Au moment où une troisième vague de Covid-19 provoque des ravages en Thaïlande, de plus en plus de citoyens expriment sur la Toile ou dans la rue leur désapprobation envers la manière dont le gouvernement du Premier ministre Prayuth Chan-ocha gère la crise. Le 10 août, des milliers de personnes se sont réunies dans les rues de la capitale Bangkok, dans un rassemblement provoquant des heurts avec la police.
Selon les derniers chiffres publiés par le Bangkok Post, le pays enregistre un nouveau record de contamination, avec 19 843 nouveaux cas et 235 décès en vingt-quatre heures. Depuis le début de l’épidémie, le royaume a connu 795 951 cas.
Multiplication des mouvements dans la rue
La troisième vague a démarré en avril et depuis quelques semaines les appels à la démission du gouvernement enflent. Mais ce dernier ne propose pas de réponse adéquate, estime le site Thai Enquirer. Déjà, samedi 7 août, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Bangkok, défiant l’interdiction et l’état d’urgence, raconte le site. La police avait tenté de bloquer la marche, donnant lieu à des échauffourées.
Le 1er août, des rassemblements sous forme de défilés de voitures avaient eu lieu dans la capitale ainsi que dans une trentaine de villes de province. SelonThai Enquirer, l’organisateur avait notamment lancé :
“Le Premier ministre travaille de chez lui pendant que des gens meurent chez eux.”
Les filles du Premier ministre interpellées sur Internet
Pour Thai Enquirer, c’est sans aucun doute la lettre publique adressée aux filles jumelles du Premier ministre le 1er août par leurs anciens amis de l’université, via Facebook, qui a suscité le plus de réactions. La lettre, écrit le site, demande que les filles du Premier ministre l’encouragent “à prendre la responsabilité de la très mauvaise gestion de la pandémie exercée par son administration et à démissionner afin de laisser la place à un successeur plus capable”.
Le texte est devenu viral. Il a également été partagé sur Twitter, donnant lieu à la création d’un mot-clé, et a fait la une des journaux.
Interrogés par Thai Enquirer, les auteurs de la lettre reconnaissent que le procédé est inédit. Ils ont suivi la même formation que les filles du Premier ministre, dans la très conservatrice université de Chulalongkorn. Mais ils estiment qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de faire appel à Ploy et Plern, les enfants du chef de gouvernement, car “leurs voix sont sans doute importantes pour leur père”.
Face à cette fronde, le gouvernement thaïlandais tente de juguler les paroles dissidentes. Thai Enquirer note dans un autre article comment la police s’équipe pour espionner les discussions sur Internet. Par ailleurs, le 29 juillet, le gouvernement a publié un décret lui permettant de suspendre l’adresse IP de toute personne diffusant sur Internet des informations inquiétantes ou mettant en cause la sécurité nationale, outrepassant ainsi les droits donnés au Premier ministre dans le cadre de l’état d’urgence, explique le quotidien conservateur Bangkok Post.
Ce décret a d’ailleurs été censuré par la justice quelques jours plus tard, le 6 août. Une décision “humiliante” pour le gouvernement, juge le Bangkok Post, tant elle met en lumière la manière dont le gouvernement “abuse de son pouvoir et limite les droits des citoyens”.
Un gouvernement dos au mur
Le gouvernement avait pris cette décision après la diffusion dans les médias et sur les réseaux sociaux d’images de cadavres dans les rues de Bangkok, dont certains morts du Covid.
“On a l’impression que le gouvernement est dos au mur. Malgré le confinement, on ne voit aucun signe de ralentissement de la pandémie. Les contaminations et les décès s’accélèrent. Les réserves de vaccins semblent sporadiques. Les hôpitaux débordent de patients attendant dans les couloirs.”
Et le Bangkok Post de conclure : “Ces histoires, ces faits sont-ils de nature à faire peur au gouvernement ? De quoi a-t-il peur ? De contenus ‘effrayants’ ou du résultat des nombreuses erreurs [qu’il a commises] ?”
Courrier International
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