C’est une partie de “ping-pong inhumain” qui se joue entre la Biélorussie et la Pologne, déplore une journaliste du quotidien polonais d’opposition Gazeta Wyborcza, actuellement présente à la frontière entre les deux pays. Des Afghans, mais aussi des Irakiens, des Yéménites, des Iraniens et des Syriens se présentent actuellement aux gardes-frontières polonais pour demander l’asile, mais sont refoulés.
“Nous avons des preuves de violations du droit international, affirme le journal. Dimanche 22 août, nous avons vu des étrangers arrêtés par les gardes-frontières et emmenés dans une direction inconnue. Il s’agit des mêmes personnes qui avaient déposé une demande d’asile une dizaine d’heures plus tôt au poste-frontière de Szudzialowo. Ils disent avoir été renvoyés de cette façon à de nombreuses reprises ces deux dernières semaines – jusqu’à 19 fois dans le cas des Irakiens.”
Selon des témoins locaux interrogés par Gazeta Wyborcza, “les réfugiés sont conduits à la frontière par des Biélorusses à bord de véhicules militaires et doivent ensuite franchir des ponts provisoires en bois pour traverser la rivière-frontière, la Svislatch. S’ils traînent – apeurés ou hésitants –, on tire au-dessus de leur tête. Pour les locaux, les bruits de Kalachnikov indiquent clairement que ce ne sont pas des Polonais qui font feu.”
Rejetés de part et d’autre de la frontière, les demandeurs d’asile sont condamnés à l’errance. Ils déclarent en outre “avoir été victimes de violences, non seulement dans leur pays d’origine, mais aussi de la part des gardes-frontières, du côté biélorusse comme du côté polonais”.
Cependant, affamés et épuisés, “ils n’ont pas la force d’échapper aux gardes-frontières et s’abandonnent sur les bancs et les bords des routes”, poursuit le quotidien.
“Mesure de rétorsion”
D’ordinaire paisibles, les environs sont désormais envahis par les hélicoptères de l’armée tandis que “la nuit, les forêts et les champs sont passés au peigne fin des projecteurs”. Les habitants, eux, réagissent diversement, constate le journal. Si un média local a parlé de “plaie de migrants illégaux”, dans des discussions entre voisins, “une femme a demandé ce qu’elle pouvait leur donner comme nourriture et s’ils mangent de tout”.
Gazeta Wyborcza rappelle que l’instrumentalisation des migrants par le régime biélorusse d’Alexandre Loukachenko a commencé il y a plusieurs semaines et a d’abord pris pour cible la Lituanie : “C’est une mesure de rétorsion au soutien fourni par Vilnius à l’opposition biélorusse et aux sanctions contre la Biélorussie.”
La situation se dégrade donc désormais aussi en Pologne. Le journal cite ainsi le ministère de l’Intérieur polonais, qui a annoncé qu’en août “2 100 personnes ont tenté de franchir illégalement la frontière polono-biélorusse”. Et Gazeta Wyborcza de souligner que le ministère a ajouté “de façon explicite” :
“Le gouvernement de Droit et justice [le parti national-conservateur au pouvoir depuis 2015] s’est toujours opposé à la migration illégale et incontrôlée. La Pologne refuse de laisser entrer sur son territoire des personnes qui peuvent constituer une menace pour nos citoyens.”
Une position qui, “de l’avis de militants et de juristes, est contraire aux conventions de Genève et au droit d’asile inscrit dans la Constitution polonaise”, conclut le journal.
Gazeta Wyborcza
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