid. Leurs plans de surexploitation et d’autoritarisme (ouvert ou déguisé) continueront à se heurter aux demandes populaires de vaccinations, d’hôpitaux, d’emplois, de revenus, d’éducation, de logement et de transport et, surtout, au droit de s’organiser et de lutter pour la vie.
Il n’y aura plus de « progressisme » comme avant
Un « nouveau cycle » du soi-disant « progressisme » n’a pas commencé et n’est pas susceptible de commencer. Le « progressisme » est une catégorie discutable sous laquelle ont été classées des expériences aussi différentes que les processus du Venezuela et de la Bolivie (avec des luttes frontales contre l’impérialisme) et, d’autre part, les processus sociaux-libéraux de la « Concertación » chilienne, du Frente Amplio uruguayen et du PT au Brésil (ce dernier, en outre, avec des prétentions et des pratiques sous-impérialistes). En d’autres termes, il est peu probable que se répète l’hégémonie régionale de gouvernements de centre-gauche ou de gauche ayant des traits anti-impérialistes plus ou moins grands, capables de promouvoir une certaine redistribution. Cela ne signifie pas qu’il faille nier l’importance des victoires contre la droite en Bolivie, au Mexique, au Chili et au Pérou, ni écarter la possibilité de soutenir d’une certaine manière le retour de Lula au gouvernement brésilien, pour vaincre le néofasciste Bolsonaro.
Le fait est que le « progressisme » de la première décennie du siècle, tant dans son aspect plus bolivarien que plus social-libéral, était le résultat de conditions économiques et politiques mondiales (et aussi nationales) très spécifiques, qui ne se répéteront pas. Le succès relatif des gouvernements dits « progressistes » a également été soutenu par ce qui était (et est toujours, au vu de la situation actuelle au Venezuela) leur limite structurelle : ils se sont nourris du boom des matières premières, créant des modèles de développement extractivistes qui ont eu tendance à renforcer le caractère agraire-exportateur (et donc colonial et prédateur) des économies de la région. Dans leur version sociale-libérale ils ont consciemment construit des coalitions de classe entre les forces populaires et des secteurs plus ou moins larges des classes dirigeantes. Ces dernières se sont ensuite désengagées de ces projets et ne semblent pas disposées à les expérimenter à nouveau.
Malheureusement, les options progressistes n’ont pas dépassé ce modèle et continuent d’appeler le peuple à croire qu’il est possible de « recommencer », comme si rien n’avait changé, comme s’ils n’avaient pas déjà gouverné et n’avaient pas épuisé leurs partisans et les nouvelles générations de militants, en se heurtant à leurs exigences. Comme l’a souligné Franck Gaudichaud dans une récente interview : « l’Amérique latine – comme le reste du monde – est entrée dans une période de fortes turbulences, où se combinent une gigantesque crise économique, la crise sanitaire, l’approfondissement de la crise de la biosphère et une nouvelle polarisation sociale, politique et idéologique » (7).
Il est évident qu’il est correct de se positionner pour lutter côte à côte avec les secteurs « progressistes » – plus encore lorsqu’on fait face à l’existence d’une extrême droite ultra-libérale et conservatrice – et même, éventuellement, de les rejoindre ou de les soutenir lors des élections. Mais le débat stratégique s’appauvrit lorsque la pensée et l’action sont enfermées dans cette tactique – le front unique de Lénine et Trotski. Le front unique était, il y a plus de 80 ans, une tactique de lutte pour la base des partis ouvriers européens de masse, dans la lutte contre le fascisme croissant. Il est parfaitement correct et nécessaire d’appliquer une tactique unitaire dans la lutte contre le néofascisme autoritaire. Mais il faut se rappeler que – à part le Brésil et la Colombie – tous les pays d’Amérique du Sud ne comptent pas des ultra-droites ayant la possibilité d’arriver au pouvoir ou de s’y maintenir. La vaste « gauche sociale » latino-américaine (tant ses militant∙es que son électorat) n’est pas entièrement disciplinée par les « progressistes », comme l’était la base des partis ouvriers européens au cours d’une grande partie du XXe siècle. Il est également nécessaire de rallier ceux qui, à gauche, n’ont jamais été « progressistes » (comme les nouvelles générations qui prennent les rues) et ceux qui ont été désillusionnés par ces « progressistes » sans pour autant passer à droite. La lutte pour la conscience des peuples et des travailleurs ne se fait pas exclusivement par une seule tactique.
Dans les grandes luttes sociales de ces dernières années, surtout les plus récentes (Chili, Équateur, Pérou, Bolivie, Mexique, même en Argentine, au Brésil et maintenant au Paraguay et en Colombie) des centaines de milliers de militant∙es antisystème ont émergé et continuent d’émerger (8) : dans les mouvements de quartiers pauvres, les mouvements féministes, écologistes, antiracistes, des peuples indigènes, des communautés rurales, des communautés LGBTQI, des jeunes et des étudiants, des enseignants et des salariés des nouveaux secteurs. Tous ces mouvements avancent des revendications qui se heurtent aux limites du « progressisme » classique parce qu’ils luttent contre les conditions de vie imposées par le capitalisme contemporain.
Les cas de l’Équateur, du Pérou, du Chili et de la Bolivie, bien qu’électoraux, expriment les énormes contradictions, problèmes et défis que la nouvelle situation latino-américaine apporte. Aussi bien la droite que la gauche traditionnelle et ceux qui proposent de construire une nouvelle alternative anticapitaliste, écologique, féministe, antiraciste et démocratique, sont confrontés à ces problèmes. Ces exemples récents confirment, chacun à sa manière et avec une intensité différente, qu’il existe un espace social et politique – plus important au Chili, au Pérou et en Colombie, moins ailleurs – pour la construction d’alternatives anticapitalistes avec des programmes qui, émergeant des luttes sociales, avancent dans les réponses aux inégalités de toutes sortes, au racisme, à la faim, aux régimes corrompus, à la violence policière et militaire, à la destruction de l’environnement, à l’ethnocide des peuples indigènes.
Le chemin ne sera ni linéaire ni facile, il y aura des hauts et des bas, des défaites et des victoires. Le grand défi est d’être dans les luttes, avec cette nouvelle génération combattante, pour construire avec elle (et non pour elle) notre programme de rupture.
Ana Carvalhaes et Israel Dutra
Notes
1. Selon les données mises à jour le 28 juin 2021 par l’INDEPAZ (Institut d’études pour le développement et la paix), « Informe violencias en el marco del Paro Nacional 2021 », http://www.indepaz.org.co/cifras-de-la-violencia-en-el-marco-del-paro-nacional-2021/
2. En référence à l’Uribismo, un spectre politique populiste, d’ultra-droite et néolibéral dirigé par l’ancien président Álvaro Uribe Vélez, dont Duque est l’héritier direct. Ennemi juré de la guérilla dans son pays et dénoncé pour ses liens avec les groupes paramilitaires, Uribe a été le fer de lance de la campagne de rejet de l’accord de paix avec les FARC.
3. En 2014-2018, les partis de la Concertación se sont associés au Parti communiste du Chili pour former la coalition Nueva Mayoria (nouvelle majorité).
4. Alors qu’il faisait partie de la coalition Nueva Mayoria – qui a perdu les élections présidentielles face à la droite de Piñeira en 2018 – le PCC n’a pas accepté lors du soulèvement de 2019 de signer le pacte de transition, par lequel le gouvernement a obtenu l’arrêt des manifestations en échange de la convocation de l’Assemblée constituante.
5. Il y a plusieurs « camps politiques » parmi les dits « indépendants » : 28 députés de la Lista Apruebo Dignidad (Frente Amplio et PC), 27 de la Lista del Pueblo (mouvements de gauche sociale, communautaire, généralement anticapitaliste), 11 plus vers le centre-gauche, appelés « Indépendants non-neutres » et 10 autres élus en dehors de toute coalition ou « liste » – pour un total de 76, soit 49 % de la Convention. Si l’on ajoute les 17 représentants ethniques (tous les élus sont de gauche au sens large), cela fera 93 voix sur 155, soit 60 %. Et ce, sans compter les 25 élus de la Liste d’approbation (PS, DC et petits partis de centre-droit), identifiés aux gouvernements sociaux-libéraux de la Concertación. La droite, avec 37 élus, a raison de craindre la nouvelle Constitution.
6. Le nom complet du MAS est : Mouvement vers le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples (Movimiento al Socialismo – Instrumento Político por la Soberanía de los Pueblos, MAS-IPSP)
7. « Amérique latine : nouvelle période, nouvelles luttes. Entretien avec Franck Gaudichaud », Contretemps, 8 avril 2021, https://www.contretemps.eu/%E2%80%89amerique-latine-turbulences-gauche-luttes-mouvements-sociaux/).
8. Sur ce sujet voir Paul Mason, « How the Covid shock has radicalized Generation Z », The Guardian du 2 juin 2021, https://www.theguardian.com/world/2021/jun/02/how-the-covid-shock-has-radicalised-generation-z
Chronologie récente de la Colombie (Inprecor)
2020
Un indigène est tué tous les six jours, dommage collatéral de la lutte entre les paramilitaires et les narco-trafiquants.
Chute du PIB de 6,6 %. 42,5 % de pauvres. La moitié de la population vit de l’économie informelle.
Les accords de paix de Juan Manuel Santos avec la guérilla des Farc, prévoyaient un réinvestissement de l’État dans les zones auparavant tenues par les Farc. Mais l’opposition du président Duque à ces accords freine l’application du plan de paix.
Les assassinats de militants sociaux et les massacres se sont multipliés depuis l’arrivée au pouvoir de Iván Duque : 41 massacres ont eu lieu dans le pays, tuant 210 personnes depuis 2018.
Le 8 septembre, au cours d’une manifestation contre le gouvernement du président Iván Duque, l’avocat Javier Ordonez arrêté, électrifié puis meurt dans un commissariat de Bogota.
La répression des manifestants contre la politique de Duque fait au moins 11 morts et plus de 200 blessés. La police tire à l’arme à feu sur les manifestants.
En octobre, pendant quatre jours à l’initiative des indiens Nasa, plus d’un million d’indigènes, d’afro-colombiens et de petits agriculteurs se rassemblent sur la plus grande place de Bogota en une minga pour manifester contre le gouvernement. Ils dénoncent l’assassinat de plusieurs de leurs dirigeants. Ils exigent la fin des violences, plus de démocratie et le droit à l’autodétermination.
Avec la baisse des prix agricoles aggravée par la pandémie et l’ouverture du marché à la concurrence internationale depuis 1990, des petits producteurs agricoles sont appauvris.
2021
Pandémie 75.000 morts pour 50 millions d’habitants (mai)
Le tribunal JEP inculpe huit anciens chefs guérilleros pour crimes contre l’humanité en raison des 21.000 enlèvements commis par les FARC.
Fin avril, début d’une mobilisation avec grève générale contre un projet de réforme fiscale qui, en pleine pandémie, frappe principalement les classes moyennes.
En mai, les mobilisations contre les politiques de santé, d’éducation et de santé du gouvernement s’élargissent. La police fait plus de 30 morts pour briser des manifestations pacifiques.